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Des anciens détenus nous ont parlé de leurs premières heures de liberté

Vous récupérez vos affaires, vous enfilez des vêtements normaux pour la première fois depuis des années, puis une porte s’ouvre vers le monde extérieur. Et ensuite?
Photo via Wiki Commons et Stan Fong

Imaginez-vous sortir de prison après avoir passé des années derrière les barreaux. Vous récupérez vos affaires, abandonnez définitivement votre tenue de prisonnier, puis la porte s'ouvre et vous êtes enfin libre. A priori, vous êtes en train de vivre un moment de joie indescriptible – bien que cette joie soit probablement contrastée par la peur de ce qui vous attend. Que se passe-t-il ensuite ? Vous êtes libre. Qui auriez-vous envie de voir en premier ? Où iriez-vous ? Pour en savoir plus sur ce que faisaient les prisonniers lors de leur libération, VICE a discuté avec trois anciens détenus.

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Shaun, 34 ans, cinq ans de prison

Le jour où j'ai été libéré de prison, je suis allé directement chez mon père. Il envisageait de faire une petite fête pour moi. Mais je lui ai dit « Non, je n'ai pas envie de ça ». Je n'étais pas encore très à l'aise. Certes, en prison, j'étais entouré de gens en permanence. Mais être plongé dans la foule en dehors de la prison est une tout autre histoire. En dehors de la prison, j'ai trouvé qu'il était compliqué de parler aux gens. Genre, de quoi pourrions-nous bien parler ?

Ça faisait des années que je n'avais pas entendu les oiseaux chanter au petit matin, ou même vu un coucher de soleil. J'ai passé les trois dernières années dans une prison de haute sécurité où j'étais enfermé 16 heures par jour. De retour chez mon père, à cinq heures du matin, j'ai été réveillé par un coq. J'étais persuadé qu'il n'était que le fruit de mon imagination, mais mon père m'a confirmé que mes voisins en possédaient effectivement un.

Vous savez ce dont je rêvais le plus après la prison ? De tartines à la Vegemite. Il est impossible d'avoir des tartines à la Vegemite en prison depuis que des prisonniers ont réussi à en faire de l'alcool.

Après ce réveil un brin désagréable, j'ai pu manger quelques tartines avant de me rendre chez le médecin. J'étais dans le métro depuis à peine dix minutes – en pleine heure de pointe, mon wagon était bondé – quand j'ai commencé à avoir une crise d'angoisse. J'ai dû sortir à l'arrêt suivant. Je ne pouvais pas supporter tous ces gens devant moi, j'avais l'impression que les murs se rapprochaient. J'ai fini par attendre 11 heures pour prendre un autre métro moins bondé.

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Je l'admets, l'idée d'avoir été « absent » pendant cinq ans me faisait flipper. J'avais l'impression que je n'arriverai pas à gérer. Au départ, j'ai fondu en larmes et dit à mon père « Je ne peux pas faire ça. Je dois retourner en prison ». Les jours suivants étaient du même ordre, mais petit à petit, les choses se sont améliorées.

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Ziggy, 39 ans, a purgé plusieurs peines de prison – dont la plus récente était de deux ans

Durant les semaines qui ont précédé ma dernière libération, j'étais terriblement anxieux. Mais une fois libre, cette anxiété s'est muée en excitation. Je pense qu'il m'a fallu du temps pour être complètement serein. Mais quand j'ai signé les documents de sortie, et que j'ai compris que la prison était enfin derrière moi – c'était un sentiment unique.

Le jour où on m'a libéré, il faisait très froid. Je m'en souviens car je n'avais pas de pull. Je me suis rendu à pied chez mes parents, qui étaient mon principal contact en prison. Après avoir déposé mes affaires chez eux, je suis allé rendre visite à mes enfants et à leur mère. Ils savaient que j'allais rentrer et c'était un moment inoubliable pour moi. La semaine précédente, ils n'arrêtaient pas de me dire au téléphone à quel point ils avaient hâte que je rentre. Malheureusement, mes enfants ne sont pas étrangers à mes différents séjours en prison. Ce n'était pas la première fois que j'y allais. En fait, j'ai été derrière les barreaux pendant la majeure partie de leur vie. Ce n'est pas une chose dont je suis fier, mais j'ai la chance d'avoir toujours une relation assez forte avec eux.

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Je dois dire que sortir de prison était différent cette fois-ci. Lors de mes précédentes libérations, je me sentais oppressé par tous les gens qui se trouvaient autour de moi – trop de bruit, trop de tout. Cette fois-ci, tout me semblait plus naturel. J'étais mieux préparé grâce à mon groupe de soutien en prison, et je discutais aussi beaucoup avec mon agent de probation. J'ai toujours vu les groupes de soutien comme un ennemi, mais j'ai fini par comprendre que cela avait changé quelque chose en moi.

Je voyais la vie du bon côté, à présent. Le futur n'avait jamais été aussi prometteur pour moi, depuis pas mal d'années. C'est ce que j'explique à tous les gens qui me soutiennent, c'est-à-dire à mes amis et ma famille. Je suis sur la bonne voie, mais je ne me repose pas sur mes lauriers pour autant. J'ai déjà été dans cette situation auparavant, et on peut redescendre très vite. Mais j'ai été trop de fois en prison, et j'ai déjà gâché une bonne partie de ma vie.

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Vu, 36 ans, trois ans de prison

J'ai été libéré de prison en plein après-midi. Mon assistant social est venu me récupérer et m'a déposé chez ma mère. Tout le monde a voulu que je me sente comme chez moi. On a fait à manger – principalement de la bouffe vietnamienne, le genre de plat que ma mère adore faire et qui m'avait énormément manqué. Nous avions tellement de choses à nous dire, puisque nous avions plusieurs années à rattraper. Au départ, il est impossible de savoir comment les gens vont réagir au fait que vous débarquiez de nouveau dans leur vie. Mais si vous prenez le temps, vous verrez qu'ils sont très heureux de votre retour.

Après la prison, je ne savais pas du tout ce qui m'attendait. Je ne contrôlais rien. Je savais juste je voulais bosser pour me remettre sur pied. Je ne voulais pas être un fardeau pour qui que ce soit.

Mon autre priorité était de voir mon fils. C'était compliqué, car il est élevé par ses grands-parents. Depuis que j'ai été condamné pour usage de drogue, ils me traitent bizarrement. Ils ne m'ont laissé le voir que quelques heures dans un centre commercial, sous leur supervision. C'était vraiment dommage, mais après la prison, ce genre de contretemps me semblait minime. Je ne l'ai pas pris personnellement.

Vous devez vous concentrer sur ce que vous voulez le plus. C'est tout. Avant la prison, tout bougeait si vite. Il fallait gagner de l'argent, en amasser le plus possible et tout ça me stressait. Aujourd'hui, j'aime beaucoup ma vie, même si je n'aurai jamais une belle maison ou une belle voiture. Mais bon, je suis heureux. C'est tout ce qui m'importe pour l'instant.

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