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République Démocratique du Congo

Comprendre la crise sanglante en République démocratique du Congo

Depuis ce lundi des manifestations meurtrières déchirent la capitale Kinshasa, alors que le président Joseph Kabila s’accroche au pouvoir.
Pierre Longeray
Paris, FR
Des partisans de l'opposition congolaise lors d'une manifestation appelant à la destitution du président Joseph Kabila, dans la capitale de la République démocratique du Congo, Kinshasa, le 19 septembre 2016. (REUTERS/Kenny Katombe)

Cela faisait un moment que l'opposition congolaise avait coché la date du 19 septembre 2016 dans son agenda. Selon la Constitution, c'est ce lundi, au plus tard, que les autorités devaient convoquer les électeurs au scrutin présidentiel prévu pour la fin de l'année, afin d'éviter un report des élections présidentielles.

Problème, le président en poste depuis 2001 de la République démocratique du Congo (RDC), Joseph Kabila, est passé maître dans le « glissement électoral » et les élections n'ont que peu de chances de se tenir dans les délais constitutionnels.

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Les opposants congolais avaient donc décidé de défiler dans les rues de la capitale Kinshasa, ce lundi pour signifier à Kabila son « préavis » de 3 mois, avant de devoir quitter le palais présidentiel — son deuxième et dernier mandat s'achevant le 19 décembre prochain.

Mais avant même que la manifestation de lundi ne commence, des heurts ont éclaté. Certains médias comme Le Monde, indiquent que des manifestants auraient attaqué dans la matinée une permanence du parti au pouvoir à Kinshasa — ce qui aurait motivé les autorités à annuler la manifestation prévue pour le début d'après-midi.

Libération avance une autre version des faits. La garde républicaine aurait tiré sur les manifestants aux alentours de 10h30 — avant que la manifestation ne soit interdite. Ceux-ci auraient répliqué en lynchant un policier et en mettant le feu à une maison appartenant à un soutien du président.

17 people have died during protests in — Ruptly (@Ruptly)September 20, 2016

Images de la manifestation de ce lundi à Kinshasa (via Ruptly)

Malgré l'interdiction, des centaines de Congolais ont manifesté toute la journée de lundi, s'opposant très violemment aux forces de l'ordre locales. Le bilan de la journée est très lourd : 17 morts, dont trois policiers, selon le ministre de l'Intérieur de RDC, Evariste Boshab. Pour le « rassemblement » de l'opposition (qui regroupe les principaux partis d'opposition), il y aurait eu plus de 50 morts.

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« C'était quasiment prévisible, » nous explique par téléphone un chercheur congolais au fait de la situation, qui préfère garder l'anonymat. « Cela couvait depuis janvier 2015 et l'adoption de la réforme électorale. »

Nouvelle flambée ce mardi

Ce mardi au petit matin, plusieurs sièges de partis de l'opposition ont été incendiés, dont celui de la principale force d'opposition congolaise, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). À son arrivée devant le siège de l'UDPS, un journaliste de l'AFP a observé deux corps calcinés et trois blessés.

Les sièges des Forces novatrices pour l'union et la solidarité (Fonus) et celui du Mouvement lumumbiste progressiste (MLP) — qui avaient appelé à manifester ce lundi — ont aussi été visés par des incendies. D'après des témoins interrogés par la BBC, la garde présidentielle aurait attaqué dans la nuit l'un des sièges des partis d'opposition incendiés.

Le site d'information local, Politico.cd, rapportait ce mardi après-midi plusieurs incidents un peu partout dans Kinshasa. Le Tribunal de Grande Instance aurait été incendié, alors que des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre font rage à l'université de la ville.

« Le régime doit parler pour que cela se calme, mais pour le moment Kabila se mure dans le silence, » nous explique l'expert de la politique congolaise. « Il n'est pas dit que la situation se calme, surtout si d'autres villes que Kinshasa prennent le relais et que les étudiants — qui étaient jusqu'ici en période d'examen — se mêlent aussi à la lutte. »

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Pas d'élections avant mi-2017 ?

Si les élections devaient originellement se tenir en novembre, il est apparu dès la fin août que cela serait difficilement réalisable. La Commission électorale du pays avait annoncé qu'il lui fallait « 16 mois » pour recenser les 30 millions de personnes en âge de voter en RDC. Puisque ce recensement a débuté en mars, il ne sera pas fini avant juillet 2017 — repoussant d'autant de mois les présidentielles.

Ce fastidieux travail de recensement arrange Kabila, parce qu'il était parvenu en mai dernier à faire changer la Constitution pour rester en poste tant qu'un nouveau président ne serait pas élu.

« Il semble donc impossible de tenir des élections avant la fin du mandat de Kabila, sauf s'ils les organisent avec l'ancien fichier électoral, » indique le spécialiste congolais, ce qui exclurait plusieurs millions de Congolais du scrutin. « Sinon, il faudra attendre la fin du recensement. »

Suite aux violences de ce lundi, la communauté internationale a appelé le régime congolais à faire preuve de retenue. Le Quai d'Orsay a notamment appelé à ce que toutes les parties « s'engagent, par un dialogue consensuel, dans la recherche d'une solution respectueuse de l'aspiration du peuple congolais à élire ses représentants. »


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