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Le mystérieux signal venu du centre de la galaxie aurait une explication

Selon une nouvelle étude, cet étrange excès de lumière à haute énergie proviendrait d’étoiles mortes « non détectées » et pas de la matière noire.
Marine Coutereel
traduit par Marine Coutereel
Brussels, BE
signal galaxie
Images des rayons gamma célestes par le télescope Fermi. Image : collaboration  NASA/DOE/Fermi LAT.

Cela fait plus de dix ans que les astronomes restent perplexes face à un surplus inexpliqué de rayonnements gamma — la forme la plus énergétique de la lumière — qui émane du centre de notre Galaxie, la Voie lactée. Connue sous le nom de « Galactic Center Excess » (GCE), cette lueur diffuse a suscité de nombreuses hypothèses passionnantes, notamment l’idée qu’elle pourrait être due à des collisions entre des particules de matière noire, une substance énigmatique qui constitue la majeure partie de la masse de l’univers.

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Aujourd’hui, des scientifiques dirigés par Anuj Gautam de l’Australian National University ont présenté de nouvelles preuves comme quoi la GCE est alimentée par une population d’étoiles mortes en rotation rapide, connues sous le nom de pulsars millisecondes. Invisibles individuellement, ces étoiles à neutrons pourraient cependant produire ensemble l’étrange lueur gamma qui s’étend sur environ 5 000 années-lumière dans toutes les directions autour du centre galactique.

L’équipe suggère que ces cadavres stellaires extrêmes pourraient « reproduire naturellement la morphologie, la forme spectrale et l’intensité du signal GCE » et, « en prime », pourraient également être responsables d’une « mystérieuse “brume” micro-ondes observée à l’intérieur de la Galaxie », selon une étude publiée récemment dans Nature Astronomy.

« Les données de rayonnement gamma capturées par le télescope Fermi Large Area révèlent un signal inexpliqué, apparemment diffus, provenant du bulbe galactique, qui culmine près de ~2 [GeV, gigaélectronvolts] avec un profil d’intensité approximativement sphérique », expliquent Gautam et ses collègues dans l’étude. L’origine de cet « excès du centre galactique » (GCE) a immédiatement fait l’objet de débats. Les hypothèses proposées les plus pertinentes comprennent principalement de la matière noire qui s’anéantit en masse et une grande population de pulsars millisecondes (MSP) qui n’auraient pas été détectés jusqu’ici. 

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« Bien qu’il n’y ait pas de détection sûre de MSP individuels dans le bulbe ou le centre galactique, l’existence d’une telle population n’est pas impossible », ajoute l’équipe. Ils notent également un autre « argument complètement indépendant » pouvant expliquer l’origine du pulsar : « sa morphologie retrace les étoiles de la Galaxie intérieure mieux qu’elle ne retrace la distribution radialement symétrique attendue pour la matière noire. »

Des études antérieures avaient contesté l’explication des pulsars pour de nombreuses raisons. Il est par exemple prévu que ces pulsars subissent des « impulsions natales » (ou « kicks) extrêmes, qui sont des expulsions très puissantes de leur environnement, alimentées par leur naissance. Alors que tous les pulsars sont les noyaux effondrés de supernovas ayant explosé il y a des lustres, on pense que les rotations exceptionnellement rapides des pulsars millisecondes sont générées par la matière arrachée à une étoile compagnon, une interaction qui suralimente leur vitesse de rotation. Les pulsars millisecondes tirent leur nom de ces rotations incroyablement rapides (chaque rotation prenant moins de dix millisecondes) ainsi que des pulsions lumineuses qui jaillissent de leurs pôles.

Il va donc de soi que si ces MSP sont forgés au centre galactique, nombre d’entre eux seront projetés loin de leur lieu de naissance. Ce processus laisserait le centre de la Voie lactée dépourvu de ces systèmes, ce qui mettrait en doute leur rôle en tant que source de la CME. De plus, les chercheurs notent dans leur étude que ce processus « pourrait ne pas tenir compte de la correspondance spatiale étroite entre le signal de la CME et les étoiles du bulbe ».

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Cependant, Gautam et ses collègues ont maintenant produit un nouveau modèle qui surmonte ces critiques passées en envisageant une population spéciale de MSP géantes provenant d’un autre type d’étoiles mortes, appelées naines blanches à néon d’oxygène.

Si l’une de ces naines blanches se nourrissait d’une étoile compagnon, elle pourrait s’effondrer en une version plus lourde d’une MSP, dans un processus appelé effondrement induit par accrétion (AIC). Ces systèmes auraient une dynamique et des modèles d’émission différents de ceux des pulsars plus familiers, forgés à partir de grandes étoiles vivantes.

« Étant donné que peu de masse est perdue lors de l’effondrement, la binaire n’est pas perturbée et le système ne reçoit pas de grand kick natal », explique l’équipe dans son article. « Ainsi, les MSP nés par AIC sont susceptibles de rester piégés dans le potentiel gravitationnel du bulbe, permettant à une grande population de se constituer au cours de son histoire et offrant une explication de cette correspondance détaillée entre les morphologies stellaires du bulbe et les GCE. »

En d’autres termes, une population d’environ 100 000 de ces MSP spéciales nées de l’AIC serait capable de rester autour du centre galactique, expliquant ainsi les étranges rayonnements gamma au centre de la Galaxie. En outre, une telle population pourrait également être à l’origine de cette mystérieuse lueur floue dans la lumière micro-ondes qui laisse les scientifiques perplexes depuis des années.

Les chercheurs notent que le débat sur la question de savoir si la CME est causée par des particules de matière noire ou des MSP devrait être résolu grâce au prochain télescope Cherenkov Array, qui, selon l’étude, « observera le ciel » à des niveaux d’énergies élevés « et devrait passer au moins 500 heures à explorer la Galaxie intérieure ». Ces observations d’un nouvel ordre devraient permettre d’enfin détecter les MSP individuels, s’ils existent, ce qui pourrait résoudre cette énigme propre à l’espace profond.

Becky Ferreira est sur Twitter

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