Ce mercredi soir, des agents fédéraux encerclaient toujours le refuge national de Malheur, situé dans le comté d’Harney dans l’Oregon (nord-ouest des États-Unis), où un nombre indéterminé de miliciens lourdement armés sont encore retranchés. Ce mardi, le FBI et la police d’État de l’Oregon ont arrêté Ammon Bundy et plusieurs autres leaders de cette milice, suite à un incident de circulation qui a débouché sur des échanges de tirs avec la police. Robert « LaVoy » Finicum, un éleveur de l’Arizona qui faisait office de porte-parole pour le groupe, a été tué lors de cette confrontation.
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Cet incident a intensifié le face-à-face entre les activistes anti-gouvernement et les forces de l’ordre, qui couvait depuis que les premiers ont pris possession de ce refuge fédéral le 2 janvier dernier.
« Ils ont largement eu la possibilité de quitter ce refuge de manière pacifique », a déclaré Greg Bretzing — un agent spécial du FBI en charge de cette affaire — lors d’une conférence de presse ce mercredi. « Comme le FBI et nos collaborateurs l’ont clairement montré, toute action a des conséquences. »
Ce mercredi, les autorités ont annoncé qu’une poignée de miliciens s’étaient rendus volontairement dans les précédentes 24 heures, après qu’on leur ait assuré qu’ils pourraient s’en aller sans problème.
Le FBI s’est retrouvé sous une pression de plus en plus importante au sujet de l’éviction des miliciens, qui ont déclaré occuper ce refuge en signe de soutien à deux éleveurs locaux récemment condamnés à des peines de prison pour un incendie qui a accidentellement dévasté des terres fédérales. Le sénateur de l’Oregon, Jeff Merkley, a prié les autorités d’agir rapidement, alors que Kate Brown, la gouveneure de cet État, a personnellement appelé les autorités fédérales à apporter une « solution rapide » à ce siège.
En Photos : La colère des miliciens de l’Oregon
Mais alors que les élus et les riverains frustrés ont hâte que ce spectacle dans le comté d’Harney prenne fin, Clint Van Zandt, un ancien négociateur-en-chef du FBI, a expliqué à VICE News que les autorités ne devaient pas perdre patience et qu’elles devaient résister à l’envie d’intervenir dans ce refuge.
« Il n’y a pas besoin de bottes et de balles », nous a-t-il dit. « Ils [les occupants] vont s’attendre à ça, et personne n’a envie de provoquer quelqu’un qui a le doigt sur la détente. »
Il y a 22 ans, en 1993, Clint Van Zandt s’est retrouvé dans une situation similaire à Waco, dans l’État du Texas, lors d’un siège long de 51 jours organisé par des membres de la secte des Davidiens et leur gourou — David Koresh —, lors duquel 76 personnes avaient trouvé la mort suite à un assaut du FBI.
Le FBI a tiré de nombreuses leçons de la tragédie de Waco, ainsi que d’un autre face-à-face sanglant avec des militants suprémacistes blancs à Ruby Ridge (dans l’Idaho) en 1992. D’après Van Zandt, les forces de l’ordre font de leur mieux pour garder un maximum de retenue et ainsi éviter que le siège en cours dans l’Oregon ne vient s’ajouter à la liste des tragédies nationales.
La principale différence entre le siège de l’Oregon et ce qui s’est passé à Waco en 1993 tient au fait que les membres de la secte des Davidiens s’étaient presque entièrement coupés du reste de la société pour suivre David Koresh.
« Ils étaient jusqu’au-boutistes, confiné dans un environnement restreint, et partageaient tout, les uns avec les autres, sur le plan émotionnel et spirituel », nous a expliqué Van Zandt à propos de cette secte. « Nous n’avons pas ça ici. Nous sommes face à des gens liés par une idée, mais une idée qui peut être entendue sans que cela ne mène à la mort. »
De ce fait, même si les derniers occupants se terrent dans le refuge tout en appelant le public à les rejoindre, la patience reste le meilleur atout du FBI.
L’arrestation d’Ammon Bundy et de plusieurs autres membres de la milice — qui avaient quitté le refuge ce mardi pour se rendre à une réunion communautaire à plus de 100 kilomètres de là — était une bonne décision d’après Van Zandt.
« La meilleure chose à faire sur le plan tactique est de trouver les dirigeants du groupe, lorsqu’ils sont loin de la scène », nous a-t-il expliqué. « De cette manière, ils ne peuvent pas se renforcer et n’ont pas accès à davantage d’armes. »
Selon Van Zandt, les autorités ont par ailleurs pris une sage décision en attendant quelques semaines avant d’intervenir pour appréhender les dirigeants de ce groupe — ce qui a évité à la confrontation de devenir un cirque médiatique.
Il n’est à l’heure actuelle plus question que les journalistes et les sympathisants puissent entrer et sortir du refuge à leur guise.
« Je pense qu’il est temps pour le gouvernement de faire savoir qu’il est présent », nous a dit Van Zandt. « Ils doivent établir un cordon de sécurité autour de la zone, ils doivent s’assurer que personne ne rentre — avec des munitions, des armes ni même avec de la nourriture. »
D’après Jason Patrick, qui fait partie de ce groupe de miliciens, au moins cinq ou six individus seraient toujours présents dans cette réserve naturelle et prêts à se battre.
« Nous essayons juste de comprendre comment un cow-boy mort peut être l’illustration d’une résolution pacifique », a-t-il déclaré à la presse, faisant référence à la mort de Finicum et à la déclaration de la gouverneure Brown selon laquelle « les autorités vont continuer à poursuivre une résolution pacifique et rapide. »
« Nous restons tous ici, prêts à défendre notre résolution pacifique », a déclaré Patrick au journal The Oregonian.
Ce sentiment a aussi été exprimé, ce mercredi, par un milicien non-identifié qui est apparu en direct sur le streaming tourné depuis l’intérieur de refuge. Cet homme a plusieurs fois suggéré qu’une issue violente était inévitable.
« Les médias n’attendent qu’une chose depuis que nous sommes ici : un bain de sang », a-t-il dit. « Désormais, il va y en avoir un. »
À un moment lors de cette transmission, un homme a discuté au téléphone avec une personne identifiée comme étant sa mère, en la rassurant.
« Si je meurs, ce sera pour mon pays. Je serais mort en homme libre », a-t-il dit. « C’est comme ça que je veux mourir. » Cet homme a ajouté que son groupe disposait de « nourriture et de tout ce qu’il faut pour tenir sur le long terme. »
D’après Van Zandt, le message que les négociateurs du FBI devraient envoyer à ceux qui sont encore à l’intérieur du refuge est le suivant : « Si vous soutenez ce groupe à 100 pour cent, sortez, faites votre déclaration, dîtes-le au monde… Assurez-vous que personne ne meurt en vain. »
Et s’ils refusent ?
« Les autorités vont continuer à encercler les lieux », nous a indiqués Van Zandt, en laissant entendre que le gouvernement pourrait laisser les derniers occupants mourir de faim. « Il n’y aura plus de nourriture, les médias vont s’en lasser — au fil du temps, cela sera de moins en moins avantageux pour eux de rester à l’intérieur. »
Suivez Avi Asher-Schapiro sur Twitter : @AASchapiro