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Une startup finlandaise veut nourrir le monde avec de la poudre de microbe

Solar Foods doesn't use agriculture feedstocks in its products, so it “can make food in space or in the desert or the Arctic.”​ Image: Solar Foods​

Une startup finlandaise a réussi à produire de la nourriture à l’aide d’air, d’électricité, de nutriments minéraux et de microbes. Entrée prévue sur le marché : 2021.

Solar Foods, dont la méthode de production découle de recherches menées au Centre National de la Recherche Technique et à l’université de technologie de Lappeenranta (LUT), est encore loin d’être prête. Pour le moment, elle ne produit qu’un kilogramme de poudre comestible par jour, un produit riche en protéines qu’elle appelle « Solein ».

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Pasi Vainikka, CEO de Solar Foods, affirme qu’un kilogramme de Solein peut combler les besoins en protéines quotidiens de sept à dix personnes.

Solar Foods espère que sa poudre vegan et écolo finira par remplacer la viande et le soja, deux produits exigeants en ressources et terres cultivables. Vannika soutient que la Solein est « complètement » déconnectée de l’agriculture. Une fois prélevés au sol, les microbes qui la produisent sont cultivés en laboratoire. Les nutriments inorganiques qui leur servent de nourriture proviennent de dépôts minéraux.

Le alternatives à la viande déjà ou bientôt lancées sur le marché, notamment l’Impossible Burger végétal ou les steaks de laboratoire de Memphis Meats, visent à diminuer l’impact écologique de l’élevage. Pas moins de 78 % des terres agricoles seraient réservées au bétail et à son alimentation. Malheureusement, comme les vaches qu’ils essaient de sauver, ces substituts dépendent eux aussi de produits agricoles, qu’il s’agisse de plantes ou de cellules tirées d’animaux vivants.

« Il ne suffit pas de changer notre système énergétique, nous devons aussi changer ce que nous mangeons et comment nous le mangeons » explique Pasi Vainikka, contacté par téléphone. « Si vous voulez… Réduire l’impact environnemental, vous devez abandonner l’utilisation des sols, et c’est désormais ce que nous pouvons faire grâce à cette technologie. Nous n’utilisons aucun produit agricole dans nos produits, nous pourrions faire de la nourriture dans l’espace, le désert ou l’Arctique. »

Solar Foods diligente actuellement une étude de faisabilité pour l’Agence spatiale européenne (ASE). L’étude tourne autour d’une question importante : la startup pourrait-elle concevoir une technologie de production adaptée à un appareil en partance pour Mars ? En tant que membre du Business Incubation Program de l’ESA, Solar Foods peut profiter du budget, du personnel et des réseaux de l’agence pour réponde.

Pour produire la Solein, Solar Foods récupère d’abord de l’hydrogène par électrolyse de l’eau. Elle lui adjoint ensuite du dioxyde de carbone et des nutriments comme le potassium, le sodium et le phosphore, puis confie le tout à des microbes tirés du sol.

Le processus permet d’obtenir un mélange à 50% de protéines, 25% de glucides et 5 à 10% de gras, assure Vainikka.

Le patron de Solar Foods affirme que la poudre peut être consommée de trois façons : en supplément à des aliments existants, comme les pains ou les boissons ; comme un ingrédient d’alternatives végétales à la viande, notamment les steaks végétariens ; comme une source renouvelable d’acides aminés nécessaires à la création de viandes de laboratoire.

Vainikka pense que la Solein coûtera 7 à 10 euros le kilo, assez peu pour être compétitif face à d’autres produits riches en protéines d’origine animale ou végétale.

Le CEO admet que l’équipe a encore beaucoup de travail, pour assurer la viabilité de sa technique à grande échelle comme pour respecter les mesures d’hygiène qui conditionnent l’accès au marché.

Le bas volume de production actuel de Solar Foods inquiète Peter Tyedmers, professeur à l’École pour les ressources et études environnementales de l’université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. Pour cet expert alimentaire, Solar Foods n’atteindra jamais une taille suffisante pour concurrencer le système agricole en vigueur. La Solein seraient également trop chère pour endiguer l’insécurité alimentaire globale.

« Ces produits ne seront jamais en mesure de répondre aux besoins des plus pauvres » estime Tyedmers au téléphone. « Les individus qui le plus besoin de nourriture sont ceux qui sont le moins en mesure de s’en acheter, et ce ne sera jamais la nourriture la moins chère. » Avant de trancher : « C’est une merveille technologique, peut-être, mais ce n’est pas un système alimentaire. »

L’autre problème majeur, c’est la demande. Si la fameuse poudre atteint bel et bien le marché, les consommateurs accepteront-ils de la mettre dans leur bouche ? Les alternatives aux produits animaux, viande ou lait, attirent toujours plus d’individus d’année en année. Cependant, les produits plus récents et « complexes » comme la viande de laboratoire sont toujours critiqués pour leur côté peu vendeur. Tant pis pour leur potentiel écologique.

Le docteur Sylvan Charlebois de la Rowe School of Business de Dalhousie rappelle qu’alimentation et innovation s’entendent plutôt mal car les consommateurs se méfient des nouveaux produits tant qu’ils n’ont pas été consacrés par une tendance mainstream.

« C’est difficile de se lancer quand les marges sont si minces alors que vous dépendez de hauts volumes et de canaux de distribution intensifs, qui ne sont d’ailleurs pas forcément accessibles dès le début » détaille-t-il par téléphone.

Charlebois note néanmoins que Solar Food est plus proche du marché qu’aucune autre startup concurrente, au moins à sa connaissance. Et il est plutôt optimiste pour la poudre.

« 2018 a été une année importante pour les régimes à base de plante », explique-t-il. « Ça s’est clairement normalisé, ce qui peut aider une nouvelle entreprise à sonder le marché pour savoir si, oui ou non, ils peuvent écouler un produit à prime tout en rendant service à l’environnement. »

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