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Les parents d’élèves deviennent dingues sur Whatsapp

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Les parents ont toujours adoré cancaner et se raconter les derniers ragots sur la maîtresse ou tel élève à la sortie de l’école. Mais avec les distanciations sociales et le confinement, les échanges sont bien souvent limités à un simple bonjour. Beaucoup ont fait le choix de se créer un groupe Whatsapp pour discuter de leurs progénitures et de leurs cours. Une question sur le dernier contrôle ou encore la dernière chanson à apprendre par coeur ? En quelques secondes, les pères et mères se répondent et s’entraident. Mais comme pour beaucoup de groupes en ligne, tout peut très vite s’envenimer, surtout quand on commence à trop écouter les mensonges de ses enfants et les colporter.

C’est ce qui est arrivé à Samuel, enseignant en primaire à Lyon, qui a failli perdre son emploi à cause d’un groupe Whatsapp. En octobre dernier, le professeur a été convoqué par le directeur de son école pour une plainte déposée par plusieurs parents pour violence envers plusieurs de ses élèves. Samuel tombe des nues et ne comprend pas : « J’étais tellement sous le choc que je pensais qu’il s’agissait d’une blague vu que je m’entendais très bien avec le directeur. » Il est loin de s’imaginer qu’un élève, tombé dans la cour, est rentré avec un bleu et a raconté à son père qu’il l’avait frappé. Au lieu de demander un entretien avec l’enseignant, le parent a de suite envoyé des messages scandalisés sur le groupe Whatsapp et en quelques heures un élève s’est transformé en trois enfants qui sont déjà rentrés avec des bleus.

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« Mes mains tremblaient tellement j’avais peur de perdre mon emploi pour un mensonge d’enfant. »

Les parents concernés sont convoqués pour faire face à Samuel. « Je leur ai raconté que je n’avais jamais levé la main sur un de leurs enfants. Ce n’était même pas envisageable pour moi. Mes mains tremblaient tellement j’avais peur de perdre mon emploi pour un mensonge d’enfant. » Le ton monte entre l’enseignant et les parents, persuadés de la violence du professeur. Sur le coup de la colère, une mère dégaine son portable et ouvre l’application Whatsapp pour dévoiler au professeur ce qu’il se dit dans son dos. Samuel y voit les messages qui demandent sa démission et la photo de l’avant-bras d’un élève couvert d’un gros bleu. Selon la mère, l’enseignant aurait donné un coup à son enfant alors qu’il était interrogé au tableau et ne savait pas résoudre un exercice de maths.

L’histoire aurait pu aller loin et coûter l’emploi de Samuel si l’enfant n’avait pas admis son mensonge le jour même de la confrontation alors qu’il était interrogé par le psychologue de l’école. Les parents se calment et rédigent en commun une lettre d’excuses à l’enseignant qui a beaucoup de mal à faire comme si de rien n’était. « J’ai commencé à être dégoûté de mon travail et de mes élèves, alors que j’adorais ça avant. J’ai décidé de me faire arrêter avant de tomber en sévère dépression. » Ce dernier est actuellement toujours arrêté et reprend goût, petit à petit, au métier en donnant des cours en tant que bénévole à des enfants en difficulté.

« Les parents peuvent parfois être pires que leurs enfants. »

Si le cas de Samuel reste rare, bon nombre de professeurs ont déjà expérimenté des déboires à cause de groupes Whatsapp de parents d’élèves. Une directrice d’un collège parisien s’inquiète de cette nouvelle mode chez les parents. À tel point, qu’en septembre dernier, elle a annoncé aux parents être contre la création de ce genre de groupe, même si elle ne peut, bien entendu, pas les en empêcher. « Les parents peuvent parfois être pires que leurs enfants. Tout est déformé et amplifié sur ces groupes qui sont rarement utilisés à bon escient. Ça devient un défouloir. »

Ces dernières années, cette directrice a dû faire face à plusieurs réflexions de parents concernant des rumeurs infondées diffusées sur Whatsapp. Si les enseignants sont aussi réticents à ces groupes c’est principalement parce qu’ils n’y sont pas et ne savent pas ce qui s’y dit. « Il y a encore un mois, une jeune enseignante m’a dit qu’elle se sentait épiée et scrutée par les parents depuis qu’elle avait appris qu’ils l’avaient critiqués sur leur groupe Whatsapp. Ce n’est pas sain, aussi bien pour les parents que pour les professeurs. »

« Il y a des jours il peut y avoir 200 messages sur un problème rencontré à la cantine ou des soupçons de coucherie entre deux profs. »

En effet, ce sont parfois les parents eux-mêmes qui se plaignent des groupes Whatsapp. Les messages propagent mensonges, accusations mais aussi stigmatisations de certains élèves. Agnès, maman d’un enfant hyperactif, a vu avec effarement une pétition se créer contre son fils. « Ils voulaient que mon fils change de classe car ils tiraient tous les autres vers le bas. Ça a été très dur parce que j’étais sur ce groupe et certains mentaient pour grossir les traits. » Il n’y a donc pas que les enfants qui sont méchants. Agnès a averti le directeur de l’école qui a dû intervenir pour faire cesser cette pétition. En dehors de ces attaques, les messages peuvent vite devenir envahissants lorsqu’ils se transforment en commérages sans fin. « Ça parle le soir, le week-end, ça ne s’arrête jamais et c’est pour tout et n’importe quoi. Il y a des jours il peut y avoir 200 messages sur un problème rencontré à la cantine ou des soupçons de coucherie entre deux profs. On a envie de décrocher et en même temps si on ne s’investit pas, on se sent jugé » raconte Agnès. Malgré le fait que les parents ne soient pas présents en classe, certains affirment assez facilement avoir été témoins de scènes tout droit sorties de l’imagination de leurs enfants. De quoi accentuer le harcèlement de certains enfants pour qui l’école s’avère déjà difficile.

Guilhem, enseignant en primaire dans la capitale, a pu observer les dommages que peut causer Whatsapp sur ses élèves. « J’avais une classe plutôt difficile avec un élève assez agité et les parents ont commencé à se liguer contre cet élève sur le groupe. Ils se sont montés la tête et ça arrive vraiment souvent sur Whatsapp, ça fait un effet boule de neige. » Comme dans le cas d’Agnès, Guilhem fait face à un collectif de parents qui souhaite le départ d’un élève. Les parents surenchérissent sur la méthode d’apprentissage de Guilhem, sans qu’aucun parent ne vienne lui en parler directement. Jusqu’au jour où son école reçoit une lettre de mécontentement signée par la grande majorité des parents des élèves dont il est chargé. Dans le courrier, les reproches vis-à-vis de l’enseignant et de l’élève s’amoncellent.

Guilhem est particulièrement choqué. En tant que jeune professeur, il le vit très mal. « Ça a été très loin, j’ai vraiment pris la lettre pour moi. Je faisais mon maximum pour aider la classe et faire avancer chaque élève. Le fait que les parents ne le voient pas et qu’en plus ils écoutent des bruits de couloir et la version des enfants, je l’ai vécu comme une injustice. » Pour démêler le vrai du faux, il a décidé de convoquer les parents un à un et leur parler. Beaucoup ont minimisé les faits et affirmé que ce n’était pas contre Guilhem. Est-ce que les parents sont aussi des enfants mythomanes ? Ou est-ce que le fait de retourner à l’école les font retourner en enfance ? On ne préfère pas savoir mais une chose est sûre : Whatsapp rend complètement dingue.

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