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politique

La folle histoire du complot indien pour humilier Justin Trudeau

Quand tout dérape et que tu perds la face, dis que c’est la faute aux espions indiens.
Crédit photo : Raminder Pal Singh/EPA

La semaine dernière a été le théâtre d’une flamboyante théorie du complot, selon laquelle des Indiens auraient manigancé pour que Justin Trudeau ait l’air fou pendant sa visite diplomatique.

Pas en lui faisant porter des costumes extravagants – ça, Justin peut le faire tout seul – mais plutôt en nous servant une intrigue digne d’un croisement de House of Cards et des Gags Juste pour rire.

Des personnes mal intentionnées auraient comploté pour qu’un homme au passé terroriste soit invité à des activités tenues pour le premier ministre canadien, de manière à ce que Justin Trudeau ait l’air de sympathiser avec le mouvement séparatiste sikh, que le gouvernement indien est loin de porter dans son cœur. Tout cela de façon à éviter des rapprochements avec le Canada, qui ne serait pas en faveur d’une Inde unie.

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Farfelu? Oui.

Improbable? Tout à fait.

Véridique? Il semble bien que non.

La farce va plus loin encore : cette théorie ne venait pas de la section commentaire d’un groupe Facebook composé de gens weirds qui cultivent des préjugés racistes. Elle provenait du conseiller en sécurité nationale du premier ministre, Daniel Jean.

Pourquoi tout cela?

Il semble que ce soit une tentative grossière de rattraper une pas pire gaffe. Le voyage de Justin Trudeau allait déjà assez mal, entre un accueil glacial de la part du gouvernement indien et des habits qui ont fait réagir la presse internationale et été abondamment ridiculisés.

Et voilà que la question épineuse du séparatisme sikh a soudain pris toute la place. Scandale : Jaspal Atwal a été invité à deux activités tenues pour Justin Trudeau, dont une à Mumbai où il a été pris en photo avec notre première dame, Sophie Grégoire.

Scandale : l’homme est un ancien membre d’un groupe terroriste sikh militant pour l’indépendance du Khalistan. Atwal a été reconnu coupable de tentative de meurtre contre un ancien ministre indien en 1986, à Vancouver, pour laquelle il a été condamné à 20 ans de prison.

On a annulé son invitation à la seconde activité, mais c’est trop peu trop tard.

L’histoire sème la controverse. « Comment ça que Justin il invite un terroriste avec lui en Inde, condonc? » se demandent bien des gens qui ont quand même raison de se poser des questions.

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Le conseiller en sécurité de Trudeau communique avec les médias pour leur fournir une excuse en exigeant l’anonymat. Il avance l’idée qu’Atwal aurait pu être planté là par le gouvernement indien, ou par les services secrets indiens, ou par des factions gouvernementales renégates, ou quelque chose du genre. Le service des nouvelles de Global rapporte que la source était prudente, en beurrant épais avec des « peut-être » et des « possiblement », sans toutefois donner la moindre preuve de ces allégations.

On est en droit de se demander d’où vient cette idée farfelue.

Je me plais à imaginer la scène de crise interne dans le cabinet du premier ministre où le chef de l’équipe de spin médiatique aurait urgé l’équipe de trouver une excuse rapidement.

« Shootez-moi vos meilleures idées! » aurait-il dit selon mon scénario fictif, des ronds de sueurs froides trempant peu à peu sa chemise aux manches roulées.

Les propositions merdiques auraient afflué.

« On a fait un reply all sans s’en rendre compte, après c’était juste gênant de le désinviter.

– C’est bon. Autre chose?

– C’est une femme qui a fait les invitations, elles sont donc bien niaiseuses, elles.

– Plausible… Mais on a-tu quelque chose d’un peu moins sexiste?

– On a un nouveau stagiaire, il s’est trompé entre la liste d’invités et la liste de terroristes. Peux-tu croire, il a failli inviter le Black Bloc au grand complet!

– Original. Mais je voudrais plus audacieux. Anyone? »

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Et à travers une litanie d’excuses improbables, il y en a une qui aurait retenu l’attention de Daniel Jean. « DES ESPIONS! » Mieux encore : des espions étrangers.

Coup de génie sous-estimé? Folie? Qui sait, mais c’est ce qu’on a choisi de servir aux médias. La théorie ne tenait plus 24 heures plus tard, explique le Maclean’s dans une intéressante analyse de toute l’épopée : le député britanno-colombien d’origine indienne Randeep Sarai a admis avoir ajouté Atwal sur la liste des invités des deux activités.

« Je veux m’excuser pour mon rôle dans ces malheureux événements récents. J’aurai un meilleur jugement à l’avenir », a réitéré Sarai hier sur Twitter. Il a annoncé qu’il quittait ses fonctions de président du Caucus libéral du Pacifique pour ne pas être une « distraction ».

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Selon le Maclean’s, le porte-parole de Justin Trudeau avait assuré la fin de semaine dernière que le bureau du premier ministre « n’était certainement pas en train de faire circuler des théories du complot impliquant des agents secrets ayant pour mission de ridiculiser Trudeau ».

Hier, à la Chambre des communes, Justin Trudeau a tout de même défendu le travail de son conseiller en sécurité tandis qu’il était pressé par les questions de l’opposition. « Lorsqu'un de nos hauts diplomates ou responsables de la sécurité dit quelque chose aux Canadiens, c'est parce qu'il sait que c'est vrai. » M. Trudeau a, du même souffle, réitéré la non-partisanerie des organismes de sécurité nationale.

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En réponse à cet échange parlementaire, le gouvernement indien s’est dissocié de toute l’histoire.

« Permettez-moi de déclarer catégoriquement que le gouvernement de l'Inde, y compris les agences de sécurité, n'avait rien à voir avec la présence de Jaspal Atwal à l'activité organisée par le haut-commissaire du Canada à Mumbai ou l'invitation qui lui était faite à New Delhi », a fait savoir le ministère des Affaires étrangères indien par voie de communiqué.

« Toute suggestion contraire est sans fondement et inacceptable », conclut abruptement la missive.

Bref, un autre exemple irréfutable que la politique fédérale, c’est excitant.

Justine de l'Église est sur Twitter.