Une soirée trop arrosée peut vous faire voyager

Cet article a initialement été publié sur VICE Angleterre.

Se réveiller d’une nuit d’ivresse dans un endroit improbable, rien de plus normal. Il y a vingt ans, cela aurait pu être à Saint-Julien Molin-Molette, petit bourgade auvergnate de 1 000 habitants environ, ou au cœur d’une déchetterie. Mais les temps ont changé et le mot « improbable » revêt aujourd’hui un tout autre sens. Ainsi, la magie des compagnies low cost rend très facile un réveil surprise à Reykjavik ou à Oslo, et sans les filtres Snapchat géolocalisés, impossible de s’en rendre compte. On ne compte plus les signalements de post-ados perdus dans un aéroport à l’autre bout du continent après être partis se la coller un samedi soir comme il y en a tant d’autres.

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Air du temps ? Mode passagère ? Difficile à dire, et encore plus à nommer : entre EasyGet 27 et ApérOpodo, notre cœur balance. Pour y voir plus clair dans ce remake contemporain des Grandes Découvertes – ou de Very Bad Trip c’est au choix, on est allés recueillir les témoignages de quatre explorateurs malgré eux.

Un aller simple pour Barcelone – Alex, Angleterre

Un soir, je suis parti faire la tournée des bars avec un pote. Quelques verres plus tard, je me suis retrouvé tout seul et j’ai vu un bus démarrer. C’était un direct pour l’aéroport de Londres. Il pleuvait, il faisait froid et ça a fait tilt dans ma tête. « Pourquoi je ne prendrais pas un billet de dernière minute pour un endroit un peu moins glauque », me suis-je demandé. J’ai donc réservé un aller simple pour Barcelone.

J’ai embarqué, je me suis octroyé une petit sieste salvatrice, avant de me réveiller tout frais quelques minutes avant l’atterrissage. Frais et lucide, surtout. En pleine redescente, dans tous les sens du terme, j’ai soudainement pris conscience de ce que je venais de faire. Je suis parti les mains dans les poches, avec juste une bouteille d’eau, mon portable et mon portefeuille. Ainsi que ma tenue de la nuit dernière, bien sûr.

Je suis descendu de l’avion dans un effluve de Jägerbomb et d’après-rasage, puis j’ai appelé mes parents. Comme mon père m’a suggéré de rester un moment sur place, j’ai réservé un retour prévu trois jours plus tard, ce qui me laissait le temps d’explorer la ville, de rencontrer du monde, de profiter du soleil et des tapas. Tous les soirs, lorsque je rentrais à l’hôtel, je lavais mes fringues, vu que je n’avais rien d’autre à mettre.

J’ai appris deux choses pendant mon séjour : apprécier la solitude et ignorer le jugement des autres. Je ne suis pas mort, je ne me suis pas retrouvé en taule. Il y a pire dans la vie ! Depuis, c’est ma devise.

Fin de soirée à l’hôpital – Sam, Australie

Tout a commencé sur le port de Beaulieu-sur-Mer. C’était un vendredi comme les autres dans cette petite ville de la Côte d’Azur… Avec deux collègues, on avait déserté le bureau pour acheter un pack de bières à Carrefour et nous poser sur la plage. Je nous revois plier nos serviettes et aller jeter nos détritus au coucher du soleil. L’idée de faire la fête à La Rascasse à Monaco nous avait effleuré l’esprit. Mais pour moi ça restait des paroles en l’air car on était bien trop déchirés pour conduire jusque là-bas.

À partir de là, tout est allé très vite.

Six heures plus tard, je me suis réveillé dans la chambre d’un hôpital situé sur une falaise qui surplombe le port de Monte-Carlo. Les infirmières m’expliquent que les flics m’ont déposé là. Moi, tout ce que je voulais, c’est être au bureau avant 8 heures, mais les infirmières ne voulaient rien entendre : selon elles, je n’étais pas assez sobre pour rentrer en France.

Je n’ai pas compris. À l’exception de quelques éraflures et d’une grosse bosse sur le front, je me portais comme un charme. J’ai repéré un sac plastique dans lequel on a rassemblé mes vêtements. Une fois les infirmières parties de ma chambre, je me suis habillé avant de m’échapper par la fenêtre et dévaler la colline pieds nus – mes chaussures avaient mystérieusement disparu–, en quête d’une gare. Je suis arrivé sur l’avenue centrale lorsque quelqu’un m’a appelé. C’était une collègue, elle m’a reconnu depuis le trottoir d’en face. Il était 6 heures du matin et elle sortait d’une soirée à La Rascasse où elle était certaine de m’avoir vu. Après m’avoir demandé si tout allait bien elle m’a indiqué le chemin pour aller à la gare, non sans m’avoir pris en photo sous tous les angles, morte de rire devant la perfusion qui pendouillait de mon bras. En tout cas je suis arrivé au bureau juste à l’heure.

Réveil en Tasmanie – Tom, Australie

J’avais 17 ans et j’étais en soirée avec mon meilleur pote Daniel. La plupart des gens ont choisi d’être adultes et sont rentrés chez eux, mais nous, on était torchés comme jamais et surtout pas fatigués. On avait prévu de rentrer par le même bus que d’habitude, mais l’un d’entre nous avait suggéré de monter dans le premier avion en partance de Melbourne, histoire de changer. On a donc pris un bus, certes, mais pour l’aéroport. Trou noir. Puis nous voilà sur l’île glaciale de Tasmanie.

On a dépensé le peu de fric qu’on avait encore en poche dans des chapeaux en plastoc et une voiturette de golf de location. Il nous restait donc moins de 3 euros en tout. Et je précise qu’on n’a même pas joué au golf ! On s’est contentés de faire des allers-retours, occupés à nous extasier devant l’ampleur de notre connerie.

Au retour, on était aussi nazes que déshydratés. Ce fut l’idée la plus pourrie de toute ma vie.

Escapade à Zurich après un EVG – Jordan, Angleterre

Je suis allé enterrer la vie de garçon de mon beau-frère à Munich. On avait fait une cagnotte commune pour payer la soirée. Histoire de ne perdre ni mon portable ni mon portefeuille, je les avais laissés dans ma chambre d’hôtel. J’ai enchaîné les verres et j’ai fini par perdre mes potes, alors je suis monté dans le premier taxi. J’ai débité deux ou trois conneries, et le chauffeur m’a foutu dehors.

Au comble du désespoir, ivre et abandonné, j’ai fini par trouver un bus. Comme je n’avais pas de ticket, j’ai supplié le chauffeur de me laisser monter quand même. Mais lui ne voulait rien entendre. Dans l’espoir qu’il passe par l’hôtel, dont j’avais bien entendu oublié l’adresse, j’ai réussi à me cacher dans la soute au dernier moment.

Cinq heures plus tard, le bus est arrivé à son terminus. À ma sortie de la soute, j’étais perdu, je n’avais pas la moindre idée d’où j’étais. Et puis quand j’ai commencé à voir des panneaux « Zurich », j’ai eu un instant de soulagement, persuadé que c’était une ville allemande quelconque. C’est à ce moment-là que j’ai vu des drapeaux suisses flotter un peu partout.

Au bout d’une heure d’errance, je suis tombé sur un commissariat, alors je suis allé tout raconter aux flics. Mon histoire leur a été traduite en français. Fou rire général. Le commissaire m’a donné un sandwich, un paquet de cigarettes, et une lettre cachetée à présenter au contrôleur du bus. J’ai fini par arriver à Munich, sans téléphone ni portefeuille, et surtout sans la moindre idée de l’adresse de l’hôtel. J’ai donc erré sans but jusqu’à tomber par hasard sur la gare où on était descendus. Il ne me restait plus qu’à trouver ce putain d’hôtel.

@hamsoward