Mondial tonte moutons Dorat Limousin
Photos Robin Jaffin pout VICE FR
animaux

Marcels et bronzage agricole au mondial de tonte de moutons

La compétition s’est déroulée au Dorat, un village paumé du Limousin, du 1er au 7 juillet.

« Votre TER arrive en gare du Dorat, ville hôte des championnats du monde de tonte de mouton ». À peine arrivé, le ton est donné. Dans cette bourgade de 1 700 habitants, située en Haute-Vienne, l’événement semble être celui de toute une région. Au fur et à mesure que je traverse le village, les pancartes, affiches et les moutons collés aux fenêtres se multiplient. Sur les hauteurs, un gigantesque champ de 7 hectares accueille la compétition sous une chaleur caniculaire. La voix du speaker se fait de plus en plus présente, oppressante même. Tantôt en français, tantôt en anglais, il articule avec une diction digne d’un commissaire-priseur dans Storage Wars. Tout autour du grand chapiteau, où sont rassemblés spectateurs et compétiteurs, fleurit une multitude de stands : de la vente de tracteurs jusqu'à la bouffe en passant par la banque et l'assurance. Il règne ici une odeur particulière : un mélange de chèvre, de feu de barbecue et de paille séchée.

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Une fois à l’intérieur, plusieurs milliers de personnes se massent, bière et/ou drapeau à la main, pour acclamer leurs champions. Plus d’une trentaine de nationalités sont présentes, surtout des Anglos-Saxons et des Océaniens. Chaque manche départage au maximum six compétiteurs, le tout dans six catégories : tonte machine, forces et tri de laine déclinés en individuel et en équipe. Chaque participant est jugé dans un premier temps sur sa rapidité. Durant la tonte, un juge note chaque erreur à l’aide d’un petit compteur. Une fois le mouton tondu, un autre juge inspecte l’animal afin de donner un nombre de points « à froid ». Après chaque tonte, les moutons sont basculés dans un toboggan qui les remets dans un enclos. A ce moment-là, un juge inspecte plus précisément les moutons de chaque concurrent afin d'attribuer à nouveau des points. Le but de la compétition est donc de tondre « vite et bien ». C’est-à-dire, avoir un tas de laine homogène, le tout sans blesser l’animal.

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Toute la journée, les moutons et les tondeurs s’enchaînent sur la scène et son espace de tonte. Ici, les meilleurs tondent un mouton en moins de 20 secondes à la tondeuse électrique et en moins de 3 minutes à « la force », avec des ciseaux. Et les Français font figure d’outsiders. « On peut viser la finale en équipe et la demie-finale, voire la finale en individuels », me confie Thimoléon, l’un des meilleurs tondeurs de l’équipe de France. « Les Néo-Zélandais sont ultras favoris, tout le monde ou presque tond chez eux. C’est un sport national là-bas », reconnaît-il. Eleveur à côté de Limoux, dans l’Aude, il tond un mouton en 18 secondes les meilleurs jours. Six fois champion de France, vainqueur cinq fois du circuit français, il arrive régulièrement jusqu’aux phases finales des mondiaux. Pour se préparer à la compétition, l’équipe a suivi plusieurs stages d’entraînement axés sur la technique et le sportif. « C’est un effort physique et mental assez intense. Quand tu dois tondre 5 moutons à la suite, le plus rapidement et le plus proprement possible, c’est assez chaud. Il faut rester concentré », avoue Reinhard, la trentaine, un des petits nouveaux de l’équipe de France, originaire du Lot-et-Garonne. « La chance que l’on a, c’est que généralement, on peut s’entraîner au travail », ajoute Thimoléon.

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Une fois ressorti de la salle des spectacles, je croise Laura, la tondeuse de l’équipe belge. Pour la première fois, la Belgique est représentée dans la compétition. Née à Bruxelles mais bergère en Ecosse, elle s’est mise à la tonte encouragée par des amis écossais. Formée par des membres de l’équipe locale, elle ne suit aucun entraînement particulier, si ce n’est celui de la bière et du fromage. Elle me présente dans la foulée ses mentors William et Mark, deux tondeurs de l’équipe écossaise, gagnante du 6 Nations de la tonte [l’Italie en moins et l’Irlande du Nord en plus, NDLR], et présents dans les compétitions internationales depuis 7 ans.

Les deux mentors de Laura sont affables et ne manquent pas une occasion de placer une vanne, se moquant gentiment de mon accent. Là encore, leur équipe est mixte. Sur les 6 tondeurs de la team, deux sont des femmes et ce n'est pas une exception, loin de là. Quasiment toutes les équipes comptant plusieurs tondeurs sont mixtes. C’est également le cas des épreuves, qu’elles soient en solo ou par équipe. « Hommes et femmes ont toujours travaillé côte à côte, c’est une des grandes forces de notre sport », se félicite Reinhard.

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Pour certains tondeurs, la tonte est une forme de sacerdoce. « C’est le genre de métier qui prend beaucoup de temps », reconnaît Laura, la jeune Belge. C’est pas le genre d’activité que tu fais pour la thune. Tu le fais avec les tripes, par passion, pour le bien-être de l’animal », conclu de son côté Reinhard. Le métier de tondeur à proprement parlé est en voie de disparition. Seuls 200 d’entre eux sont professionnels et en tirent des revenus, souvent dérisoires. Il ne reste presque plus aucune laverie de laine en France. La majeure partie de la production est dorénavant exportée vers la Chine. Les 10 tonnes de laine récupérées lors du championnat n’y échapperont pas : 40% de la production sera envoyé dans l’empire du milieu. Le restant sera transformé au Japon, en Allemagne et en France. Toutefois, il existe une vraie fraternité entre les tondeurs, quelle que soit leur nationalité. « On se connaît tous plus ou moins », décrit Thimoléon. « Et puis c’est l’occasion de mettre en avant des causes importantes à nos yeux », me glisse Laura. La Belge reverse ainsi ses gains de la tonte à une association de lutte contre le cancer. En parallèle, elle démarche également des sponsors pour pouvoir fournir un appui supplémentaire à la cause qu’elle défend.

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Malheureusement, la compétition est relevée et l’équipe belge, néophyte en la matière, sera vite éliminée. Thimoléon, lui, arrivera jusqu’en finale de tonte machine par équipe où il finira 5ème. Malheureusement, il sera éliminé en demi-finale de la catégorie reine : la tonte avec machine en individuel. C’est un Gallois qui la remportera. William et Mark, les deux écossais finiront 6ème en force. Une occasion supplémentaire de fêter ça le soir même, en kilt évidemment. C’est donc entre deux mecs au bronzage agricole, en marcel et avec en fond un remix du Lac de Connemara, que se finira la compétition des 34 équipes nationales engagées. Pour sa toute première édition en France, l’événement aura tout de même attiré plus de 60 000 spectateurs du monde entier, venus assister à la tonte express de 4 000 moutons.

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