Karl Lagerfeld aime les saucisses et possède une douzaine d'Ipods. Il admire les prostituées mais déteste les hypocrites et n'hésite pas à mettre fin à une amitié de longue date pour un simple manquement à ses principes moraux. Lagarfield est la plus folle énigme du monde de la mode. Vous ne nous croyez pas ? Allez voir Lagerfeld Confidential, documentaire du réalisateur Rodolphe Marconi, qui a capté les ruminations intimes de l'érudit à queue de cheval. Nous lui avons demandé ce que ça faisait de se glisser pendant des mois dans les habits du man-in-black de la mode.Vice: C'est la première fois qu'un réalisateur obtient le droit de filmer Lagerfeld dans son intimité. Comment avez-vous pu approcher Kaiser Karl?
Rodolphe Marconi: J'ai commencé par rencontrer Caroline Lebar, son attachée de presse, qui ne m'a pas caché que j'étais la 100ème personne à vouloir réaliser un film sur Karl. Comme je n'aime pas beaucoup que l'on me dise non, j'ai insisté, je l'ai rappelée, j'ai déjeuné avec elle, et je l'ai revue régulièrement pendant trois mois. A chaque fois, elle me posait des questions sur mon projet, et au bout de plusieurs mois, elle m'a appelé en me disant : "vous déjeunez chez Karl demain à 12h". Alors j'y suis allé, je l'ai rencontré et on resté cinq heures à discuter. Après, il m'a dit: "OK, quand vous voulez commencer?", je n'en savais rien, alors il m'a dit :"Demain."De quoi avez-vous parlé ? Comment l'avez-vous convaincu de se laisser filmer?
On a commencé à parler de mode, des acteurs, et ensuite on a parlé de cinéma. C'est après le déjeuner que j'ai commencé à évoquer mon projet, je lui ai dit: "je veux juste être avec vous et vous filmer pendant six mois, et je ne suis pas de ceux qui savent ce qu'ils veulent avant même d'avoir commencé. Je ne veux pas vous manipuler; Je veux juste pouvoir vous filmer tel que vous êtes."Vous étiez attiré par la mode, ou c'était le "sujet Lagerfeld" qui vous intéressait ?
J'ai toujours aimé la mode. Quand j'avais dix ans et que tous mes potes lisaient des magazines pour enfants, je demandais à ma grand-mère de m'acheter Vogue. Je me rappelle aussi que mon premier professeur de dessin, quand j'avais 11 ans, m'avait parlé de Karl Lagerfeld, que je ne connaissais pas, et il m'avait dit : "c'est le meilleur et un jour il sera le plus grand". À partir de là, j'ai voulu tout savoir sur lui. J'aimais son humour, sa tête et son look, ses bagues, son style en général, et c'est assez rare que quelqu'un qui a atteint un tel niveau de célébrité continue d'être drôle, et curieux des autres.Comment est-ce qu'on se prépare pour ce genre de film? est-ce très différent des films de fiction?
C'était à la fois formidable et très différent de mes précédents tournages, parce que je n'avais pas à diriger d'acteurs. Mais c'était aussi bizarre parce que c'est ce que je préfère quand je fais un film: être avec l'acteur, l'accompagner, lui demander de jouer d'une certaine façon. Avec Karl, j'étais là seulement pour regarder, tout seul, sans les 100 techniciens qui constituent habituellement mon équipe. Quand il m'a dit: "Ok, nous commençons demain," je suis juste allé acheter une caméra et un micro.Au début du film, vous entrez pour la première fois à l'intérieur de sa chambre, et là vous voyez les bagues, les iPods, tous ses cols blancs, et son énorme bibliothèque. Est-ce que c'est un collectionneur ou bien considère t-il ces objets comme de simples besoins?
C'est très paradoxal parce qu'il veut tout acheter, tout savoir, tout lire et tout porter. Je ne suis pas sûr qu'il soit collectionneur, mais il est comme ça pour tout : Il a 500 paires de jeans, 300 chemises, 200 bagues. Voir ses effets personnels était une expérience très particulière, parce que jamais personne n'entre dans chambre, et que j'y tenais vraiment. Alors j'ai attendu à peu près trois semaines, et puis j'ai frappé à sa porte et il m'a laissé entrer. J'ai monté la scène dès le début du film, pour que le spectateur comprenne qu'il allait vraiment pénétrer dans une partie secrète de sa vie. La chambre de Karl est vraiment ce qu'il y a de plus privé.Est-ce que vous avez senti qu'il prenait parfois la pose devant la caméra?
Non. J'étais toujours avec lui, mais je ne pouvais pas filmer jour et nuit, donc il arrivait que j'ai la caméra, mais ce n'était pas tout le temps le cas. Et c'était très étrange parce qu'il était exactement le même avec ou sans objectif pointé sur lui: les mêmes mots, la même voix, la même attitude. Il s'en fichait. Les deux premiers jours, il était un peu bizarre, parce qu'il oubliait quelque fois qu'il y avait une caméra dans la pièce et tout d'un coup il me regarderait interloqué, avant de se rappeler ce que je faisais. Mais après quelques jours, il n'y faisais plus du tout attention. Vous êtes devenus amis?
Il m'a envoyé un beau dessin hier. Mais, amis, je ne suis pas sûr… Je ne sais pas. Je pense, oui… J'espère. Aujourd'hui je connais très bien Karl, et je sais qu'il a beaucoup d'amis et qu'il n'a pas le temps d'aller boire un café ou de faire ce genre de choses. Quand vous prenez un café avec lui, ou un dîner, ou un déjeuner, c'est toujours parce que vous avez un projet à lui proposer. Il n'a pas le temps de s'asseoir avec vous et de dire: "Tiens, il fait froid aujourd'hui. Qu'est ce que tu fais demain?". Il n'a pas le temps pour tout ça, mais je suis sûr que si vous avez quelque chose d'urgent à lui dire, ou besoin d'aide, il sera toujours là.Dans le film, il explique qu'une certaine tension est nécessaire dans les rapports entre les gens, afin de garder des échanges intéressants.
Oui… Je pense qu'il veut juste se protéger, donc il garde toujours une espèce de distance avec les gens. Il ne veut pas qu'on l'aime trop. Alors quand il évoque cette tension nécessaire, je pense qu'il veut parler de cette distance, qui est aussi de la courtoisie: vous ne pouvez pas tout dire à vos amis et ils ne peuvent pas tout vous dire non plus. Il faut garder des choses pour soi.Est-ce qu'il se trouve vieux? A-t-il jamais parlé de la mort ou de son héritage?
Je n'ai pas le droit de vous dire son âge… il tourne autour des 70 ans. Il dit toujours que ça lui est égal; Il dit toujours que dans sa tête, il sera toujours là dans 10 ou 20 ans. Il a beaucoup d'énergie et je suis sûr qu'il sera toujours là dans 20 ans, parce qu'il nous est arrivé de travailler 18 heures d'affilé alors que Karl aurait aimé continuer à bosser - tout le monde était complètement crevé, mais lui ne veut jamais s'arrêter-. Comment les gens ont-ils réagi en voyant le film?
Je ne sais pas du tout, mais jusqu'ici, toutes les personnes qui ont vu le film l'ont aimé, et semblent adorer Karl encore plus qu'avant.INTERVIEW: DARBY BUICK
PS: Si vous êtes arrivés jusqu'ici, vous méritez au moins de voir ça.
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Rodolphe Marconi: J'ai commencé par rencontrer Caroline Lebar, son attachée de presse, qui ne m'a pas caché que j'étais la 100ème personne à vouloir réaliser un film sur Karl. Comme je n'aime pas beaucoup que l'on me dise non, j'ai insisté, je l'ai rappelée, j'ai déjeuné avec elle, et je l'ai revue régulièrement pendant trois mois. A chaque fois, elle me posait des questions sur mon projet, et au bout de plusieurs mois, elle m'a appelé en me disant : "vous déjeunez chez Karl demain à 12h". Alors j'y suis allé, je l'ai rencontré et on resté cinq heures à discuter. Après, il m'a dit: "OK, quand vous voulez commencer?", je n'en savais rien, alors il m'a dit :"Demain."De quoi avez-vous parlé ? Comment l'avez-vous convaincu de se laisser filmer?
On a commencé à parler de mode, des acteurs, et ensuite on a parlé de cinéma. C'est après le déjeuner que j'ai commencé à évoquer mon projet, je lui ai dit: "je veux juste être avec vous et vous filmer pendant six mois, et je ne suis pas de ceux qui savent ce qu'ils veulent avant même d'avoir commencé. Je ne veux pas vous manipuler; Je veux juste pouvoir vous filmer tel que vous êtes."Vous étiez attiré par la mode, ou c'était le "sujet Lagerfeld" qui vous intéressait ?
J'ai toujours aimé la mode. Quand j'avais dix ans et que tous mes potes lisaient des magazines pour enfants, je demandais à ma grand-mère de m'acheter Vogue. Je me rappelle aussi que mon premier professeur de dessin, quand j'avais 11 ans, m'avait parlé de Karl Lagerfeld, que je ne connaissais pas, et il m'avait dit : "c'est le meilleur et un jour il sera le plus grand". À partir de là, j'ai voulu tout savoir sur lui. J'aimais son humour, sa tête et son look, ses bagues, son style en général, et c'est assez rare que quelqu'un qui a atteint un tel niveau de célébrité continue d'être drôle, et curieux des autres.
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C'était à la fois formidable et très différent de mes précédents tournages, parce que je n'avais pas à diriger d'acteurs. Mais c'était aussi bizarre parce que c'est ce que je préfère quand je fais un film: être avec l'acteur, l'accompagner, lui demander de jouer d'une certaine façon. Avec Karl, j'étais là seulement pour regarder, tout seul, sans les 100 techniciens qui constituent habituellement mon équipe. Quand il m'a dit: "Ok, nous commençons demain," je suis juste allé acheter une caméra et un micro.Au début du film, vous entrez pour la première fois à l'intérieur de sa chambre, et là vous voyez les bagues, les iPods, tous ses cols blancs, et son énorme bibliothèque. Est-ce que c'est un collectionneur ou bien considère t-il ces objets comme de simples besoins?
C'est très paradoxal parce qu'il veut tout acheter, tout savoir, tout lire et tout porter. Je ne suis pas sûr qu'il soit collectionneur, mais il est comme ça pour tout : Il a 500 paires de jeans, 300 chemises, 200 bagues. Voir ses effets personnels était une expérience très particulière, parce que jamais personne n'entre dans chambre, et que j'y tenais vraiment. Alors j'ai attendu à peu près trois semaines, et puis j'ai frappé à sa porte et il m'a laissé entrer. J'ai monté la scène dès le début du film, pour que le spectateur comprenne qu'il allait vraiment pénétrer dans une partie secrète de sa vie. La chambre de Karl est vraiment ce qu'il y a de plus privé.Est-ce que vous avez senti qu'il prenait parfois la pose devant la caméra?
Non. J'étais toujours avec lui, mais je ne pouvais pas filmer jour et nuit, donc il arrivait que j'ai la caméra, mais ce n'était pas tout le temps le cas. Et c'était très étrange parce qu'il était exactement le même avec ou sans objectif pointé sur lui: les mêmes mots, la même voix, la même attitude. Il s'en fichait. Les deux premiers jours, il était un peu bizarre, parce qu'il oubliait quelque fois qu'il y avait une caméra dans la pièce et tout d'un coup il me regarderait interloqué, avant de se rappeler ce que je faisais. Mais après quelques jours, il n'y faisais plus du tout attention. Vous êtes devenus amis?
Il m'a envoyé un beau dessin hier. Mais, amis, je ne suis pas sûr… Je ne sais pas. Je pense, oui… J'espère. Aujourd'hui je connais très bien Karl, et je sais qu'il a beaucoup d'amis et qu'il n'a pas le temps d'aller boire un café ou de faire ce genre de choses. Quand vous prenez un café avec lui, ou un dîner, ou un déjeuner, c'est toujours parce que vous avez un projet à lui proposer. Il n'a pas le temps de s'asseoir avec vous et de dire: "Tiens, il fait froid aujourd'hui. Qu'est ce que tu fais demain?". Il n'a pas le temps pour tout ça, mais je suis sûr que si vous avez quelque chose d'urgent à lui dire, ou besoin d'aide, il sera toujours là.Dans le film, il explique qu'une certaine tension est nécessaire dans les rapports entre les gens, afin de garder des échanges intéressants.
Oui… Je pense qu'il veut juste se protéger, donc il garde toujours une espèce de distance avec les gens. Il ne veut pas qu'on l'aime trop. Alors quand il évoque cette tension nécessaire, je pense qu'il veut parler de cette distance, qui est aussi de la courtoisie: vous ne pouvez pas tout dire à vos amis et ils ne peuvent pas tout vous dire non plus. Il faut garder des choses pour soi.Est-ce qu'il se trouve vieux? A-t-il jamais parlé de la mort ou de son héritage?
Je n'ai pas le droit de vous dire son âge… il tourne autour des 70 ans. Il dit toujours que ça lui est égal; Il dit toujours que dans sa tête, il sera toujours là dans 10 ou 20 ans. Il a beaucoup d'énergie et je suis sûr qu'il sera toujours là dans 20 ans, parce qu'il nous est arrivé de travailler 18 heures d'affilé alors que Karl aurait aimé continuer à bosser - tout le monde était complètement crevé, mais lui ne veut jamais s'arrêter-. Comment les gens ont-ils réagi en voyant le film?
Je ne sais pas du tout, mais jusqu'ici, toutes les personnes qui ont vu le film l'ont aimé, et semblent adorer Karl encore plus qu'avant.INTERVIEW: DARBY BUICK
PS: Si vous êtes arrivés jusqu'ici, vous méritez au moins de voir ça.