Culture

Des bretons veulent envoyer un documentaire sur la Bretagne aux extraterrestres

Baptisé « Mission E-Ty », le documentaire sera envoyé dans l'espace dans l'espoir qu'il soit visionné par des extraterrestres.
Des bretons veulent envoyer un documentaire sur la Bretagne aux extraterrestres
Site de Carnac, Bretagne, France. Vito Arcomano / Alamy Stock Photo

La réalisatrice bretonne Marie Hélia a eu l’idée d’envoyer un film dans l’espace en 2018. Un projet qui émerge par lassitude de trouver des salles quasi-vides lorsqu’elle projette certaines réalisations. « Ça fait trente ans que je fais des films et des fois je me demande pour qui je les fait, confesse Marie Hélia. Alors tant qu’à faire, je me suis dit : allez, faisons un film pour les extraterrestres ! Au départ c’était un peu une boutade et puis finalement cette boutade on l’a creusé. »

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Dédier un film à un public que l’on ne connaît pas, en l’occurrence des extraterrestres, influe obligatoirement sur la manière de le réaliser. Tout au long de la création, la réalisatrice a été guidé par cette question : « Vont-ils comprendre quelque chose ? ». Une question sans réponse. « Mais bon, on se rassure comme on peut quand on fait un film », avoue-t-elle.

Avec cette question en tête, Marie Hélia s’est lancé dans la réalisation d’un objet qui selon elle pourrait être visionné par n’importe qui. « On ne sait pas s’ils existent et peu importe. Le film pourrait être montré à des Papous, ou à des gens très éloignés d’ici et on leur dirait : voilà, chez nous, c’est comme ça ! ». La compréhension de la langue n’est pas essentielle puisque ce ne sont pas les commentaires qui rythment le long-métrage de soixante trois minutes. Seule une bande son originale de Sophie Berger, composée spécialement pour cette création, accompagne les images. 

« Mission E-Ty », en référence au film de Spielberg et à la maison bretonne « Ty » n’est pas tout à fait un OVNI puisqu’il n’a pas pour unique but d’être envoyé dans une autre dimension. Sa première mission est de raconter l’histoire d’un territoire, la Bretagne, et de ses habitants, les Bretonnes et les Bretons. Ainsi, la réalisatrice a souhaité plonger son public réel ou supposé, dans la Bretagne du siècle dernier, telle que sa population la voyait. Car pour réaliser ce film, aucune caméra n’a été mise en route. Le matériau à partir duquel elle a travaillé se compose uniquement d’images d’archives filmées par des amateurs. « Ce que j’aime dans ces images, c’est quelles sont simples, explique Marie Hélia. Le plus souvent, un cinéaste amateur n’a pas d’autres intentions que de filmer son petit bonheur. »

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« Les Terriens, navigueront dans un paysage familier »

C’est dans la riche collection de la cinémathèque de Bretagne, que la réalisatrice a plongé son nez pour ce projet. Des extraits qui s’échelonnent de 1908 aux années quatre-vingt, mais qui ne se suivent pas chronologiquement. « Je ne voulais surtout pas faire quelque chose de chronologique, notamment parce que les archives ne nous le permettaient pas. Une des spécificités du film est de créer sa propre temporalité. On peut très bien passer d’une image des années vingt à une image des années cinquante par exemple. » Le film mélange donc les époques mais aussi les formats comme le Super 8, le 16 ou le 9,5 millimètres. Il mélange également le noir et blanc et la couleur. Des caractéristiques qui pour la réalisatrice ne permettent pas de qualifier son travail de « document historique ». « Je n’ai pas cherché la vérité historique. J’ai mis des choses en rapports les unes avec les autres mais historiquement elles n’en ont peut-être aucun. J’ai avant tout fait attention à l’émotion et à l’esthétique qui se dégage des images. »

S’il ne s’agit pas d’un documentaire historique, des moments forts de l’histoire du XXe siècle auxquels de nombreuses personnes peuvent s’identifier, ponctuent le film. Des images de la guerre, de Brest en ruines ou encore du naufrage de l’Amoco Cadiz. « Les Terriens, navigueront dans un paysage familier parce que c’est aussi l’histoire de l’être humain tout court », sourit Marie Hélia. Au-delà de ces faits marquants, le film raconte comment on occupe un territoire, on l’exploite, on y vit. Dans cette Bretagne du siècle dernier le travail est omniprésent, alors forcément, il occupe une place importante dans le documentaire. « Peut-être que sur la planète où il sera vu, le travail n’existe pas et ils se demanderont : c’est quoi toute cette agitation ? », s’interroge-t-elle au détour d’une question.

Quoi qu’il en soit, le travail que le public verra à l’écran est rude. C’est un peuple qui travaille. Les gamins sur les quais des ports, les femmes à égalité avec les hommes dans les champs. On sent sur les visages qu’il y a de la fatigue », avant d’ajouter, comme un pied de nez à certains discours, « c’était pas mieux avant, ça c’est certain ! » On pourrait alors penser que les extraterrestres qui verront ce film découvriront l’histoire d’un peuple en souffrance, mais elle tient à le nier. « À terre, ça rigole bien ! Il y a de gros moments festifs. Les cinéastes amateurs filment aussi des moments de folies douces comme le carnaval. »

Finalement c’est un film qui nous raconte, « un voyage spatio-temporel destiné à des personnes qui n’ont peut-être pas la même notion du temps, ni de l’espace que nous. C’est le grand mystère de l’Univers. Peut-être qu’un jour quelqu’un viendra toquer à ma porte et me dira : Salut, j’ai vu votre film ! »

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