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Football

FIFA-gate : ce qu’il s’est passé mercredi dans les coulisses du football mondial

Deux jours avant l’élection présidentielle de la FIFA, plusieurs collaborateurs de l’organisation régissant le football dans le monde ont été arrêtés en Suisse, ce mercredi matin, dans une affaire de corruption et de blanchiment d’argent.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Wikimedia / Juerg.hug

La police suisse a arrêté ce mercredi matin des hauts responsables de la FIFA (Fédération internationale de football) et des partenaires marketing de cette fédération, certains dans leur hôtel de Zürich, où ils séjournaient pour le congrès annuel de la fédération. En tout, des USA à la Suisse, ce sont 14 personnes qui seraient concernées à la fin de cette journée. Cet épisode survient deux jours avant l'élection, malgré tout maintenue, du prochain président de la FIFA, qui oppose l'actuel président, Sepp Blatter, au Jordanien, le Prince Ali ben al-Hussein.

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Les suspects devraient être extradés vers les États-Unis. Ces arrestations font suite à une enquête du FBI. Le tribunal fédéral de Brooklyn suspecte les 14 d'avoir pris part à un système de « racket, fraude et blanchiment d'argent, » qui aurait cours depuis 24 ans, grâce à la « corruption du football international ». La justice américaine peut en effet se saisir d'affaires concernant des étrangers vivants en dehors du territoire américain dans les cas de terrorisme ou de corruption à grande échelle.

Swiss authorities at 5-star hotel in Zurich to arrest FIFA officials. (Michael S. Schmidt) — NYT Sports (@NYTSports)May 27, 2015

Quelques heures après les arrestations, la Suisse a annoncé avoir ouvert une enquête de son côté. Le siège de la FIFA, situé aussi à Zürich, a alors été perquisitionné ce mercredi matin, par les autorités helvétiques. Des données électroniques ont été saisies pour cause de suspicions de blanchiment d'argent et de gestion déloyale, cette fois liés à l'attribution des coupes du monde de 2018 et 2022, attribués respectivement à la Russie et au Qatar. Après l'annonce de la justice suisse, la Russie assurait, ce mercredi après-midi, qu'elle n'avait « rien à cacher aux enquêteurs ».

VICE News s'est entretenu ce mercredi avec Lord Goldsmith, un ancien membre du comité indépendant de gouvernance la FIFA. Il nous confie "ne pas être surpris" par les arrestations. "Évidemment, il est impossible de parler des cas particuliers à ce moment de l'enquête, mais je ne suis pas surpris que les instances judiciaires s'en soient mêlées. Comme membre du comité indépendant de gouvernance de la FIFA, j'avais averti de la possibilité d'un tel dénouement, si la FIFA ne parvenait pas à mettre en place nos recommandations afin de devenir une organisation plus transparente."

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Le directeur de la communication de la FIFA, Walter de Gregorio, a tenu ce mercredi à 11h00 (heure locale) une conférence de presse, au siège zurichois de la fédération. Sepp Blatter et le Secrétaire général de la FIFA, Jerôme Valcke, « ne sont pas concernés personnellement par cette affaire, » a martelé De Gregorio. Le porte-parole a assuré que l'élection présidentielle se tiendra bien ce vendredi malgré les arrestations. Les attributions des coupes du monde russe et qatarie ne sont pas non plus remises en cause. Si De Gregorio a admis que « le timing n'était pas excellent, » il déclare que la FIFA est « très heureu[se] de ce qui se passe, » étant donné que la fédération est une « victime » dans cette affaire.

Le gros des arrestations a eu lieu à Zurich, mais la Justice a aussi travaillé sur le territoire américain. Jeffrey Webb, un des vice-présidents de la FIFA et président de la région CONCACAF (Amérique du Nord, Latine et Caraïbes) est la tête d'affiche des arrestations de ce matin. À ses côtés, on retrouve Jack Warner, qui est l'ancien président de la CONCACAF. En 2011, Warner avait été suspendu de ses fonctions par le comité éthique de la FIFA pour des suspicions de corruption. Il avait finalement présenté sa démission ce qui avait mis fin à l'enquête de la FIFA sur ces allégations. Côté officiels, on trouve à leurs côtés, divers présidents de fédérations sud-américaines. Le siège de la CONCACAF, basée à Miami, a aussi été perquisitionné.

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— WSVN-TV (@wsvn)May 27, 2015

Cinq responsables marketing de partenaires de la fédération internationale sont aussi soupçonnés d'avoir payé près de 150 millions de dollars en pots-de-vin pour obtenir des droits télévisuels et autres accords de sponsoring pour plusieurs compétitions de football régies par la FIFA — pêle-mêle, on trouve la Copa Libertadores (la Ligue des champions sud-américaine) ou encore la Copa America (sorte d'Euro pour les pays d'Amérique du Sud).

U.S. Attorney press office using these pictures to explain today's Fifa arrests: — Richard Conway (@richard_conway)May 27, 2015

Le système de pots-de-vin en schéma.

Ce vendredi, les 209 présidents des fédérations nationales de football vont voter pour, soit offrir un cinquième mandat consécutif à Sepp Blatter (à la tête de l'organisation depuis 1998), ou au Prince Ali bin al-Hussein de Jordanie, seul rescapé de la campagne présidentielle qui a vu s'effacer les autres candidats à mesure que l'échéance se reprochait. Avant les révélations de ce matin, la victoire était promise à Blatter.

Ce mardi, l'équipe du prince Jordanien avait averti la police britannique d'une tentative de corruption : un individu a approché le prince Ali pour lui assurer le vote de 47 présidents de fédérations.

We cannot continue with the crisis in FIFA, a crisis that has been ongoing and is not just relevant to the events of today.

— Ali Bin Al Hussein (@AliBinAlHussein)May 27, 2015

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La FIFA est embarrassée depuis plusieurs années par des rumeurs de corruptions, notamment suite à l'attribution de l'organisation de la Coupe du Monde à la Russie et au Qatar. Mohamed Bin Hammam, ancien président de la Confédération asiatique de football, avait été radié en 2011, accusé d'avoir acheté des voix pour l'attribution de la Coupe du Monde au Qatar.

Souhaitant faire la lumière sur le processus ayant conduit à cette attribution, au Qatar, la FIFA avait commissionné Michael Garcia, un ex-procureur new-yorkais. Garcia avait démissionné suite au refus de la FIFA de publier son rapport. Une version du rapport, corrigée et modifiée par les avocats de la FIFA, avait finalement vu le jour, permettant de mettre hors de cause le Qatar. Pourtant, selon certaines rumeurs, des officiels africains auraient touché 1,5 million de dollars pour attribuer leur voix au Qatar.

Le présentateur de HBO, John Oliver, fait le tour des scandales dans lesquels la FIFA trempe.

En ce moment,La FIFA est aussi mise en cause par de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, suite aux révélations faites sur le traitement des ouvriers employés au Qatar pour construire les stades. Le Qatar a reconnu que 1 000 ouvriers originaires du Népal, d'Inde et du Bangladesh sont morts sur les chantiers qataris en 2012 et 2013. Dernièrement, le Qatar aurait refusé aux travailleurs népalais le droit de rentrer au Népal pour les obsèques de leurs proches morts dans le tremblement de terre.

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La Coupe de monde de football reste l'événement sportif le plus populaire dans le monde. La FIFA gère de façon unilatérale son organisation et impose ses règles aux pays organisateurs de ses événements — principalement la Coupe du monde. Les investissements consentis ne sont pas toujours payants sur le long terme, comme cela a pu être le cas en Afrique du Sud, en 2010, d'après certains experts. Entre 2011 et 2014, la FIFA aurait enregistré un chiffre d'affaires de 5,7 milliards de dollars.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

Ben Bryant a participé à la rédaction de cet article.

Image via Wikimedia / Juerg.hug