Xavier Morlet dessine les frontières du monde entier

Elles nous protègent des barbares, des virus et de la pauvreté manifeste du reste du monde. Elles nous coupent de l’autre, ce désastre. Alors comment ne pas aimer les frontières. Comment ne pas passer des heures à les regarder, les étudier, les dessiner. À l’heure où Trump va commencer son mur, Xavier Morlet met sur le papier des barbelés, des grillages, des poteaux et des tourelles. Il les pose dans une page blanche et les dissèque, ne laissant plus qu’une bête palissade au milieu de rien. Une manière facile de montrer l’incongruité de ces structures pourtant réfléchies, optimisées.

Devant les dessins de Xavier Morlet, on se demande pourquoi la frontière entre la Chine et la Corée du Nord est si différente de celle entre la Grèce et la Serbie. Comment on en est arrivé à de telles différences architecturales et on a froid dans le dos en pensant aux histoires qui ont amené telles ou telles « améliorations ».

Xavier a 26 ans et a grandi en Picardie, sans d’autres barbelés que ceux autour des centrales nucléaires avoisinantes. Du coup je lui ai demandé pourquoi il passait autant de temps à faire des frontières.

Creators : Salut Xavier. C’est quoi ton histoire de grillages là ?
Xavier Morlet : Salut ! En fait j’ai commencé à m’intéresser aux grillages de frontières grâce à la revue PLI, qui proposait à des illustrateurs de travailler sur la thématique du conflit. Du coup, Donald Trump, Brexit, FN, migrants, j’ai trouvé qu’on ne s’intéressait pas assez à l’impact visuel de ces cloisons. C’est comme ça que j’ai commencé. Je me suis pas mal renseigné sur le sujet et en fait il en existe soixante-cinq, construites ou en cours de construction, et leur distance totale équivaut à la circonférence de la Terre. Symbolique assez violente je trouve.

T’as un rapport particulier avec les frontières ? Ça t’évoque quoi ?
Je sais pas trop, peut-être l’immigration de mes grands-parents portugais inconsciemment. Ça m’évoque une sorte de claustrophobie, ou alors une consanguinité malsaine. Je trouve ça hyper bizarre comme idée de vouloir cloisonner le monde quand pendant des siècles on a essayé de le découvrir. Surtout les Portugais d’ailleurs.

Les pays qui bâtissent des frontières fermées oublient que, malheureusement, ça ne fait que renforcer les violences et les conflits. Un gros serpent qui se mord la queue.

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Israël – Gaza

Elles ont quoi de spécial les frontières que tu as illustrées ?
Je n’ai pas encore illustré les 65, je finirai peut-être par tourner en rond car elles se ressemblent pas mal pour certaines. Celles que j’ai illustrées sont assez emblématiques, celles dont on a le plus entendu parler. Et malheureusement on ne connaît pas suffisamment la brutalité de ces frontières. Il y a celle qui sépare les deux Corées, celle entre la Chine et la Corée du Nord, celle plus récente entre la Grèce et la Turquie, celle d’Israël et la bande de Gaza et celle bien sûr entre les USA et le Mexique.

Selon toi, laquelle est la plus infranchissable ?
Sur les images, je dirais Grèce – Turquie (on dirait un match de l’Euro, c’est triste), mais j’ai choisi volontairement une image marquante de ce mur qui n’est pas comme ça dans la totalité. Mais je pense sincèrement que la plus infranchissable doit être celle entre les deux Corée.

Chine – Corée du Sud

Tu vas faire une série spéciale quand Trump aura fini son mur ?
Ça pourrait être une idée, plusieurs morceaux et mixer avec les potentiels futurs murs de son ami Vladimir. Ou alors faire une grande fresque à plusieurs mains. S’il y a des volontaires pour un happening… J’inviterai Shia Labeouf !

Tu travailles comment ?
Je travaille devant des films. Des films d’horreur principalement. Des trucs bien nuls, en français. Ou alors des gros classiques, genre Freddy, Ça, Scream, They Live, Halloween, Les Contes de la Crypte et j’en passe. J’aime bien, ça me détend et quand tu lèves la tête, il y a toujours une image cool ! Mais sinon juste critérium et gomme.

Ah. C’est pas super original en fait. Tu fais de la couleur parfois ?
J’ai eu un rapport tardif à la couleur, j’ai toujours eu du mal à choisir ! Mais je m’y mets ! Je l’utilise seulement quand je ne dessine pas, pour des travaux de design graphique et j’ai aussi longtemps préféré les photos en noir et blanc et finalement je me mets depuis un certain temps à la couleur, j’aime bien le côté naturel de la photographie couleur.

Corée du Sud – Corée du Nord

Tu as d’autres projets en cours ou à venir ?
J’ai pas mal de projets, pas encore tous bien définis, mais ça avance. Continuer à travailler sur cette nouvelle nation et ce langage formel me plaît bien, je vais tâcher d’en faire quelque chose d’un peu plus concret ! Ah oui, et je travaille sur une édition sur mon chat. Il s’appelle Mao et a un peu le caractère d’un dictateur chinois. Le livre sera entièrement rouge, que des portraits en monochrome rouge. Et le même format que le petit livre rouge de Mao. C’est cool le chômage !