Cette semaine, sur le stand du Ministère de la Défense français au Salon du Bourget, la Direction générale des armées (DGA) présentait fièrement le futur joyau de la flotte aérienne française : un drone de combat, réalisé en collaboration avec le Royaume-Uni. Il devrait venir épauler des avions de combat, par exemple le Rafale français à l’horizon 2030.
Le nom de code de ce drone ou UCAV (pour « Unmanned Combat Air Vehicle ») est FCAS pour « Future Combat Air System », ou « système de combat aérien futur » en français (SCAF). Inspiré par son ainé, le drone prototype de Dassault — le nEUROn, qui a fait son premier vol en décembre 2012 — ce nouveau projet doit permettre de rattraper le retard pris sur les Américains qui sont bien plus avancés dans le développement des drones de combat avec leur X47B.
Videos by VICE
« Le drone de combat agira dans les premiers jours d’une mission pour une entrée sur théâtre seul, » nous expliquait ce mercredi en langage militaire un expert de la DGA rencontré au salon du Bourget. Ce drone de nouvelle génération doit, en effet, permettre d’ouvrir la voie aux avions de combat Rafale, des chasseurs français fabriqués par Dassault. Il s’agit d’envoyer ces drones pour effectuer la partie la plus périlleuse de la mission, à savoir détruire les défenses antiaériennes de la zone ciblée, mais aussi repérer les forces en présence. Le SCAF permet aussi d’éviter de se faire repérer par l’ennemi puisqu’il aura une « signature radar » de la taille d’une libellule — donc quasiment invisible, alors qu’il devrait avoir une envergure réelle de 16 mètres. Après le nettoyage du terrain par les SCAF, les Rafale pourront arriver sur zone et mener le gros de la mission dans un environnement moins dangereux.
La DGA proposait à certains de ses visiteurs (les premiers jours, le salon est fermé au public, seuls les professionnels se promènent dans les allées) de mieux se figurer ce type de mission via un grand écran panoramique incurvé et installé sur son stand du Bourget. Des délégations en petits groupes ont défilé pour mener tour à tour une mission virtuelle, qui ressemble à une « démo » plutôt réussie d’un Call of Duty – Drone Edition. Le côté interactif de l’expérience se résumait toutefois au choix de pilonner ou non une cible avec le SCAF. Le scénario était le suivant : un drone SCAF arrive sur une zone littorale montagneuse non identifiée. Au sol, des batteries d’artillerie et des véhicules armés sont repérés, leur champ de tir et positions sont figurés par des icônes.
Un membre d’une délégation en tenue d’apparat n’a pas hésité au moment où le démonstrateur du SCAF lui demande s’il autorisait la frappe. « Frappe autorisée, » lance laconiquement le militaire. Deux SCAF font exploser les batteries de missiles antiaériens, puis les Rafale prennent le relais. Fin de la démo. La suite, ce sera pour 2030.
Le SCAF a « vocation à aller sur des théâtres dits de haute intensité, hautement défendus. Des nations qui sont formées et bien équipées, et qui pourraient représenter une menace à l’avenir pour la France et ses alliés, » nous explique le spécialiste des drones de la DGA. « C’est là où le drone de combat sera différenciant vis-à-vis d’autres systèmes d’armes. »
Aujourd’hui, la France se sert uniquement de drones de surveillance, qui n’effectuent pas de frappes sur des hommes au sol. La différence entre le SCAF et ces drones de surveillance, par exemple le Reaper, c’est la capacité du drone de combat « à pénétrer des théâtres non-permissifs, » nous explique un des experts de la DGA. « Pour utiliser les drones de surveillance, il faut déjà disposer de la supériorité aérienne. Le SCAF aura une “survavibilité” accrue par rapport à un drone de surveillance pour pénétrer ces systèmes, » précise le spécialiste.
Le SCAF est une « grosse plateforme » dit l’expert de la DGA. Ce drone de combat aura une envergure de 16 mètres, contre 10,86 mètres pour un Rafale. Il s’agit d’un réel avion, mais pas encore un avion de chasse à part entière. Le SCAF ne peut pas mener de combats aériens, réservés aux Rafale ou tout autre avion de chasse qui a un pilote à bord.
Le projet du SCAF est né en novembre 2014, quand la France et le Royaume-Uni ont signéun contrat d’étude de faisabilité de ce futur drone de combat développé conjointement. Les deux pays avaient déjà lancé deux programmes de développement de drone de combat : le nEUROn, côté français (en partenariat avec la Suède, la Suisse, l’Italie, la Grèce et l’Espagne) et le Taranis, de l’autre côté de la Manche. Le nEUROn et le Taranis n’étaient que des « démonstrateurs technologiques, qui n’étaient pas dotés de capacités opérationnelles, » nous explique la DGA. Le SCAF fusionne en quelque sorte les projets nEUROn et Taranis, et a réellement pour vocation d’embarquer de l’armement et pas seulement de faire des démonstrations de vol.
Si le SCAF sera équipé d’armes, il sera simplement habilité à détruire les défenses antiaériennes. Le fait d’attribuer ces missions de « nettoyage de la zone » au SCAF permettra de rester dans les clous de la doctrine européenne concernant l’utilisation des drones. Contrairement aux États-Unis, la France — et le Conseil de l’Europe — refused’effectuer des frappes ciblées sur des hommes (notamment à cause des victimes collatérales qui vont de pair avec ce type d’attaque). LA DGA tient aussi à rassurer quant à l’autonomie accordée au SCAF, « L’homme est central dans le dispositif, il supervisera la machine. »
Le partenariat entre les Britanniques et les Français fait sens pour le développement du SCAF, puisque « nous avons les mêmes besoins opérationnels, des ambitions calendaires identiques et des stratégies industrielles similaires, » précise la DGA. Dassault Aviations — le fleuron de l’industrie aéronautique française et propriété de la famille Dassault — et BAE Systems, responsables respectivement du développement du nEUROn et du Taranis, sont parties prenantes du développement du SCAF. Rolls-Royce et Safran collaboreront pour ce qui est de la conception du moteur. Thalès et Selex ES s’associeront aussi, vraisemblablement pour la partie électronique.
La DGA nous précise toutefois que le SCAF a « vocation à devenir un programme européen, les portes sont ouvertes à des partenaires complémentaires. »
Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray