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Pitié, arrêtez avec l'expression « capitale de l’esport »

Il ne se passe pas trois mois sans qu’une ville ou un pays ne revendique ce titre - qui ne veut du coup plus rien dire.
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Finale de Street Fighter V au tournoi Evolution 2016 (EVO Championship Series) à Las Vegas, le 16 juillet Juillet, 2016. Photo : Ken Howard / Alamy Stock Photo

Il y a un nouveau candidat au titre de capitale de l’esport. Le mardi 18 octobre, Andorre a annoncé publiquement son ambition de devenir une référence internationale de la discipline. La principauté prévoit de lancer un plan économique pour développer le secteur sur son territoire - en offrant notamment des avantages fiscaux non négligeables pour les acteurs qui souhaiteraient s’installer dans le coin.

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Manque de pot, cela fait déjà quelques années que des pays comme Malte ou Dubaï ont repéré le filon. Lyon, Katowice, Toulouse, Shanghaï, Poitiers ou Tours ont aussi revendiqué ce titre de capitale de l’esport qui, à force d’être utilisé à tour de bras, finit par ne plus rien dire.

Pire, c’est même devenu une blague au sein de la communauté esportive française qui s’amuse à observer des municipalités se lancer à corps perdu dans des projets qui ne dureront pas plus de deux mois. Il est même devenu difficile de savoir qui parmi ces villes sont de vrais acteurs de l’esport. Qui sont les fraudes et les pionniers du mouvement ? Au fond, s’il ne devait y en avoir qu’une, qui serait la vraie, la seule et unique capitale de l’esport ?

« Très honnêtement, c’est super difficile à dire, confesse Nicolas Besombes, chercheur à l’université de Paris-Cité et ancien vice-président de l’association France Esports. De manière instinctive, je dirais soit Katowice, en Pologne ou Cologne en Allemagne puisque ça fait près de dix ans que les deux villes accueillent certaines des plus grandes compétitions internationales chaque année. En France, on pourrait sûrement citer Poitiers qui a historiquement été une des premières à s’intéresser à la discipline. Mais la réalité c’est qu’aujourd’hui, l’esport n’est prédominant dans aucune ville par rapport aux autres activités ou disciplines. »

« C’est comme quand Metz s’est revendiquée capitale de l’esport simplement parce qu’elle recevait une étape de la Coupe du monde de jeux vidéo en 2014. Ça n'a pas beaucoup de sens mais au moins ça fait réagir » - Nicolas Besombes, chercheur.

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Si le titre semble être déjà pris par certains acteurs historiques, pourquoi continue-t-on de le voir surgir ici et là ? « En fait, utiliser ce terme-là c’est juste une façon d’attirer l’attention pour dire qu’ils veulent essayer de s’investir un peu dans l’esport. Parfois, ça peut être pour le temps d’un week-end ou d’une compétition. C’est comme quand Metz s’est revendiquée capitale de l’esport simplement parce qu’elle recevait une étape de la Coupe du monde de jeux vidéo (ESWC) en 2014. Ça n'a pas beaucoup de sens mais au moins ça fait réagir. »

Sans compter que devenir une capitale de l’esport… ça n’explique en rien ce que ces collectivités ont l’intention de faire. Des tournois professionnels ? Amateurs ? Des formations pour les joueurs ? Lancer des subventions ? « Je trouve ça étonnant que ces différentes villes n'essaient pas de se démarquer en se revendiquant d’un secteur particulier comme en géographie. En soit, Paris pourrait très bien être considérée comme la capitale économique de l’esport en France, tout comme Poitiers serait la capitale historique ou même Rouen la capitale scientifique. » 

« Il faut aussi distinguer la façon dont ce terme est utilisé, analyse Nicolas Besombes. Même si c’est effectivement un élément de langage utilisé par les pouvoirs publics et les collectivités pour faire un peu parler d’eux, le plus souvent on retrouve ce terme parce que c’est une figure de style très utilisée par les médias. Si ça se trouve, c’est le ou la journaliste qui indirectement a décidé de mettre ce titre alors que ce n’était pas l’intention d’origine. Ce qui va forcément nourrir notre amusement mais peut parfois prêter de fausses intentions à certaines collectivités. »

Dans un cas comme dans l’autre, l’utilisation de cette terminologie dénote toutefois d’une certaine forme de méconnaissance du secteur. Il suppose que l’esport est une pratique qui peut facilement trouver un ancrage géographique alors que c’est une discipline qui est sans frontière.

« C’est quand même révélateur de l’intérêt des pouvoirs publics et des collectivités territoriales pour le secteur, conclut Nicolas Besombes. Le fait qu’il ne se passe pas un an sans qu’un article titre sur telle ville qui veut devenir capitale de l’esport montre quand même une évolution des mentalités et une croissance de la notoriété de l’esport. C’est un signe plutôt positif pour les acteurs du secteur. »

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