Culture

Du C12 et son bordel au vide du 254 : sur le tournage du clip de Le Motel

Le Motel Chamaa video clip backstage tournage

Si votre petit·e cousin·e l’a peut-être découvert aux côtés de Roméo Elvis, l’univers de Le Motel ne se cantonne absolument pas au rap belge. Il l’a à nouveau prouvé cette année en revenant avec son EP de musique électronique « Transiro », dont il vient de clipper la cinquième track « Chamaa ».

Tourné entre la cohue du C12 et le vide épuré du 254Forest, la vidéo joue pas mal avec notre perception et c’est ce dont on a discuté avec Fabien (Le Motel), son binôme visuel Antoine De Schuyter et le danseur et chorégraphe Nick Coutsier.

Videos by VICE

VICE : Salut Antoine, Nick et Fabien. Vous pouvez nous raconter l’histoire derrière le clip de « Chamaa » ?
Fabien : Ce clip est basé sur une réflexion que j’ai quand je sors en club. Ça me fascine de voir à quel point les gens dansent en étant hyper proches, en symbiose, voire en se touchant, mais en fait ils sont chacun dans leur bulle. Ça c’était l’idée de base.

On a décidé de traduire ce rapport entre la danse dans le club, et un espèce de monde parallèle en studio, un monde plus abstrait. Dans le club, la personnage principale (Juliette) a des interactions avec des gens et c’est comme si elle avait accès à leur monde intérieur ou une autre facette de leur personnalité dans le studio.

Juliette and the 4 dancers

C’est assez rare de voir la danse jouer un tel rôle dans ton style musical Fabien…
Fabien : J’avais envie de travailler avec la danse depuis longtemps parce que j’aime beaucoup le rapport entre la danse et la musique et je trouve ça assez intéressant d’utiliser la danse de manière différente dans des clips. Dans le style de musique que je fais, ce n’était pas assez exploité.

J’ai directement pensé à Nick parce qu’on se connaît depuis super longtemps. On était à l’école ensemble. J’ai parlé de Nick à Antoine et ça collait. Au final il a complètement pris le lead sur toute la partie de direction artistique et de la chorégraphie.

« En termes de danse, j’ai voulu travailler du matériel qui était moins joli mais où tu sens l’énergie, où tu sens une force qui est moins propre. » – Nick

Nick : Oui. En fait juste en écoutant le morceau, j’ai ressenti des références hyper ancestrales et tribales. Sans vraiment en avoir discuté, on avait un peu les mêmes références, c’est ça qui était cool. Donc en termes de danse, j’ai voulu travailler du matériel qui était moins joli mais où tu sens l’énergie, où tu sens une force qui est moins propre. On a très vite compris la manière dont on allait tourner le clip.

Rebecca, Camileo, Nick and Elise

Du coup ça s’est aussi réalisé sur le set ou vous aviez tout de même déjà la trame ?
Fabien : Ce qui est chouette c’est que l’écriture du clip a constamment évolué en fonction des rencontres. Au début, on a commencé à écrire à deux, puis on a bossé avec deux vidéastes (Pablo et Aldo) qui ont aussi participé à l’écriture. Ensuite, quand j’ai rencontré Nick, on a été voir les lieux et lui a amené une vision complètement différente qui a un peu chamboulé tout ce à quoi on avait pensé, donc on a réécrit encore une troisième fois. Tout le monde y a mis une part de sa vision et de sa personnalité.

« Le choix des lieux a joué aussi, le 254Forest et le C12 sont des endroits particuliers. » – Antoine

Antoine : Ce qui m’a fait halluciner, c’est qu’il y a réellement une espèce de magie qui a fait que ça a super bien marché alors qu’on a fait un découpage qui est quand même singulier. Puis le choix des lieux a joué aussi, le 254Forest et le C12 sont des endroits particuliers.

Le tournage s’est passé en combien de temps ?
Fabien : C’était deux jours de tournage. Une grosse nuit au C12 et une grosse journée au 254. Puis des jours et des jours sur la post-prod.

Aldo filming in 254Forest studio

Comment ça s’est passé au C12 ?
Antoine : C’était plutôt hardcore comme sport. On a tourné lors d’une vraie soirée. C’était violent. Et ça a aussi changé les choses parce que c’était blindé de monde.

« J’étais vraiment attaché à l’idée de faire un truc super authentique et de ne pas simuler une teuf. » – Fabien

Fabien : J’étais vraiment attaché à l’idée de faire un truc super authentique et de ne pas simuler une teuf. Mais entre les gens et les lumières, c’était hyper compliqué. Par hasard, dans les weekends disponibles, y’avait une Bénédiction et on s’est dit que c’était parfait vu qu’on voulait un truc super vivant. On l’a eu, peut-être un peu trop même. Mais au final tout s’est bien mis.

Nick : À ce moment-là, j’avais eu quelques idées chorégraphiques. Mais le fait de voir Juliette dans la foule du C12 avec tous ces gens qui dansent et qui s’en foutent, et la voir contaminée par cette énergie, ça m’a permis d’avoir des idées plus concrètes de ce que je voulais créer.

Nick dancing around Juliette

Que symbolise le long tunnel blanc dans l’histoire que vous racontez ?
Fabien : C’est un peu le moment de transition entre le fait de croiser le regard de quelqu’un et de rentrer dans son univers. On rentre vraiment dans sa tête et puis boum, t’arrives dans un univers beaucoup plus abstrait dans le studio.

Nick, comment t’as traduit ça à travers les mouvements de chorégraphie ?
Nick : En termes chorégraphiques, y’a comme une perte d’équilibre. Tu sais, un peu comme quand t’arrives en soirée et que tu perds la notion de où sont ta gauche et ta droite, d’à côté de qui tu es, ou de qui tu embrasses ! C’est là que le bordel commence un peu dans la tête de Juliette ; cette transition de quelque chose qui bascule.

Fabien: C’est comme la sensation générée par les strobes ; quand tu vois quelqu’un, que tu regardes à côté et quand tu regardes à nouveau la personne, elle n’est plus là et tu perds complètement tes repères. D’ailleurs j’ai eu une mini crise d’épilepsie un jour à Werchter pendant le live avec Roméo tellement que les strobes étaient puissants. Pendant une fraction de seconde j’ai cru que le plafond était au sol ! Ce truc des strobes peut vraiment te faire perdre ton équilibre. Et Nick et Antoine l’ont super bien retranscrit.

The 4 dancers

Et niveau du casting, c’était un volonté de travailler uniquement avec des danseur·ses noir·es ?
Nick : Ce n’était pas forcément prémédité et ce n’est pas un choix politique. C’est génial car Fabien m’a directement dit : « Écoute, j’ai besoin de danseur·ses, je te fais confiance. » Donc c’était intéressant pour moi de ne pas du tout avoir de casting d’apparence ou de faciès. Maintenant, j’avais besoin de gens qui comprennent certaines rythmiques et c’est clair que la majeure partie de mes potes qui ont une connexion à ce genre de musique sont des personnes noires, que ce soit de par la culture ou l’éducation. Du coup la sélection s’est faite et quand j’ai vu ce groupe je me suis dis : « Ah bah ouais en fait ! »

« Si c’est des danseur·ses noir·es, la majeure partie du temps, c’est parce qu’il y a un message politique. » – Nick

C’est intéressant aussi parce que s’il n’y a que des danseur·ses blanc·hes, on ne va pas se poser la question de savoir si c’est un choix ou pas. Et si c’est des danseur·ses noir·es, la majeure partie du temps, c’est parce qu’il y a un message politique comme dans le clip de Lous and the Yakuza par exemple. Mais au final je trouve que c’est un bon parti pris, même si ça s’est décidé un peu comme ça.

Fabien : Faut savoir que l’idée de base c’était d’avoir des personnes qui incarnent quelque chose individuellement vu qu’on rentrait dans leur personnalité. C’est la première chose qui me plaît aussi chez Nick ; c’est qu’en plus d’être super doué, il dégage quelque chose dans son regard, et j’espérais avoir pleins de Nicks, mais complètement différents.

Nick

Et comment les danseur·ses ont vécu le projet ?
Nick: Moi pour le coup c’était la première fois que je prends un peu la direction chorégraphique d’un clip. J’ai dit aux danseur·ses : « Bon, les copains vous me suivez ? » Donc iels m’ont suivi un peu les yeux fermés et j’étais ravi de voir que tout se passait hyper bien. En tant que danseur·se, c’est très facile de te sentir un peu comme un pion, mais pour ce clip on les a vraiment intégré·es à la collaboration.

« En tant que danseur·se, c’est très facile de te sentir un peu comme un pion, mais pour ce clip on les a vraiment intégré·es à la collaboration. » – Nick

Y’a un gros travail de post prod qui vient accentuer les mouvements…
Antoine : Oui. Faut savoir qu’iels ont fait la chorégraphie en temps réel et puis on a tout filmé en slow motion – mais du gros, gros slow motion – et on a travaillé les rushes comme de la matière. Donc la chorégraphie, on l’a gardée, mais avec des accents de vitesse différents.

Nick : C’est ça qui est cool, je savais que la matière que j’allais offrir allait de toute façon être travaillée dans les mains de quelqu’un d’autre. C’est Antoine qui est devenu le chorégraphe puisqu’il a travaillé le mouvement. À un moment tu sens aussi que tu dois lâcher ton bébé. Y’a des fois où j’aurais voulu qu’on filme d’une certaine manière mais en fait non, là tu dois faire confiance.

Fabien : En fait au final, c’est une chorégraphie en plusieurs étapes : y’a la choré de Nick et des danseur·ses, celle des vidéastes avec les mouvements de caméra, et puis celle d’Antoine en post-prod.

Plus de photos du tournage ci-dessous.

Le Motel sur le tournage de Chamaa
Juliette dancing
rebecca falling
The all team
The 4 dancers
Juliette and the 4 dancers
Juliette and the 4 dancers

Suivez VICE Belgique sur Instagram.