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GBL : menace sur la nuit parisienne

Suite à la multiplication d’incidents liés au GBL, plusieurs clubs parisiens ont dû fermer leurs portes. Pros de la nuit et assos de prévention dénoncent l’inefficacité d’une politique antidrogue purement répressive.
Photo: Rainer Torrado

Il l’a échappé belle. Jeudi 20 septembre, Ricardo Esteban, le patron du Petit Bain, à Paris, a finalement appris que son club bénéficiait d’une autorisation d’ouverture provisoire de trois mois. L’homme était dans le collimateur des autorités depuis que Vice a révélé la mort d’un de ces clients en mars dernier – décédé après avoir consommé, par inadvertance, une forte dose de GBL. Malgré l’avis négatif du commissariat du 13e arrondissement, le préfet de Police de Paris, Michel Delpuech a été sensible aux arguments de Ricardo Esteban : « la drogue est un problème qui concerne toute la société et l’on fait porter la responsabilité sur le seul milieu de la nuit. Certains lieux ont subi une fermeture instantanée : les exploitants sont regardés comme des voyous ! Mais comment défendre un clubbing propre face à un manque de moyens si importants ? ».

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Si le Petit Bain a évité la fermeture administrative, ce n’est pas le cas des Nuits Fauves. Suite à l’intoxication de trois jeunes femmes début décembre, le club parisien a été contraint de fermer ses portes pendant un mois. En 2017, pas moins de 210 bars, restaurants ou discothèques de la capitale ont connu une fermeture administrative temporaire (de 15 jours à 6 mois) pour différents motifs - tapages nocturnes, ouverture tardive, vente illicite d’alcool… Et pour le seul mois de janvier 2018, 30 bars et établissements de nuit ont été obligés de cesser leurs activités.

Une situation dénoncée par le Collectif Action Nuit (CAN), un think tank réunissant de nombreux professionnels de la nuit : « nous sommes de plus en plus nombreux à faire l’objet de décisions préfectorales de fermeture pour des motifs qui, lorsqu’ils ne sont pas insignifiants, sont sans rapport avec la gestion de notre activité ». Le collectif l’assure : cette politique ultra-répressive « menace la survie » des clubs parisiens.

Car ces fermetures ponctuelles ont des conséquences économiques importantes sur les établissements. Et surtout, elles placent leurs patrons sur le banc des accusés. En mars dernier, Ricardo Esteban, le propriétaire du Petit Bain, a passé un « vilain quart d’heure » avec le responsable de la sécurité de Paris Sud. « J’ai été traité comme un voyou, comme si ma responsabilité dans cette affaire était totale ».

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Pourtant, le GBL - un solvant industriel qui se métabolise en GHB dans l’organisme - est quasiment indétectable lors des fouilles. Son prix attractif (7 centimes la dose d’un millilitre environ) et son accès facile sur Internet, en font un produit très prisé des jeunes - et suscite un regain d’intérêt depuis une petite année. Malgré son caractère hautement toxique : depuis fin 2017, la prise de GBL a entraîné 22 comas et 2 décès, selon l’AP-HP (Assistance publique-hôpitaux de Paris).

« On ne veut pas être seul à gérer ces problèmes » - Christophe Vix-Gras coassocié du Rosa Bonheur

Un véritable problème de santé publique dont les patrons de clubs ont évidemment bien conscience : « on demande aux autorités de ne pas seulement procéder à des fermetures administratives, mais surtout d’améliorer les infos sur les drogues en milieu festif », précise Christophe Vix-Gras coassocié du Rosa Bonheur et représentant du CAN, qui ajoute : « On ne peut pas être seuls à gérer ces problèmes ».

Résultat : le préfet de police a organisé, au printemps dernier, un groupe de travail réunissant les autorités sanitaires et les professionnels de la nuit pour réfléchir aux modalités de prévention GBL. Mais pour le moment, ce plan d’action déployé autour de trois axes - juridique, partenarial et informatif - se résume à la simple mise en place d’un flyer. Une réponse loin d’être satisfaisante pour les membres du CAN. « OK, on a eu des flyers. Mais bon, les visuels ne sont pas du grand art… », commente Christophe Vix-Gras.

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En parallèle, le CAN participe à des réunions avec la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) qui semble entendre sa cause - sans pour autant véritablement agir, ni apporter de soutien financier. « On leur demande de modifier les rapports entre police et établissements de nuit, et pas simplement de compter les accidents et les fermer », explique Christophe Vix-Gras. Il ajoute : « On attend le soutien de la MILDECA pour lancer une campagne d'information virale et améliorer le travail sur les moteurs de recherche ». Un outil important de la prévention est en effet de motiver les moteurs de recherche à proposer des messages de prévention quand les utilisateurs passent commande sur Internet.

« Une chose est sûre : ce n’est pas en fermant les établissements que les gens vont arrêter de se droguer », Christophe Vix-Gras

De leur côté, les assos de prévention font leur maximum pour informer sur les risques et encadrer la consommation lors des soirées. « Depuis l’explosion de GHB/GBL, on met à dispo sur nos stands une plaquette d’informations, mais aussi des petites seringues pour quantifier le dosage. Pendant la soirée les gens viennent nous voir pour avoir du matériel », explique Franck Moulious, le coordinateur de Fêtez Clairs.

Au final, il n’existe donc toujours pas de coordination sur la prévention liée aux nouveaux produits de synthèse en milieu festif. « L’ampleur est récente. Jusqu’à très récemment, tout se passait dans les free party - où il y a plus d’entraide - ou était circonscrit aux milieux gays dans un milieu privé », explique Christophe Vix-Gras. Et l’homme de conclure : « une chose est sûre : ce n’est pas en fermant les établissements que les gens vont arrêter de se droguer ».

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