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témoignage

Mon premier match à Bauer

Le 17 novembre, j'ai profité du déplacement de Rodez à Saint-Ouen pour vivre ma première expérience dans le stade du Red Star. Je me suis alors retrouvé devant le football que j’ai toujours rêvé et fantasmé.
Photo Benjamin Filarski 

VICE et le Red Star se sont associés pour suivre la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen sur et hors des terrains, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, un néo-Parisien témoigne de sa toute première fois dans l'antre du Red Star.


Le 17 novembre 2017, la venue du leader Rodez à Saint-Ouen a fait naître mon intérêt pour le championnat National. J’avoue donc volontiers que ma venue au stade Bauer a été motivée par les bons résultats des Aveyronnais, pourtant promus [Rodez occupe aujourd'hui la deuxième place du classement, à un point du leader Grenoble, ndlr]. Et puis en tant que Lotois je me devais bien de soutenir mes détestables voisins le temps d’un match. Nous sommes tous Occitans après tout.

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Une rapide recherche sur Internet et mon chemin était connu : quelques stations sur la ligne 3, un changement à Saint-Lazare pour attraper la 13. Direction Saint-Denis jusqu’à la station Mairie de Saint-Ouen. S’ensuivent 10 minutes de marche jusqu’au parking de l’enceinte du Red Star. J’observe les alentours, il est 19h30 et il y a déjà énormément de monde à l’Olympic, le bar qui fait face au stade.

L’ami qui m’accompagne est un habitué, il connaît le lieu. Je lui fais confiance sur le choix des places. Nous voilà en possession de billets en première Ouest. Conscient qu’il s’agit de la partie du stade où se regroupent les supporters les plus passionnés du Red Star, je décide de ne pas sortir le drapeau floqué de la croix occitane sur fond rouge, qui reste soigneusement plié dans ma poche intérieure. Heureusement, les Ruthenois ont déployé le même emblème dans le parcage visiteur, de l'autre côté de la pelouse. Une fierté s’empare alors de moi.

Cette enceinte n’a pas dû connaître de véritables rénovations depuis longtemps. Mais quelle beauté !

Dans le stade, une première impression me frappe : je me trouve dans un monument old school du football. C’est le genre d’arène que je ne connais qu’à travers des photos noir et blanc. Seconde impression : cette enceinte n’a pas dû connaître de véritables rénovation depuis longtemps. Mais quelle beauté ! La personnalisation des tribunes par les supporters ne rend l’ensemble que plus esthétique. Même les piliers métalliques, m’empêchant de voir certaines parties du terrain d’où je suis, possèdent un certain charme. Nous sommes à 10 minutes du coup d’envoi et les chants résonnent déjà. C’est à l’entrée des joueurs que l’ambiance monte de plusieurs crans. Un fumigène vient enjoliver la scène déjà très étonnante. Des drapeaux, des tambours, des chants, il y a tout. Une ambiance puissante, entraînante, partagée, mais contrôlée. Ayant choisi ce soir de soutenir Rodez, je m’en tiens à ce choix. Pas envie de faire le footix, ce n’est pas une option que j’aime. Cela aurait pu m’empêcher d’apprécier le moment, il n’en fut rien. Je suis dans un stade pittoresque, debout sur ce que je soupçonne être de simples parpaings, un vendredi soir loin de mon Lot adoré, pour assister à un match de troisième division. À ce moment précis, une phrase résonne continuellement dans ma tête : « Le football vrai ». Je suis devant le football que j’ai toujours rêvé et fantasmé.

Hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, caucasiens, métisses, noirs, citadins, banlieusards, tous cohabitent à merveille

Puis soudain, quelque chose de flagrant me frappe. Une évidence que je ne relève que maintenant : la grande mixité des tribunes. Ici, hommes, femmes, jeunes, moins jeunes, caucasiens, métisses, noirs, citadins, banlieusards, tous cohabitent à merveille. Sans effort. Ils partagent tous fièrement cette étoile, celle qui orne l’écusson du club qu’ils supportent. Ils sont cette étoile. Ils sont les garants depuis de longues années de son rayonnement dans le ciel sombre et austère du 93.

L’expérience ne fut que plus intense avec la victoire des locaux et la cohésion sincère entre les joueurs et les supporters lors de la célébration d’après-match. Sans aucun doute les joueurs ont-ils conscience du fardeau vert qui repose sur leur dos. Ce maillot porte le poids d’un peuple, celui du stade Bauer. Sur le chemin du retour vers le métro, je marchais au niveau d’un père qui tenait sa fille par la main. La gamine était sûrement âgée d’une petite dizaine d’années et habillée d’un maillot blanc au logo étoilé – sans aucun doute celui du père au vu de la taille du vêtement. Cette fille s’identifiait à la première personne du pluriel, « notre gardien, … » « notre équipe, … », « nous avons gagné ». Vous savez, cette façon si caractéristique qu’ont les supporters d’exprimer leur appartenance à un club. Elle analysait donc à sa façon le match auquel elle venait d’assister avec ses arguments, son ressenti et son vocabulaire d’enfant. Quant au père, il s’amusait à donner de l’importance aux remarques de sa fille. Il était heureux. Elle était aux anges. Des étoiles plein les yeux. Je les supposais rouges. J’étais témoin de la passion qui liait cette jeune fille à son père. Traverser les générations, n’est-ce pas ça, la marque des grands clubs ?