Life

Investir dans des garages quand on est trop fauché pour l’immobilier

Wouter a acheté une dizaine de garages alors qu’il créchait encore chez ses parents. Quant à Sandra, elle en tire un beau petit revenu passif et a même lancé son business sur Instagram.
Tim Fraanje
Amsterdam, NL
Marine Coutereel
traduit par Marine Coutereel
Brussels, BE
Garage
Un garage à titre d'illustration.

Les garages fermés sont généralement des endroits assez quelconques. On y stocke une collection de râteaux rouillés, un vieux scoot poussiéreux ou cette encombrante échelle qu’on ne sort que pour laver les vitres (c’est-à-dire : jamais). À moins qu’il ne s’y passe quelque chose de vraiment louche — préparation d’actes terroristes ou culture de cannabis, par exemple —, ces petites cases obscures ne font jamais la une des journaux. Mais c’est justement parce que les garages n’intéressent personne qu’ils offrent un avantage énorme aux plus malins : la possibilité de tirer profit d’un marché immobilier en plein boom, sans avoir à acheter un studio ou un appart. Bref, une occasion en or pour ceux qui veulent se déclarer « proprios » pour une bouchée de pain.

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Sandra Aagenborg est l’une de ces personnes. Avec le compte Instagram « Passief inkomen met Garageboxen » (revenus passifs grâce aux garages), elle s’est même donné pour mission d’aider les novices à acquérir les connaissances nécessaires. Publications, stories, sondages, Sandra est également très douée pour parler des petites choses de son quotidien en les reliant à son business. On y apprend par exemple que c’est après être tombée malade qu’elle a pris conscience qu’elle n’avait pas de temps à perdre. Elle a alors décidé de se lancer dans l’entrepreneuriat en ligne et a voyagé dans le monde entier. Sa conclusion ? Cédez à votre « désir ardent » et saisissez toutes les opportunités qui se présentent à vous, #garage.

Au téléphone, Sandra nous confie qu’elle a eu l’idée d’investir dans des box de garage en lisant Les secrets d’un esprit millionnaire de T. Harv Eker, un classique de la littérature de développement personnel. « C’est un très vieux bouquin, il date des années 1980. Le type y raconte comment il a investi dans des box de stockage. Ça se fait depuis longtemps en Amérique, mais en Europe, on n’en entend jamais parler. Après avoir fait quelques recherches sur Google, je me suis rendue compte qu’il y avait moyen de faire ça ici aussi. » Bien que les prix de ces box ont considérablement augmenté ces dernières années dans la Randstad, la région des Pays-Bas qui compte notamment Amsterdam, Rotterdam et La Haye, Sandra nous affirme qu’on peut déjà acheter un emplacement dans un parc de stationnement pour la modique somme de 8 000 euros. Pour un garage fermé, ça grimpe à 20 000 euros. En France, un box est 20 à 25 % plus cher qu’un emplacement de parking : les prix peuvent aller de 5 000 euros en province à 40 000 euros voire plus à Paris. Heureuse propriétaire de deux box, Sandra se fait quelque chose comme 200 balles par mois. Un joli petit revenu complémentaire, à peine imposé. À côté de ça, elle a également monté un business de coaching vidéo pour apprendre à d’autres à faire de même. Chaque nouveau client curieux lui rapporte 99 euros.

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Mais pourquoi les garages ? Tout simplement car il sont beaucoup plus accessibles que les biens immobiliers. « Si Internet grouille de coachs qui veulent soi-disant vous aider à acheter un bien, se lancer dans l’immobilier à cette période serait une erreur, explique Sandra. Le marché est totalement saturé et les prix sont déments. Ces types vont vous dire qu’ils peuvent vous proposer un deal hors marché. D’accord, vous allez peut-être bénéficier d’un prix plus avantageux, mais vous allez quand même payer beaucoup trop cher car les prix sont déterminés par la capacité de prêt des banques. » Sans oublier que pour suivre ces formations en ligne, il faut déjà débourser 20 000 euros. Acheter des box de garage serait non seulement un moyen plus accessible d’investir, mais également plus sûr. « Si on veut investir dans l’immobilier, il faut d’office s’endetter. Je trouve ça assez risqué. » Sandra achète généralement elle-même ses garages après avoir économisé, sans avoir besoin de faire un prêt.

Lorsqu’elle a démarré son compte Instagram autour des box de garage, Sandra a découvert qu’elle était loin d’être la seule à avoir constaté cette brèche sur le marché. « J’ai reçu plein de messages, principalement d’hommes assez jeunes, qui m’ont dit faire ça depuis longtemps. Mais ils ne font généralement pas autant de publicité autour de leur business. »

Wouter, 27 ans, est l’un des jeunes qui suit le compte de Sandra et qui lui a demandé conseil. Pragmatique, il bosse en tant que charpentier depuis ses 17 ans et a économisé tous les mois. « À 22 ans, j’avais tellement d’argent de côté que j’ai dû payer des impôts dessus. J’ai pas trop kiffé pour être honnête. Puis je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de cet argent. » Son grand-père possédait un garage, et il a eu l’idée d’y investir son argent excédentaire. De cette façon, il se constitue une bonne pension. Si l’on en croit Wouter, les box de garage restent une très bonne option pour ceux qui crèvent d’envie de se lancer dans l’immobilier mais n’en ont pas les moyens. « Bien sûr, il faut un capital de départ, mais pas tant que ça. Puis ce n’est pas comme si on pouvait se lancer dans l’immobilier sans avoir un montant minimum de côté. On raconte ça sur Internet, mais ça ne marche pas comme ça. » Et si les montants en jeu dans le secteur des box de garage sont beaucoup plus faibles, les rendements sont pourtant les mêmes.

Lorsqu’il a acheté son premier garage, Wouter vivait encore chez ses parents. « J’étais bien, je n’avais rien à payer ». Lorsqu’il est devenu gestionnaire de chantier à 25 ans, il a pu obtenir un prêt hypothécaire. Entretemps, il avait déjà commencé à investir dans pas mal de box. « J’en possède cinq tout seul, et cinq avec mon petit frère. Je les loue, et la valeur de certains a quasiment doublé. Elle grimpe avec le prix des maisons », explique-t-il. Car si les garages fermés dans des parkings sont souvent loués à prix fixe, en ville c’est une autre histoire. Ils sont très recherchés par ceux qui veulent y stocker leurs affaires, la faute aux apparts trop petits. Du coup la demande augmente, et le prix suit.

À première vue, ça peut sembler cool que des jeunes pas trop friqués puissent se faire un peu d’argent sur des garages tout en profitant de l’inflation de l’immobilier. Pourtant, après en avoir discuté avec Sandra et Wouter, je me demande surtout où se situe la limite. Dans le cas de l’immobilier, le revenu passif d’un individu est souvent craché par un autre qui doit travailler dur pour l’obtenir. Si tout le monde se met à tout acheter pour avoir des revenus locatifs, tout va devenir encore plus cher, donc on devra travailler encore plus dur, ce qui signifie que davantage de personnes voudront un revenu passif, ce qui fera à nouveau monter les prix, et ainsi de suite. Finalement, c’est une spirale infernale qui n’est cool que pour ceux qui peuvent se permettre de suivre le mouvement ascendant.

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