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Porno

À la rencontre du chercheur payé pour étudier le porno gay

Le terme d’« études culturelles » n’a jamais semblé aussi excitant.
Cinq jeunes hommes prêts à « étudier ». Photo publiée avec l’aimable autorisation de Helix Studios

La récente étude menée par Joseph Brennan, professeur des médias et de la communication à l'université de Sydney, adopte une approche méthodique sur la façon dont les studios spécialisés dans le porno gay promeuvent le pénis de leurs acteurs. Publié dans le Journal of Homosexuality, il s'agit du genre de travail auquel vous jetez un œil avant de vous y reprendre à deux fois et de constater que, en effet, un intellectuel a vraiment passé au peigne fin 6 900 dick pics « pour le bien de la recherche ».

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Bien sûr, Brennan a pour cela une excuse légitime : il voulait étudier la façon dont les acteurs pornos sont relégués à certains rôles en fonction de la taille de leur pénis, et a découvert que ceux qui étaient cantonnés à la catégorie inférieure étaient aussitôt étiquetés de passifs. Il voulait aussi mieux comprendre comment le marketing des grosses bites pouvait affecter le bien être mental des consommateurs de porno.

« Au-delà de la "pornification" de la culture gay ou de l'intégration du porno gay, je crois simplement que le porno gay a joué un rôle historique important dans notre communauté », déclare Brennan.

Cette fascination transparaît pleinement dans la trouvaille scientifique de Brennan, qui a également écrit au sujet de l'esthétique gonzo du porno gay, à l'instar des vidéos produites par le studio FraternityX. Il a exploré comment les performers pratiquant le barebacking avaient été « écartés » par l'industrie, a répertorié les réactions face aux « abus dans le porno » sur le site Boy Halfway House et a examiné comment des sites pornos tels que Czech Hunters jouaient sur le fantasme d'hommes européens désespérés et excités.

Brennan semble surtout intrigué par les pulsions les plus sombres des consommateurs de porno gay. Pourquoi les vidéos simulant le viol ou l'exploitation prospèrent-elles en ligne, et que nous apprennent-elles au sujet de la culture gay ? Dans son article sur Boys Halfway House, une série pornographique dans laquelle le spectateur assume parfois l'identité d'un travailleur social prédateur, Brennan se penche sur la façon dont les téléspectateurs font des distinctions entre les « bons » (c'est-à-dire stylisés) et les « mauvais » (réalistes) abus dans le porno. Il semble y avoir une ligne floue qui, lorsqu'elle est traversée, permet aux téléspectateurs de croire qu'ils participent à la culture du viol. Comme l'évoque un commentaire publié sur un blog de critiques de vidéos porno, « Le porno présente le viol comme étant sexy, alors qu'il ne l'est pas complètement. Il s'agit d'un problème majeur dans notre société que ces vidéos approuvent en quelque sorte ».

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« Boys Halfway House est un exemple qui se rapproche, selon moi, de ce que beaucoup pourraient considérer comme étant les limites du fantasme pornographique », explique Brennan.

De même, en analysant Czech Hunters, une série homosexuelle tournée en Europe de l'Est, il a relevé un autre fantasme pornographique abusif – celui de l'homme désespéré, prêt à faire n'importe quoi pour une grosse somme d'argent. Cela découle selon lui d'une sorte de fausse nostalgie ; les gens se complaisent à croire que, depuis la chute du communisme, la République tchèque bénéficie d'un commerce sexuel prospère, rempli de mecs hétéros enclins à gagner de l'argent facile. On a affaire à une internationalisation du scénario gay classique, qui repose essentiellement sur les stéréotypes sur l'Europe de l'Est.

Un examen minutieux du porno gay peut sembler être une excuse plutôt évidente pour mater les vidéos de Sean Cody au bureau, mais il existe de nombreuses raisons de le faire. D'une part, les recherches ont démontré que les hommes homosexuels et bisexuels, par comparaison à leurs homologues hétérosexuels, sont nombreux à signaler un stress lié à leur corps, une insatisfaction corporelle, des troubles de l'alimentation et un complexe lié à l'image de soi – ce qui est probablement dû au porno qu'ils consomment. D'autres recherches ont montré une corrélation entre la consommation du barebacking et la pratique de rapports sexuels risqués. On compte également un nombre incalculable d'hommes et de femmes hétéros qui en consomment aussi. Inutile de dire qu'il y a beaucoup à démêler dans le porno gay.

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Mais alors que le porno est un domaine d'étude populaire, il est controversé depuis le départ. La revue Porn Studies a été lancée il y a trois ans en tant que « premier espace international dédié à l'exploration critique de la complexité et du potentiel de la recherche en pornographie », et a été immédiatement décriée par les militants anti-porno.

Brennan est toutefois d'avis qu'il existe une meilleure compréhension de la valeur du chercheur en pornographie. « On observe un nombre croissant d'universitaires opérant dans le domaine du porno gay et publiant régulièrement des articles – il s'agit d'un petit collectif de personnes talentueuses ayant apporté au domaine un certain nombre de points de vue disciplinaires », explique-t-il. En 2015, par exemple, la revue Psychology and Sexuality a publié son premier numéro spécial dédié au porno gay. D'autres publications ont également accueilli le monde en plein essor des bourses d'études en pornographie gay.

Lors de notre interview, Brennan s'est parfois montré obtus quant à ses motivations à étudier le porno, ce qui m'a donné l'impression que cette attitude fuyante était due au fait d'être un observateur désintéressé et auto désigné. Il est prudent de ne pas juger le travail pornographique en lui-même, mais plutôt de se concentrer sur les discussions en ligne qui l'entourent.

Selon lui, le monde du porno renforce les stéréotypes ; dans son article sur la taille des pénis des acteurs, par exemple, il évoque le fait que les actifs sont souvent décrits comme étant virils, agressifs et captivants, tandis que les passifs sont décrits comme étant enfantins, dévergondés, voire « hystériques ».

Il est bon, dit-il, de remettre en question « les rôles sexuels étroitement définis dans la pornographie gay ».

« Il existe une harmonisation de l'action, du pouvoir et de la pénétration avec des hommes virils et extraordinairement bien montés. » Est-ce vraiment si difficile d'aspirer à une « plus grande variation des fantasmes » ?

Suivez Steven Blum sur Twitter.