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Le réchauffement climatique fait resurgir les cadavres de soldats de 14-18

D'abord, des fusils sont apparus. Puis des lettres et des journaux. Et enfin, les cadavres des soldats de la "Guerre blanche", l'une des batailles les plus folles de l'Histoire.

Le réchauffement climatique a parfois des effets étonnants, mais rarement autant que ce qu'il se passe sur un glacier des Alpes, au nord de l'Italie : avec la fonte progressive du glacier, les cadavres gelés de soldats morts pendant la Première guerre mondiale réapparaissent. Un siècle après leur mort, les corps semblent parfaitement momifiés suite à leur long séjour dans la glace. Et ces restes humains sont autant de témoignages de l'une des batailles les plus folles de l'histoire : la « Guerre blanche ».

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Mai 1915. L'Italie récemment unifiée décide de se joindre aux forces des Alliés alors que la Première guerre mondiale fait rage depuis dix mois. Désireuse d'étendre ses frontières, l'Italie déclare la guerre à l'Autriche dans le but d'annexer les régions montagneuses du Trentin et du Tyrol du Sud. Ce conflit aboutit à ce que l'on appelle aujourd'hui la « guerre blanche » : quatre années d'affrontement dans le grand froid entre les troupes de montagne italiennes, les « Alpini », et leurs adversaires autrichiens, les « Kaiserschützen ». Les combats se déroulèrent essentiellement en altitude, avec des armes et des infrastructures spécialement conçues pour l'occasion. Il était courant que les deux armées utilisent des tirs de mortier dans le but de déclencher des avalanches – la « mort blanche » - sur les campements adverses, faisant des milliers de morts au passage.

Aujourd'hui, suite à des décennies de réchauffement, le glacier de Presena, qui jadis traversaient le champ de bataille, fond petit à petit. Et à mesure que le glacier fond, les vestiges de la Guerre blanche émergent progressivement. Des artefacts particulièrement bien conservés ont été retrouvés dans l'eau glacée depuis la fin des années 90 : une lettre d'amour datée de 1918, adressée à une certaine Maria mais jamais envoyée. Une ode à un vieil ami, griffonnée dans un journal. Un petit mot d'amour accompagné d'une photo d'une femme endormi, signée, en tchèque, « ton épouse délaissée. »

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Et désormais, c'est au tour des corps d'émerger du sol. En raison du froid, les restes des soldats tombés au combat sont souvent intacts, toujours vêtus de leurs uniformes d'époque. Il y a quelques mois, deux Autrichiens âgés (à leur mort) de 17 et 18 ans ont ainsi émergé de la glace, tous deux blonds aux yeux bleus – chacun ayant une balle logée dans la tête.

Image: Museo della Grande Guerra, Peio

« La première chose à laquelle j'ai pensé, c'est leurs mères, a raconté au Telegraph Franco Nicolis, du Bureau de préservation du patrimoine archéologique local. Ils semblent très contemporains. Ils sortent de la glace comme ils y sont entrés. Les mères de ces soldats n'ont sans doute jamais su ce qu'il était advenu de leurs fils. »

Les habitants de la région travaillent depuis déjà de nombreuses années pour exhumer les restes de cette guerre trop souvent oubliée. En 2004, Maurizio Vicenzi, un guide de haute montagne local qui dirige également le musée de la guerre de Peio, a découvert les corps de trois soldats suspendus à un mur de glace à une altitude de 3700 mètres – des victimes de l'une des lignes de front les plus élevées de l'histoire. De nombreuses découvertes similaires ont suivi. Une équipe a même découvert un tunnel de glace secret qui, après avoir été ouvert grâce à d'énormes ventilateurs chargés de faire fondre la glace, s'est avéré abriter une énorme structure en bois qui servait de station de transport pour des munitions et des vivres.

Tous les corps qui sont réapparus jusqu'à présent passent par le bureau de Daniel Gaudio, un anthropologue légiste chargé d'identifier les victimes de la guerre. En dépit du fait qu'il parvient dans la plupart des cas à extraire l'ADN des cadavres, ses recherches sont rarement couronnées de succès. Il lui manque des éléments de contexte nécessaires pour déterminer la localisation des familles des victimes, dit-il.

Jusqu'ici, plus de 80 corps ont resurgi des entrailles du glacier. Et bien d'autres suivront probablement. Rien que du côté italien, plus de 750.000 soldats sont morts au combat selon l'historien Mark Thompson, auteur de The White War. Et comme rien n'indique que le réchauffement climatique ait la moindre chance de cesser dans les prochaines années, la fonte devrait encore s'accélérer, charriant avec elle son lot de cadavres centenaires.