La première vague du Covid nous a bien mis·es dans la merde, entrainant des licenciements de masse, laissant crever le secteur culturel et évènementiel à petit feu, épuisant le corps médical, etc. Alors que les conséquences économiques de la crise commencent à se faire réellement sentir, la deuxième vague risque d’être encore plus violente sur tous les plans.
Si certain·es continuent de crier à l’aide depuis plusieurs mois, d’autres semblent se la couler un peu plus douce, du moins d’un point de vue financier. On l’a bien vu, cette crise continue de renforcer les inégalités sociales.
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D’après une étude récente de Statbel qui met l’accent sur les secteurs d’activité essentiels pendant la crise sanitaire, le salaire brut médian en Belgique serait estimé à 3 312€ par mois. Quand on sait que le personnel soignant est taxé à 70% sur ses heures sup et que George-Louis Bouchez, président du MR, touche 18 900€ par mois, on commence à se poser des questions. On s’est donc tourné vers les député·es belges pour leur demander à combien est fixé leur salaire, et s’il ne serait pas juste de le reconsidérer dans une période comme celle-ci. M. Bouchez n’a malheureusement pas voulu nous répondre.
Parmi les quelques 150 politiques contacté·es, 15 nous ont répondu. Iels nous ont parlé de leur rémunération.
Christophe Bombled (MR)
VICE : Quel est votre salaire net en tant que politicien ?
Christophe : Il y a beaucoup de retenues car on cotise nous-mêmes, comme si on était en profession libérale. Charges déduites, ça fait environ 6 000€.
Jugez-vous cette rémunération équitable par rapport au salaire moyen en Belgique ?
Oui. Je fais de la politique depuis longtemps, et je suis bourgmestre (élu communal) depuis un certain temps. Quand je vois les responsabilités qu’on a et l’impact que notre profession peut avoir sur notre vie privée, le temps qu’on y passe, le fait de parfois subir des « coûts » psychologiques, alors je dis que celui ou celle qui veut bien faire son travail, iel n’est pas surpayé·e.
Quels sont les impacts dans votre vie privée ?
On sacrifie un petit peu sa vie de famille quand on a des réunions qui durent jusque tard le soir, week-end compris. Maintenant, c’est un métier qu’on choisit. Je ne suis pas à plaindre, mais il y a un sacrifice bel et bien présent.
Est-ce que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Non, parce qu’il faut comprendre qui est responsable de la crise. Si on commence à se dire qu’un·e parlementaire est responsable de la crise, je ne sais pas jusqu’où on va. Donc je suis carrément contre. Maintenant, il appartient à tout à chacun·e d’utiliser ses privilèges comme iel le souhaite. À titre personnel, j’aide énormément de causes liées à la personne handicapées, par exemple. J’estime que je suis un privilégié, donc je donne une partie de mon traitement. Et depuis quelques années, un·e parlementaire fédéral·e a déjà connu des diminutions de sa rémunération de l’ordre de 5%.
À quoi était due cette diminution ?
Je n’étais pas parlementaire à l’époque, mais c’était aussi une mesure répondant à une situation de crise avérée. Il a été estimé que le parlementaire devait consentir à un effort, et une réduction de traitement a été votée au Parlement. Ça veut dire que sur ma fiche de paye, cette réduction est signalée.
Marco Van Hees (PVDA/PTB)
VICE : Quel est votre salaire net en tant que politicien ?
Marco : Je touche 1 800 euros net par mois. La Chambre débourse un salaire de 5 666 euros net mais je rétrocède directement à mon parti la plus grande partie de ma rémunération.
Jugez-vous cette rémunération équitable ?
Je juge équitable la rémunération que je touche, mais pas celle que je toucherais sans la rétrocession au PTB. Je trouve que si les mandataires politiques ont des revenus trop éloignés de la réalité du peuple, iels ne peuvent pas gérer les affaires dans son intérêt.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Oui, il faudrait remettre en cause les montants trop élevés perçus par les mandataires politiques, une revendication que j’ai déjà souvent portée à la Chambre, à travers des propositions et amendements, mais ça n’a pas été entendu par les autres partis.
Mathieu Bihet (MR)*
VICE : Quel salaire net touchez-vous ?
Mathieu : Je gagne un peu plus de 6 000€ par mois en tant que député.
Jugez-vous cette rémunération équitable ?
Cette rémunération équivaut à un job full time qui implique de grosses responsabilités. Elle est élevée, mais je n’ai jamais comparé avec les pays voisins.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Les parlementaires n’ont pas arrêté de travailler pendant la crise sanitaire. L’activité législative a connu un pic de travail pour adapter la législation à la crise, la quarantaine, etc.
*Mathieu Bihet n’est plus député, mais l’était encore au moment de l’interview.
Sophie Rohonyi (DéFI)
VICE : Quel est votre salaire net par mois ?
Sophie : Je touche 6 000 euros net en tant que députée, et 100 euros par jeton de présence en tant que conseillère communale. Sur ce montant, je rétribue 800 euros à mon parti.
Jugez-vous cette rémunération équitable ?
Ce montant pourrait être diminué mais doit tenir compte de l’investissement d’un·e député·e qui, quand il est presté correctement, constitue plus qu’un temps plein. Vous devez travailler et être joignable également le soir, le weekend. Il n’y a plus de limite entre votre vie privée et professionnelle. Il n’y a pas non plus de « sécurité de l’emploi », une crise politique peut vous faire perdre votre mandat indépendamment du travail fourni.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Cela mérite débat, et les fonctions locales devraient être revalorisées.
Michael Freilich (N-VA)
Michael Freilich n’a donné qu’une longue réponse :
« Le salaire d’un parlementaire s’élève à 7 230,92 euros brut par mois en 2020, plus l’ allocation de dépenses pour payer nos frais tels que l’ordinateur portable, le leasing de voiture, les frais de bureau, la publicité en ligne, etc. Ce montant est très élevé dans mon cas car j’ai 4 enfants et ma femme ne travaille pas, ce qui fait jouer le “coefficient de mariage”. Un·e député·e avec un enfant et un partenaire qui travaille doit payer 1 000 euros de plus d’impôts et serait donc de 2 700 euros nets. La fable selon laquelle les politicien·nes gagnent d’énormes sommes d’argent est donc totalement injustifiée.
Avec une famille de six personnes et étant le seul apport financier, c’est une somme d’argent non négligeable, en plus du fait que nous devons souvent travailler le week-end et le soir avec toutes sortes de réunions (au niveau du district, de l’arrondissement, du conseil du parti, de la ville), qui se déroulent parfois jusqu’à après minuit. »
Servais Verherstraeten (CD&V)
M. Verherstraeten n’a donné qu’une réponse :
« Vous trouverez toutes les informations concernant le statut des parlementaires (y compris l’indemnité et l’indemnité de sortie) dans le document en annexe. Des recherches ont montré que la rémunération des parlementaires belges est moyenne par rapport aux autres pays de l’UE. »
Jan Busselen (PVDA/PTB)
VICE : Quel salaire net recevez-vous en tant que politicien ?
Jan Busselen : Je reçois 2000 euros net. Je transfère le reste à mon parti. Il peut ainsi se lancer activement. L’année dernière, par exemple, nous avons mené une vaste campagne sur des pensions équitables. Nous avons recueilli 160 000 signatures et inscrit ce thème à l’ordre du jour politique. Vous avez besoin d’études solides et d’un bon matériel de campagne pour cela.
Pensez-vous que ce salaire est équitable ?
Oui, je ne manque de rien. Je vis avec le même salaire qu’avant et cela ne me pose vraiment aucun problème. Au contraire, il serait étrange de gagner soudainement 7 000 euros. Vous représentez les personnes qui ont donné leur vote et leur confiance. Alors pourquoi gagner 3, 4 et même 5 fois plus que la plupart ? Ensuite, vous vous éloignez de la réalité que vivent de nombreuses personnes. Si la facture d’électricité, de transports en commun ou d’eau devient plus chère, les gens le sentiront dans leur budget. Les élu·es du PVDA/PTB aussi.
Comment ce montant a-t-il été décidé, quels facteurs ont été pris en compte ?
Nous partons du salaire médian. Un salaire que la plupart des gens gagnent.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être revue en temps de crise, comme maintenant ?
La rémunération des politicien·nes doit être ajustée. Surtout en temps de crise. Maintenant, quand vous voyez que certaines personnes en quarantaine perdent 30% de leur salaire, mais que les politicien·nes en quarantaine gardent leur plein salaire, il y a un problème.
Au début du premier lockdown, nous avons proposé à tous les partis de transférer la moitié de leurs salaires à trois ONG (la Croix Rouge, Médecins du Monde et Médecins sans Frontières) qui sont actives dans la lutte contre le Covid. Malheureusement, les autres partis n’ont pas répondu à notre appel, mais nous nous y sommes tenu·es.
Mais même en temps ordinaire, le salaire politique est trop élevé. 6 000 à 10 000 euros par mois, c’est beaucoup. L’accord est clair dans notre parti. Vous faites de la politique par passion, pas pour vous enrichir. C’est pourquoi nous continuons à vivre avec un salaire moyen, pour nous la politique commence par un engagement envers la population. Pour les autres partis, nous proposons de réduire l’indemnité parlementaire à deux fois le salaire médian. Vous pouvez toujours très bien vivre avec cela.
Benoit Piedboeuf (MR)
VICE : Quel salaire net touchez-vous en tant que politicien ?
Benoit : Mes rémunérations sont publiques (on a donc cherché, d’après les derniers chiffres de 2017, il touche 112 548,15€ brut par an pour son activité à La Chambre, NDLR.). Elles font l’objet d’une déclaration fiscale avec une imposition très substantielle, et d’une déclaration à la cour des comptes avec publications officielles. Pour pouvoir prester mes mandats, j’ai cessé mon bureau fiscal et ensuite j’ai remis mes activités de banquier et assureur indépendant. Je n’ai plus aucun revenu de ces activités antérieures, pourtant rémunératrices. J’exerce aussi beaucoup de mandats non rémunérés dans les domaines de l’économie sociale, de la culture, de l’enseignement de la musique pour les enfants, du développement de projets européens et des arts.
Que pensez-vous du montant auquel est fixée cette rémunération ?
C’est le législateur qui fixe la rémunération. À l’origine, les élu·es provenaient principalement des classes aisées. Avec l’arrivée du suffrage universel et la possibilité pour toute la population d’accéder aux fonctions électives, il fallait pouvoir assurer une sécurité matérielle aux moins fortuné·es et les mettre à l’abri de la corruption.
Actuellement, les femmes et hommes politiques qui font le choix de représenter leurs concitoyen·es doivent abandonner toutes leurs activités pour se concentrer exclusivement à leur fonction. Il ne me paraît pas indécent que l’indemnité perçue leur permette de continuer à assurer les mêmes frais que tout le monde (un loyer, une vie de famille, des prêts à rembourser, etc.).
Qu’est-ce qui justifie le montant de ce revenu ?
Le travail fourni par un parlementaire exige un engagement énorme en temps et en énergie. Le travail législatif ne s’arrête pas aux commissions et aux séances plénières. Un grand travail de préparation, d’analyse et de débats encadre les travaux en commission. Nous rencontrons énormément de citoyen·nes, d’associations, de groupes d’intérêts qui nous font remonter leurs préoccupations que nous essayons ensuite de traduire en texte de loi. Les parlementaires contrôlent l’action du gouvernement et doivent être parfaitement informé·es et prêt·es à l’interpeller si nécessaire. Contrairement à la plupart des professions, on sait quand une journée commence, rarement quand elle se termine, ce qui peut être difficile à gérer sur le plan personnel. Nous sommes « rappelables » à n’importe quel moment, peu importe où nous nous trouvons. En ce qui me concerne, mon rythme est de septante heures par semaine, ça ne s’arrête jamais.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Je ne pense pas que la crise justifie une remise en cause des indemnités parlementaires. On peut s’interroger et débattre des montants des indemnités de sortie (déjà rabotées et plafonnées), mais il faut le faire dans un climat serein et non pendant une période où il est de bon ton de taper sur la classe politique. En plus de cela, les député·es de mon groupe ont redoublé d’efforts ces derniers mois, et le travail abattu a été impressionnant.
Je comprends néanmoins que certains montants puissent choquer, notamment quand le chef de certains partis cumulent plusieurs mandats et rémunérations, sans que ça ne soit justifié.
Albert Vicaire (Ecolo)
VICE : Quel salaire touchez-vous ?
Albert : Mon salaire est d’environ 4 200 euros par mois (j’ai dû payer 3 000 euros lors de ma déclaration d’impôt) car je verse plus de 2 000 euros à mon parti. Ça permet à n’importe qui de pouvoir postuler et faire campagne car elles sont financées par le parti, c’est une option stratégique et équitable. Je refuse tout cumul et n’ai pas d’autre rémunération.
C’est moins que ce que j’avais dans le privé, alors que je travaillais 3 jours/semaine comme executive officer d’une société cotée en bourse. C’est plus que la moyenne, mais moins que les député·es régionaux, et sans les avantages du privé (voiture, chèque-repas, assurance groupe, etc). Tou·tes les parlementaires ont le même salaire, le président de commission touche 1 000 euros de plus et le président de la Chambre le triple.
Jugez-vous cette rémunération équitable ?
Le travail est très intense, augmenté par le fait de ne pas avoir de gouvernement. Les contacts avec les militant·es et répondre aux questions posées individuellement occupent toutes les soirées. Le salaire est donc honnête, sans plus. Il faut bien ça pour attirer les talents. Je pense toutefois qu’il ne faut pas l’augmenter pour ne pas emprisonner les jeunes élu·es dans cette profession dont je pense qu’il faut limiter le nombre de mandats.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Lors de la crise de 2008, tous les salaires des député·es ont été réduits de 10%. En 2015, les député·es régionaux ont eu leurs salaires rehaussés au prix d’origine, mais pas les député·es fédéraux. On est mal payé·es pour le travail qu’on fournit, et on ne fait pas ça pour l’argent, et ce n’est pas le salaire d’un·e député·e italien·ne.
Trouvez-vous que l’écart entre le salaire des politicien·nes et le salaire moyen du peuple est justifiable ?
Le salaire médian en Belgique est à 1 700 euros, et le salaire minimum de 1 100. La différence n’est pas exagérée, et il n’y a que 150 député·es. Je trouve ça raisonnable. Dans le privé, je gagnais 10 000 euros net à temps plein. J’ai quitté le privé par passion, je m’inscris dans une volonté d’apporter mes expériences aux citoyen·nes. Si je n’étais pas politicien, je serai pensionné car j’ai 62 ans. J’ai décidé de faire de la politique en fin de carrière pour ne pas cumuler les mandats, car la politique c’est une affaire de citoyen·ne. Certain·es politicien·nes font 4 ou 5 mandats et rien d’autre, iels ne savent pas ce que c’est que de dire « oui » en souriant à un patron.
Anja Vanrobaeys (sp.a)
VICE : Quel est votre salaire net en tant que politicienne ?
Anja : Je reçois chaque mois un salaire net de 4 084,55 euros. À cela s’ajoute une allocation de dépenses de 2 173,79 euros, destinée à l’achat d’un ordinateur portable, d’un smartphone, aux abonnements, aux frais de transport.
Pensez-vous qu’il s’agit d’une compensation équitable ?
Je pense que ce salaire est un salaire équitable. J’ai gagné à peu près la même chose pendant mon mandat parlementaire en tant que directrice d’un département d’études. Mon précédent emploi pouvait aussi être assez chargé et nécessitait une certaine flexibilité. Le rythme est beaucoup plus intense maintenant que je suis députée et membre du Parlement à plein temps. Le travail ne s’arrête pas. Le soir et le week-end, je suis constamment sur la route et en train d’échanger avec les gens.
D’après vous, faudrait-il les réformer ?
Je pense que ces réformes devraient aller encore plus loin. Il serait préférable pour les député·es européen·nes d’avoir un statut social ordinaire au lieu de l’actuel statut séparé avec des allocations et des indemnités de départ élevées. Les hommes et femmes politiques doivent être traité·es comme n’importe quel·le autre Belge qui travaille. Si vous êtes salarié·e, vous recevez un salaire sur lequel vous payez des cotisations de sécurité sociale – si votre mandat prend fin, vous recevez une indemnité de départ et des allocations de chômage comme les autres salarié·es du pays.
Je pense qu’il faudrait également fixer une limite sur le nombre de mandats rémunérés que les député·es peuvent combiner et une limite maximale sur le revenu total de tous ces mandats. Être député·e est un mandat à plein temps, vous ne pouvez pas combiner ça avec le fait d’être maire ou conseiller municipal dans une grande ville. Au sein de mon parti, cette règle s’applique déjà. J’aimerais que ce décumul s’applique à toutes les personnes politiques. Si les gens vous donnent la confiance nécessaire pour assumer un mandat important tel que celui de député·e, alors vous devez le prendre au sérieux et bien le faire.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être reconsidérée en temps de crise, comme maintenant ?
Vu la crise, je pense qu’il faut reconsidérer la question. En plus de mon abonnement, je dépense une grande partie de ma rémunération en essence pour me rendre à des réunions et autres évènements. En tant que députée, je pense que le contact avec les membres de mon propre parti et avec les citoyen·nes est important pour évaluer ce qui se passe et ce à quoi iels sont confronté·es et si les solutions que nous proposons au Parlement sont adéquates. Pendant le confinement, on devait rester chez nous, donc j’avais moins de dépenses. Maintenant la vie reprend son cours, mais pas au même niveau qu’avant la crise. Ça ne me gênerait pas si cette partie de mon salaire était reconsidérée. D’autres personnes ont également vu leurs revenus à la baisse parce qu’elles sont au chômage temporaire ou qu’elles ont droit à une passerelle. D’un point de vue plus personnel, je fais déjà des dons à des organisations de lutte contre la pauvreté et à d’autres organisations caritatives.
Anonyme
VICE : À combien s’élève votre salaire (net) en tant que politicien ?
Ce sont ces discussions sans fin, ce ne sera jamais juste de toute façon, je préfère laisser passer ce calice. Mais je vais quand même répondre à vos questions. Je touche 4 976,17 euros net par mois, comme vous pouvez le voir sur ma dernière fiche de paie.
Est-ce que cette rémunération vous semble juste ?
Qu’est-ce qui est juste ? Selon une étude neutre réalisée il y a quelques années, la rémunération est moyenne dans une perspective européenne. Il y a des camarades qui gagnent plus, il y a celleux qui gagnent moins ; il y a des gens qui travaillent dur et qui gagnent plus, il y en a qui gagnent moins… Nous payons des impôts comme tout le monde, proportionnellement au revenu. Ces recettes fiscales peuvent être utilisées pour s’attaquer à des problèmes tels que la pauvreté.
Steven De Vuyst (PVDA/PTB)
VICE : Quel salaire net touchez-vous en tant que politicien ?
Steven : Un député de la Chambre gagne en moyenne 83 400 euros bruts par an, ce qui correspond, après déduction d’une cotisation de pension de 8,5 % et après déduction fiscale, à environ 3 900€ nets par mois. À cela s’ajoute toutefois une indemnité mensuelle forfaitaire non imposable de 2 008€ euros, soit un total d’environ 6 000 euros net.
En tant que représentant du PTB, une grande partie de ma rémunération est versée au parti pour vivre avec un revenu moyen de travailleur·se. C’est essentiel pour nous de vivre comme nous le pensons, comme les citoyen·nes, sans être déconnecté·es de la réalité.
En tant que président de la commission Santé et Égalité des chances, je reçois en plus une indemnité de bureau brute de 796,54 euros par mois et une indemnité forfaitaire de 477,92 euros. Ces montants, ainsi que les jetons de présence touchés en tant que conseiller communal, sont intégralement versés à mon parti.
Jugez-vous cette rémunération équitable ?
Pas du tout ! Il faut savoir que 48 % des travailleur·ses n’arrivent pas à mettre de côté à la fin du mois, que 4 pensionné·es sur 10 et un enfant sur 5 vivent sous le seuil de pauvreté. C’est donc totalement déplacé de s’octroyer un tel salaire, payé par les contribuables en plus ! Il se déduit des chiffres les plus récents (2014) du SPF Économie que tous les membres de la Chambre des représentant·es se situent dans la tranche des 5 % des revenus les plus élevés de Belgique. Et cela en tenant compte uniquement des revenus découlant de l’activité parlementaire, et donc pas des autres indemnités de frais forfaitaires, ni du régime pension très lucratif, ni de la prime de sortie, ni d’autres activités rémunératrices. Ce serait bien de leur rappeler que le rôle des politicien·nes est de servir la population, et non de se servir sur leur dos.
Au-delà de la question d’équité, il y a la question de la représentativité. Comment prétendre défendre les travailleur·ses, les petit·es indépendant·es, les allocataires sociaux lorsque vous ne vivez pas leur réalité, lorsque vous faites partie d’une caste de privilégié·es ? Avec un tel salaire, il est clair que les politicien·nes ne ressentent pas l’augmentation des factures d’eau, d’électricité, de transport et le saut d’index. Cette rémunération est l’une des causes du fossé qui sépare de plus en plus les citoyen·nes de la politique.
Pensez-vous que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Certainement. La rémunération des politicien·nes doit être remise en cause, tant en période normale qu’en période de crise.
En début de législature, nous avons déposé une proposition de loi visant à instaurer un plafond maximum pour les indemnités, traitements et jetons de présence que les personnes politiques reçoivent. Ce plafond est de deux fois la rémunération médiane de la population belge. Au regard de la pratique qui consiste à accorder des défraiements très importants et qui ne sont pas imposables, la présente proposition de loi précise également que toutes les indemnités allouées aux membres de la Chambre des représentant·es doivent être imposables.
Pensez-vous que la réduction des salaires des politicien·nes pourrait aider celleux qui sont très impacté·es par la crise ?
Avec la crise sanitaire, une grande partie de la population a accusé une lourde perte de revenus. Il est évident que les gros salaires doivent aussi participer à l’effort. Des ressources massives devaient être mises à disposition des travailleur·ses de la santé et des secteurs essentiels afin de renforcer la santé publique et protéger l’ensemble de la population. C’est la raison pour laquelle nous sommes 38 député·es à avoir cédé la moitié de notre salaire d’avril. Nous avons donné un total de 140 000 euros à trois organisations actives dans la lutte contre le coronavirus : la Croix-Rouge, Médecins du Monde et Médecins sans Frontières.
Nous avons demandé à la Chambre des représentants de retenir la moitié des rémunérations des 150 député·es pour le mois de mai 2020, afin de les affecter à la lutte contre le coronavirus. Tous les autres partis ont écarté le débat sur la mise en place d’une telle mesure de solidarité. C’est révélateur.
Thierry Warmoes (PVDA/PTB)
Voir plus haut pour la réponse de Steven de Vuyst, identique.
Malik Ben Achour (PS)
VICE : Quel salaire net touchez-vous par mois ?
Malik : En Belgique, il y a le salaire et un montant forfaitaire de frais. Ça veut dire qu’une partie de la rémunération est là pour couvrir des frais de fonctionnement. Donc il y a à peu près 3 000 euros net de salaire, et 2 000 euros de frais, soit environ 5 000 euros net par mois.
Que pensez-vous de cette rémunération ?
C’est une rémunération qui est confortable, c’est indéniable. Elle équivaut à celle d’un cadre supérieur d’une grosse entreprise, mais je ferai le même job pour moitié prix. L’argent n’a jamais été le moteur de mon engagement politique.
D’après vous, est-ce que cette rémunération devrait être remise en cause en période de crise comme celle que nous traversons ?
Ça dépend, il faut savoir de quoi on parle. On est dans une période de crise sanitaire, avec des conséquences économiques très sérieuses. Les états se sont mobilisés partout dans le monde pour amortir le choc économique et faire en sorte que le pouvoir d’achat des citoyen·nes soit le moins impacté possible. En ayant recours au chômage temporaire, on a évité au maximum les pertes d’emplois. On est dans un moment keynésien où les états investissent massivement dans la relance de l’économie. Donc je ne vois pas trop le lien entre la rémunération des parlementaires et les solutions nécessaires pour répondre à la crise. Je ne vois pas ce que baisser les salaires des politicien·nes apporterait comme solution concrète. Mais si on me dit de baisser mon salaire je le ferais sans problème.
Malgré la mobilisation de l’État, de nombreuses personnes sont dans des situations précaires et touchent des aides très faibles. Est-ce que ce ne serait pas envisageable de réduire les salaires pour mieux répartir les ressources financières ?
Même si on privait les parlementaires de leur salaire pendant un an, je ne suis pas sûr qu’on arriverait à aider beaucoup de personnes. Ce n’est pas ces montants là qu’il faut mobiliser, c’est des milliards d’euros qu’il faut aller chercher. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé pour l’accord du gouvernement belge qui a été présenté la dernière semaine de septembre au Parlement : il regroupe des taxes multinationales, des contributions des gros patrimoines pour alimenter le budget de la santé. On finance le secteur médical comme jamais auparavant dans l’histoire de la Belgique. Ce sont ces masses financières-là qui sont importantes. Les salaires des parlementaires sont dérisoires.
Les enjeux réels concernent plutôt les grands écarts de richesses qu’il faut réduire. Là encore, il faut savoir de quelles richesses on parle, à partir de quand est-ce qu’on est riche ? Les gros écarts de richesse c’est par exemple le plus petit salaire chez McDo et le salaire du patron qui gagne 300 fois plus. Ça c’est intolérable. Quand on gagne deux ou trois fois le salaire moyen, on est dans la catégorie des privilégié·es, mais ce n’est pas là que les concentrations de richesse se font. Par exemple, c’est vers les 1% des richesses mondiales, vers la fraude fiscale qu’il y a des milliards à aller chercher.
Kris Verduyckt (sp.a)
VICE : Combien touchez-vous en net par mois ?
Kris : Mon salaire net, moins les paiements au parti, est d’environ 5 900 euros par mois.
Cette rémunération vous semble juste ?
« Juste » est un mot étrange. Je travaille assez dur, donc je pense mériter cet argent. C’est un bon salaire, surtout par rapport à un mandat local. J’ai été échevin pendant 12 ans et je gagnais environ 2 000 euros par mois, ce qui n’était pas trop élevé par rapport aux responsabilités, au stress et aux temps imparti.
Le problème est qu’aujourd’hui, peu de gens ont confiance dans la politique et n’ont aucune idée de ce que fait un·e député·e. Je pense qu’on ne peut donner une bonne évaluation que lorsqu’on est conscient·e de ce que c’est. Mais pour beaucoup de gens, chaque euro gagné sera de trop, ce qui est dommage car la politique peut être une belle profession.
Pensez-vous que ce montant devrait être reconsidéré étant donné la crise actuelle ?
Je crois qu’une contribution de crise de 5 % des salaires a été refusée, c’était une mesure économique datant de la précédente législature.
Tout peut être reconsidéré, mais j’ai peur que les économies supplémentaires ne contribuent que faiblement à sauver le budget de l’État. Mais l’argent n’est pas ma motivation, donc si les chefs de groupe décident de diminuer les salaires, je suis ok avec ça.
Jos D’Haese (PVDA/PTB)
VICE : Quel est votre salaire net en tant que politicien ?
Jos : En tant que député et président de groupe au Parlement flamand, je reçois près de 8 500 euros par mois, net. La plus grande partie est donnée à mon parti, il me reste un salaire moyen d’employé de 2 000 euros par mois environ.
Pensez-vous qu’il s’agit d’une compensation équitable ?
Je trouve que les indemnités perçues par les député·es et les ministres sont exubérantes. Un·e député·e ordinaire gagne trois fois plus que les personnes qu’iel représente. Un·e ministre gagne cinq fois plus que les personnes dont il décide la vie. Une personne qui gagne autant vit tout simplement dans un monde différent de celui des gens pour lesquels il fait de la politique, et n’a donc que peu d’estime pour l’impact des mesures.
Bien sûr, les député·es et les ministres ont de grandes responsabilités et peuvent recevoir une indemnisation appropriée pour ça. Mais je pense que les salaires actuels sont complètement disproportionnés.
Comment ce montant a-t-il été décidé, quels facteurs ont été pris en compte ?
L’indemnité des parlementaires se compose de deux parties : une indemnité parlementaire d’environ 7 700 euros bruts, et une indemnité forfaitaire de frais non imposable de plus de 2 000 euros. Mais avec un salaire aussi généreux, qui a besoin d’une allocation de dépenses ? Il faut savoir qu’un membre du Parlement dispose d’un lieu de travail, d’un ordinateur portable, d’un téléphone, de copies et de matériel de bureau aux frais du Parlement et peut également prendre le train en première classe gratuitement dans tout le pays. Alors, pour quelles dépenses cette allocation de dépense est-elle nécessaire ?
Pensez-vous que cette rémunération devrait être reconsidérée en temps de crise, comme maintenant ?
Je suis d’avis que les salaires des député·es et des ministres devraient être réduits de moitié. Mais la crise montre encore plus que cette situation déséquilibrée doit être corrigée. Au début de la crise du coronavirus, nous avons proposé à tou·tes les député·es et ministres de donner une fois la moitié de leur indemnité parlementaire à des organisations qui luttaient contre le virus. Aucun autre parti n’a répondu.
*Mathieu Bihet n’est plus au parlement mais l’était au moment de l’interview.
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