Ah, les panneaux traditionnels qui nous accueillent dans les aéroports, ce « Live Laugh Love » de l’aviation respectable que forment les « Welcome », « Willkommen », « Bienvenue »… « Stay away » ?! Oui, ce petit dernier – qui en gros vous dit poliment de vous casser –, c’est le nouveau slogan de l’office du tourisme d’Amsterdam. Une injonction a priori anodine qui vise à endiguer le troupeau de touristes exalté·es qui se rendent aux Pays-Bas dans l’optique de faire la tournée des clubs, partir à la chasse aux truffes magiques, assister à des concerts et, bien sûr, fumer d’énormes quantités de weed.
Sauf que depuis peu, Amsterdam n’est plus un petit bout de paradis libertin et verdoyant. Le conseil municipal a en effet interdit de fumer de l’herbe dans le Red Light District ; il a imposé aux travailleur·ses du sexe un couvre-feu à 3 heures du matin ; fixé l’heure de fermeture des bars à 2 heures du matin les vendredis et samedis ; et cerise sur le spacecake, interdit à quiconque d’entrer dans le Vieux Centre après 1 heure du matin. Comme si ces mesures n’étaient pas assez strictes, la ville envisage toujours de réserver les coffee shops aux résident·es permanent·es, ce qui aurait pour effet de faire partir en fumée toute l’industrie touristique de la weed.
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En gros, les touristes de la défonce sont peu à peu éliminé·es comme des mauvaises herbes.
Le super bon côté de la chose ? Ces décisions vont obliger les stoners à être un peu plus aventureux·ses et à explorer de nouveaux eldorados plutôt que de s’en tenir aux mêmes habitudes néerlandaises paresseuses qu’ils réitèrent d’année en année. La question à un million, c’est maintenant de savoir où se situera le prochain Amsterdam. Quelle destination sera couronnée Nouvelle Capitale de la weed ? Pour prendre un peu d’avance, voici un aperçu des potentiels candidats. Après tout, on dit bien que l’herbe est plus verte ailleurs.
La feuille vierge : l’Allemagne
Il existe un mème allemand où l’on peut voir un politicien en costume (ou un pingouin muni d’un énorme téléphone) se demander quand la weed sera légalisée : « Wann bubatz legal ? » Ce mème répandu sur Reddit est devenu d’autant plus viral que plusieurs hommes politiques allemands se sont vus interrogés sur le sujet en direct à la télévision. Et ce cher chancelier Olaf Sholz n’avait absolument aucune idée de ce que signifiait « bubatz » (en gros, un terme argotique pour désigner un joint).
Pendant quelque temps, l’espoir s’est répandu dans les poumons des stoners. Un projet de loi prévoyait en effet de légaliser le cannabis à des fins récréatives dans tout le pays et de réglementer la vente, autorisant la possession personnelle de 30 grammes maximum pour les adultes et la possibilité de cultiver deux plants. L’idée était d’autoriser la vente dans des magasins et des dispensaires agréés (des coffee shops), l’intégralité de l’herbe devant être cultivée dans le pays plutôt qu’importée.
Malheureusement, bien qu’il ait initialement reçu un accueil favorable de la part de l’Union européenne, un plan de légalisation beaucoup moins sympa a été annoncé en avril 2022. L’accent a été recentré sur la culture à domicile, les adultes pouvant cultiver jusqu’à trois plants de cannabis. Pour acheter de la weed, ils pourront se fournir dans des Cannabis Social Clubs, comptant un maximum de 500 membres, plutôt que dans des magasins ou des pharmacies agréés.
Argot à connaître : « Bubatz », soit une belle grosse batte.
Le challenger : la République tchèque
C’est peut-être un coup du destin dans l’épopée de la beuh : l’indicatif téléphonique de la République tchèque est +420. Bref. Ça fait une dizaine d’années que le cannabis médical est légal dans le pays et l’industrie nationale de la culture a été démonopolisée en 2022. Il est actuellement possible de fumer du chanvre à 1% de THC, mais il reste peu probable que ça vous fasse planer. Pour les personnes qui vivent dans le pays, la décriminalisation prévoit une allocation assez généreuse de dix grammes de marijuana et de cinq plants. Bien qu’il soit toujours illégal de fumer en public, il est sans doute facile de brouiller les pistes à Prague.
Quoi qu’il en soit, Jindřich Vobořil, partisan de la légalisation, est redevenu coordinateur du pays en matière de drogues. Il milite en faveur d’un marché légal du cannabis, avec le soutien du Premier ministre Petr Fiala. C’est logique : 550 000 Tchèques cultivent de l’herbe à la maison et le pays compte le plus grand nombre de fumeur·ses de weed de toute l’Union européenne. Actuellement en train d’élaborer des plans, le gouvernement espère faire passer quelque chose d’ici l’année prochaine – et ce paradis d’EVG débridés ne semble pas avoir l’intention d’inciter les touristes à rester dans leur pays.
Argot à connaître : « Být zhulenej », qui signifie être fonfon comme jamais.
Les Cannabis Clubbers : Malte et la Catalogne
Ces deux États ne vous viennent peut-être pas directement à l’esprit quand vous pensez weed, mais sachez que Malte et la Catalogne sont plutôt progressistes en matière de législation.
Malte est devenue la première nation de l’UE à légaliser le cannabis en décembre 2021, autorisant les adultes à posséder sept grammes et à cultiver quatre plants. S’il est toujours illégal de fumer en public, l’Autorité maltaise pour l’usage responsable du cannabis (ARUC) a ouvert les inscriptions aux Cannabis Clubs en février de cette année. Les frais de dossier pour obtenir la licence s’élèvent à 1 000 euros et les candidat·es qui souhaitent se lancer dans le business doivent passer un entretien. Mais si les directeur·ices des clubs doivent résider à Malte depuis au minimum cinq ans, les fondateur·ices n’ont pas besoin d’y vivre. Les clubs cultiveront leur propre weed (pas de plafond de THC !) et pourront s’installer dans des zones résidentielles. Mauvaise nouvelle cependant : l’accès aux touristes est encore à l’étude.
Vient ensuite la Catalogne. Si la weed est dépénalisée dans le cadre d’un usage personnel dans toute l’Espagne, le cannabis récréatif et médical reste illégal. En Catalogne, cependant, quelque 500 Cannabis Clubs (« asociaciones cannábicas ») profitent d’une zone grise pour proposer des lieux de rencontre où les gens peuvent s’allumer un stick et chiller, dont quelques centaines à Barcelone. Bien qu’ils soient techniquement réservés aux habitant·es, vous pourrez probablement y entrer en tant que touriste si vous n’êtes pas trop flag, car la plupart s’en foutent un peu de savoir si vous vivez réellement en Espagne ou non – mais ne faites trop les marioles quand même.
Argot à connaître : « Porro » – ce terme qui signifie littéralement « poireau » désigne aussi un joint en catalan.
Les pionniers : le Canada et l’Uruguay
Seuls deux pays au monde ont légalisé l’herbe. Si on pense assez facilement au Canada, la plupart des gens oublient complètement l’Uruguay, premier pays à avoir autorisé le cannabis récréatif en 2013. Étonnamment, ce n’était pas la volonté du peuple : à l’époque, 58 à 66 % des Uruguayen·nes étaient opposé·es à cette mesure. Quoi qu’il en soit, il est désormais légal pour les résident·es d’acheter jusqu’à 40 grammes par mois dans des pharmacies agréées, même si beaucoup choisissent de s’approvisionner auprès de dealers, car c’est beaucoup plus diversifié et bien moins cher. L’actuel tsar national des drogues est persuadé que l’Uruguay légalisera l’herbe pour les touristes d’ici cette année – même si les prix seront plus élevés que pour les locaux. Bref, vous ne risquez pas d’avoir trop d’ennuis là-bas.
Le Canada a fait de même en 2018, légalisant la weed sur l’ensemble de son territoire. C’est également l’un des seuls endroits au monde où il est totalement légal pour les touristes d’acheter de l’herbe auprès de plus de 3 000 vendeurs agréés, et bien sûr de la fumer. Vous pouvez posséder jusqu’à 30 grammes et, dans la plupart des États, vous pouvez fumer votre joint dans n’importe quel endroit où fumer des cigarettes est autorisé.
Argot à connaître : d’après une liste du gouvernement canadien parfaitement déconnectée de la réalité : « shatter », « budder », « honeycomb » ou « dank krippy ». En Uruguay, le terme « Cogollo » désigne de la weed de haute qualité, la crème de la crème.
Les plus attrayants : le Colorado et la Californie
Bien sûr, c’est un peu loin de chez nous, mais si vous aimez vraiment la weed, le Colorado et la Californie sont des destinations de choix. Parmi les 21 États américains ayant légalisé l’herbe, ces deux-là sont réputés pour leur matos de grande qualité et extrêmement puissant. Il s’agit d’un commerce important et en plein essor : La Californie a engrangé 4 milliards de dollars de recettes fiscales depuis qu’elle a commencé à commercialiser la weed, et le Colorado n’est pas loin derrière avec 2,3 milliards de dollars.
À condition d’avoir plus de 21 ans (ce qui pourrait décourager de nombreux·se partisan·es d’Amsterdam), vous pouvez acheter de l’herbe en tant que touriste dans l’un ou l’autre État. Le voyage en vaut la peine : vous pourrez vous délecter de certaines des variétés les plus emblématiques comme la Wedding Cake, la Girl Scout Cookies et la Sour Diesel.
Argot à connaître : « Flower », ça sonne bien, pas vrai ?
Les classiques : la Jamaïque et la Thaïlande
Avant que les cultivateur·ices de marijuana ne deviennent complètement zinzins et décident de croiser toutes les plantes disponibles pour créer des monstres de THC, il y avait ce qu’on appelle les variétés « landraces », soit les souches originales qui poussent naturellement dans la nature. L’une d’entre elles est la « thaï », une sativa pure arrivée aux États-Unis dans les années 1970. La « lamb’s bread » en est une autre, cultivée en Jamaïque et accessoirement variété favorite de Bob (Marley, bien sûr). Avec une histoire aussi riche et verdoyante, il n’est pas étonnant que la weed jouisse d’une place toute particulière dans ces deux pays.
En 2022, la Thaïlande a retiré l’herbe de la liste des drogues, conduisant à l’ouverture de 5 000 cafés et shops de cannabis et créant ainsi un « Weed Wild West » pour les touristes intrépides. Il convient toutefois de noter que fumer en public est passible d’une peine de trois mois d’emprisonnement.
En Jamaïque, il est illégal de fumer de la ganja, mais la possession d’un maximum de 57 grammes n’est pas considérée comme une infraction pénale (même si vous risquez une petite amende si vous en avez sur vous dans l’espace public). La marijuana médicale est légale et la loi est très souple, ce qui signifie que les centres de bien-être, tels que la Kaya Herbhouse, disposent de médecins capables de vous fournir les formulaires nécessaires à l’achat d’herbe légale si vous souffrez d’anxiété, de douleur ou d’un problème de santé mineur. Pour l’heure, c’est un peu la pagaille. Bizarrement, la Jamaïque importe beaucoup de weed du Canada au lieu de développer une stratégie de production locale, ce qui la fait passer à côté d’opportunités économiques florissantes.
Argot à connaître : « Ganja » vous suffira pour les deux.
Un séjour au vert : l’Irlande
Si la weed n’est pas encore légale en Irlande, accrochez-vous bien à votre trèfle à quatre feuilles, car la situation pourrait bientôt changer. Le Parlement irlandais a récemment présenté un projet de loi visant à légaliser la consommation de cannabis pour les adultes et à autoriser la possession de sept grammes maximum. Bien entendu, tout ça ne signifie encore rien en termes de coffee shops, de dispensaires, de clubs ou de touristes, donc disons que l’île d’émeraude n’est pas encore entièrement passée au vert.
Argot à connaître : rien que vous n’ayez déjà entendu.
Le Cannabis Connect : Le Maroc
En termes de kilomètres à parcourir et de coût financier, le Maroc ne remplace pas facilement Amsterdam. Mais saviez-vous qu’une grande partie du haschisch disponible à Dam provient du Maroc ? C’est le top, le top du top.
Cultivée illégalement dans tout le pays, la plante a permis au Maroc de devenir le premier exportateur mondial de cannabis en 2016. En 2021, l’herbe à usage médical et industriel a été légalisée, mais l’usage récréatif reste illégal. Quoi qu’il en soit, le tourisme du « kif » y est très répandu : des villes comme Chefchaouen et Ketama regorgent de guides touristiques discrets prêts à vous emmener en excursion, à vous prodiguer une rapide leçon d’histoire et à vous faire goûter à cette herbe de qualité.
Argot à connaître : « Kif ».
Le joker : Kanepi
Oubliez Boaty McBoatface : les citoyen·nes de la ville estonienne de Kanepi (dont le nom n’est qu’à une lettre du mot « cannabis » en estonien) ont voté pour que leur nouveau drapeau et leurs armoiries représentent une énorme feuille de cannabis verte. Le conseil municipal a décidé de soumettre le vote à ses représentant·es, qui ont heureusement remporté une victoire de neuf à huit sur le projet. L’herbe est peut-être encore illégale, mais la possession de 7,5 grammes est décriminalisée. Agitez donc ce drapeau et levez votre briquet et votre chapeau à la défonce estonienne !
Argot à connaître : « Kanep », le seul vocable utile au foncedé.