Culture

Je suis testeur de drogues de synthèse sur Internet

Quelques exemples d’échantillons reçus par Axel

Il y a quelques mois, on vous parlait d’un testeur de drogue britannique officiant sous le pseudonyme d’ HydroBlowBack, qui postait diverses critiques de substances illicites obscures sur Internet. Lors de ses années d’activité, HydroBlowBack recevait de nombreux échantillons gratuits de la part de vendeurs du deep web qui cherchaient notamment à gagner un peu plus de visibilité grâce à ses critiques.

Trois de mes amis font à peu près la même chose, mais à Paris et sur des forums français accessibles à quiconque dispose d’une connexion Internet. J’ai discuté avec l’un d’eux, Axel, pour parler des différentes commandes qu’il passait, de ce qu’il fallait savoir sur les nouvelles drogues qui arrivent sur le marché et dont personne ne connaît encore les éventuelles conséquences sur l’organisme du consommateur.

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Axel (à droite) et un de ses amis

VICE : Comment as-tu découvert les drogues de synthèse ?
Axel
: Je suis tombé sur un reportage qui parlait des drogues en général, mais qui évoquait surtout des forums où des consommateurs donnaient leur avis sur certaines substances. En m’inscrivant sur ces forums, je me suis rendu compte que de nombreux usagers évoquaient des drogues que je ne connaissais pas. Ils décrivaient aussi bien les effets que la manière de se les procurer. C’est incroyablement simple, d’ailleurs – les drogues arrivent directement dans te boîte aux lettres. Comme j’avais déjà eu quelques problèmes avec les flics, c’était un peu une solution de facilité pour moi.

Tu vas sur quels forums ?
J’ai commencé à fréquenter ces forums il y a trois ans. Je vais sur le forum PsychoActif, lequel a été créé par des associations qui gèrent aussi des salles de shoot. Ces associations sont très préventives, elles veulent sincèrement aider les gens. Je suis aussi sur Psychonaut, qui est un peu plus développé et fréquenté par de vrais connaisseurs. On y trouve des scientifiques, des consommateurs qui mettent des évaluations. Certains vont jusqu’à prendre leur tension et détailler chacune des secondes de leur défonce. Il y a aussi Erowid, où on trouve toutes sortes d’informations – tous les dosages et les références y sont. De manière générale, je respecte les doses indiquées, puis j’adapte à ma consommation habituelle.

Que fais-tu une fois que tu réceptionnes le produit ?
Il faut obligatoirement faire un test d’allergie, et je vérifie systématiquement si j’ai bien reçu le bon produit. Il y a déjà eu des morts comme ça. Je goûte toujours une petite dose afin de vérifier les effets. Une erreur d’étiquetage peut trop facilement arriver.



Par quelle drogue as-tu commencé ?

Tout d’abord, j’ai pris de la méphédrone (4-MMC), qui a eu énormément de succès en Angleterre. Elle procure plus ou moins les effets de la cocaïne et de la MDMA, mais multipliés par dix. Elle a fait énormément de morts et a depuis été remplacée par la 3-MMC. Comme elle n’a pas encore été interdite, il est encore possible de se la faire livrer. De plus, elle n’est pas détectable par les chiens. Sur tout ce que j’ai commandé en l’espace de trois ans, aucun colis ne s’est jamais fait saisir.

Certains colis viennent des Pays-Bas, d’Angleterre, de Chine, d’Espagne ou même de Pologne. Je reçois ça sous forme de petites enveloppes jaunes et je n’ai jamais eu de problèmes – mais je suis aussi très précautionneux, je ne commande jamais plus de trois grammes. Je ne dépense pas plus de 30 euros par mois et ça suffit amplement à ma consommation.

Qu’est-ce que tu prenais le plus ?
Pendant un moment, je suis resté sur une para-fluoroamphétamine, la 4-FA, qui a des effets stimulants et empathogènes. J’ai vite arrêté parce que ça m’empêchait de dormir pendant deux jours. C’est un peu comme quand on prend de trop grandes quantités de MDMA, sauf que la 4-FA provoque une stimulation résiduelle qui reste très longtemps. À l’époque, j’étais avec ma copine, qui flippait pas mal quand elle voyait que je n’avais pas fermé l’œil de la nuit.Du coup, j’ai arrêté et j’ai commencé la 3-MMC, qui me rend vraiment plus sociable et excité sexuellement.

Il y a aussi la 4-MEC, qui est moins sexuelle et moins violente. Toutes ces drogues sont des dérivés du cathinone, provenant des feuilles du khat, un arbuste africain. Là-bas, ils se contentent de mâcher la feuille, mais il existe des dérivés beaucoup plus puissants. Au début, ces drogues étaient très répandues chez les gays – elle provoque de vraies pulsions et te fait considérer des partenaires sexuels que tu n’aurais jamais regardé avant. Je prends aussi des cannabis de synthèse comme le JWH 122 (qui est un cannabinoïde), où il te suffit de tremper ta cigarette pour avoir les mêmes effets que deux joints combinés avec 2mg. J’ai aussi testé le butylone (un psychostimulant entactogène) et le MDAI, mais j’ai tout jeté car ça m’a vraiment mis dans un sale état.

Certaines de ces drogues ont l’air relativement violentes, tu ne te dis pas que c’est quand même assez dangereux ?
J’en abuse et je ne connais pas vraiment les effets sur la santé, c’est vrai. Ces drogues restent relativement nouvelles – cela fait seulement trois ans que les gens en prennent, contrairement à la coke et la MDMA dont on connaît très bien les conséquences sur l’organisme. Je me suis néanmoins beaucoup renseigné sur leurs effets et sur ce qui est susceptible d’arriver après. Je sais ce que je dois consommer ensuite, ce que je dois manger – des anti-oxydants et du poisson pour préserver ma mémoire. Je fais aussi du sport pour compenser et j’arrive à me droguer sans avoir de problèmes à côté. Je pense être plutôt bien renseigné sur le sujet maintenant. Après, je sais que je m’expose au risque de me faire arrêter.

Dans tous les cas, il est souvent essentiel d’avoir un trip sitter, comme ils le précisent sur les forums. Je n’essaie pas de nouvelles drogues quand je suis ne suis pas trop renseigné sur les effets qu’elles entraînent.