Santé

Je vis avec une infection résistante aux antibiotiques

« J'aimerais que les gens comprennent que notre mode de vie est à l'origine du SARM. Même les personnes qui ne prennent pas nécessairement beaucoup d'antibiotiques continuent à manger des aliments qui en contiennent. »
Sandra  Proutry-Skrzypek
Paris, FR
VT
propos rapportés par Virgie Townsend
patiente chez le médecin antibiotique
Michelle Constantini/PhotoAlto/Getty Imagesm

J’ai attrapé un staphylocoque doré résistant à la méticilline (SARM) en dernière année de fac, pendant les vacances d’hiver. La première flambée, en dessous de la ceinture, a duré six mois. J’en avais sur mes parties génitales, sur mes fesses et le long de mes jambes.

Dans bien des cas, les personnes atteintes de SARM chronique croient d’abord que leur infection est due à une piqûre d'araignée ou à une égratignure, jusqu’à ce que l'infection se transforme en un abcès douloureux et incontrôlable.

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Au début, j'ai paniqué et j'ai pensé que c'était peut-être l'herpès. Cela m'aurait surprise, mais je ne voyais pas ce qui aurait pu causer d'autres plaies rouges dans ces zones. Deux médecins m'ont mal diagnostiquée le premier mois. Pendant les vacances d'hiver, j'ai vu un dermatologue et un gynécologue, et tous deux m'ont dit que c'était sans doute des poils incarnés infectés ; ils ne m'ont pas donné de vraie réponse. Quelque chose n'allait pas, mais je ne savais pas quoi. L'infection n'était pas diagnostiquée ou traitée correctement, et j'avais honte de l'endroit où elle se trouvait sur mon corps.

Quand je suis revenue de Long Island à San Diego pour mon dernier semestre, je suis allée au centre médical et j'ai dit : « Je crois que j'ai un staphylocoque ». J'avais regardé des photos en ligne et ça y ressemblait. C'est à ce moment-là que j'ai reçu le bon diagnostic. Le médecin m’a examiné et a dit : « En effet, c'est un staphylocoque à 100 %. » En revanche, impossible de savoir comment je l’avais attrapé.

Je me sentais un peu seule. J'étais à l'autre bout du pays, loin de ma famille et je n'avais pas de voiture, alors j'étais obligée d'aller au centre de santé de mon campus, et ce n’était pas un problème que les médecins de l’université traitaient régulièrement. Je n'avais aucune idée de ce qui se passait. Mes parents ne savaient pas ce que c'était, et on ne pouvait en parler qu'au téléphone. J’ai passé six mois à voir des médecins au hasard et en ayant l’impression que personne ne s’en inquiétait.

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J'ai fait beaucoup de recherches, mais il y avait tellement de contradictions. Des gens disaient qu'il suffit de prendre des antibiotiques, mais à un moment donné, ils ne fonctionnent plus. C'est pourquoi le SARM est un si gros problème.

Lorsque le médecin a correctement identifié le SARM, il m'a prescrit les bons antibiotiques et l’infection est partie, mais elle est revenue deux semaines plus tard. C'est réapparu comme ça de façon cyclique pendant environ deux mois. J'avais des abcès vraiment douloureux partout, au point que ça me gênait pour m'asseoir, marcher ou faire quoi que ce soit. En y repensant, j'aurais dû prendre un arrêt maladie, parce que c'était mon dernier semestre d'université et que j'étais très stressée, mais je ne l'ai pas fait. Cela a probablement aggravé la situation et affaibli mon système immunitaire.

Les médecins n'arrivaient pas à comprendre pourquoi ça revenait sans cesse. J'étais très à cheval sur l’hygiène. Je faisais ma lessive tous les deux jours. J'essuyais toute surface juste après l'avoir utilisée. Je vivais avec trois autres filles et aucune ne l'a contracté. Aucun de mes amis ne l'a contracté non plus. J’ai tout fait pour prévenir l’infection, mais elle n'a pas cessé de réapparaître.

Ça m'a atteint mentalement. J'étais très déprimée depuis la première infection, et je ne m'en rendais même pas compte parce que j’étais focalisée sur la douleur physique que je ressentais. Le SARM est psychologiquement handicapant, surtout si vous êtes déjà sujet à l'anxiété. J’ai lu tellement d'histoires d'horreur, et l'infection peut s'aggraver rapidement, alors je n’arrêtais pas de me demander ce qui se passerait. Et si j'avais une septicémie ? Et si l'hôpital ne pouvait pas me soigner ?

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J'avais encore l'infection quand j'ai obtenu mon diplôme en mai 2016. Pendant ma cérémonie de remise des diplômes, j'avais très mal parce que j'étais assise et qu'il faisait chaud. Ce n'est qu'en juin, après l'obtention de mon diplôme, qu'un médecin des urgences m'a fourni les renseignements les plus utiles.

Mon père m'a offert un road trip de San Diego à New York. Pendant ce voyage, ça a empiré. C'était incroyablement douloureux. Un jour, nous sommes allés au parc national de Zion. J'ai dit à mon père que ce n'était probablement pas une bonne idée, parce qu'il faisait chaud dans le désert et que j’allais transpirer.

Le lendemain matin, je me suis réveillée avec un petit bouton sur la jambe. C'était différent de mes autres blessures, qui étaient de gros abcès. Cela ressemblait à un poil incarné, et c’était apparu du jour au lendemain. Quand je me suis levée, j'ai crié. Je ne pouvais pas marcher, et c'était à cause de ce petit point blanc.

Mon père m'a emmenée à l'hôpital. Après six ou sept mois de flambées par intermittence, le médecin urgentiste a été le premier à me dire d'enlever mon piercing au nez. Je ne savais pas que le staphylocoque pouvait coloniser votre nez, et aucun médecin ne m'avait dit de retirer mon anneau par mesure préventive parce que le staphylocoque pouvait y vivre. Entre le retrait de mon piercing, les antibiotiques que le médecin m'a prescrits et l’application locale de miel de Manuka, l'épidémie a disparu et n'est pas réapparue avant presque deux ans. Je me suis sentie libérée. C'était incroyable.

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Quand l'infection est réapparue plus tôt cette année, c'était sur mon visage, donc ça ressemblait à une sévère poussée d’acné. Mais la situation était très différente. Il y a plus de recherches qu'il n'y en avait il y a encore quelques années. Les gens sont de plus en plus sensibilisés au SARM et partagent de plus en plus de témoignages. Aussi, je suis plus près de ma famille et je peux voir un médecin spécialisé dans les maladies infectieuses sur une base régulière. Même après que les choses se soient réglées, j’ai voulu avoir un spécialiste des maladies infectieuses qui me connaisse et qui connaisse ce genre d'infections, étant donné que j’avais eu beaucoup de mauvaises expériences avec les médecins lorsque j'ai contracté le SARM pour la première fois.

Le spécialiste des maladies infectieuses n’a pas voulu me prescrire d'antibiotiques la deuxième fois. Son raisonnement était que même si c'était sur mon visage et douloureux, ce n'était pas une infection grave. S’il m’avait mis sous antibiotiques, cela aurait pu compliquer davantage les épidémies que j'aurai à l'avenir. Il m’a conseillé de traiter l’infection le plus naturellement possible. Il m'a aussi dit d'aller voir un dermatologue parce que l'acné est un terrain de jeu pour les bactéries.

Mon régime alimentaire est très important pour réduire les infections – j'essaie de manger aussi sainement que possible. Je garde aussi tout super propre, ce qui est peu respectueux de l'environnement, un sujet qui me tient à cœur. Je me sens mal d'utiliser autant de produits à usage unique, mais je suis obligée.

Je dois aussi garder mon niveau de stress au plus bas. Les médecins m'ont dit que des poussées surviennent probablement lorsque je suis stressée, alors j'essaie de vivre une vie plus simple. Le problème, c'est que lorsque le SARM apparaît, c'est long et douloureux. Les deux endroits où j’ai été infectée – mes parties génitales et mon visage – me causent beaucoup de honte. Les cicatrices sont aussi un problème. J'en ai sur le visage, mais j’espère qu’elles vont s’estomper.

J'aimerais que les gens comprennent que notre mode de vie est à l'origine du SARM. Même les personnes qui ne prennent pas nécessairement beaucoup d'antibiotiques continuent à manger des aliments qui en contiennent. L'industrie de la viande en utilise encore.

Il est frustrant de voir que les gens ne comprennent toujours pas la différence entre une bactérie et un virus. Quand ils ont un rhume, ils vont chez le médecin, et les médecins prescrivent parfois simplement des antibiotiques pour calmer la personne. Les gens les prennent sans savoir que cela ne réglera pas leur problème, ou bien ils les prennent de façon incorrecte. Nous sommes une telle culture de germaphobes que nous avons créé ces microbes qui nous font vraiment du mal.

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