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Quand le sexe féminin passe sous le bistouri

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Il est désormais possible de tout refaire, y compris certaines parties du corps que l’on ne voit que dans l’intime. Ces dernières années, les chirurgies en dessous de la ceinture ont été popularisées par la pornographie, aussi bien pour les hommes que les femmes. Contrairement aux pénis, le but des opérations féminines réside souvent dans le fait de rétrécir ce sexe considéré par des patientes comme trop imposant. La principale source de complexe pour certaines femmes : les petites lèvres autour de la vulve. À la puberté, ces dernières dépassent souvent des grandes lèvres.

Faute de pouvoir se comparer aux toilettes comme pour les hommes, beaucoup de femmes grandissent avec l’impression d’être anormale et ont pour seule modèle de comparaison des actrices pornographiques, elles aussi passées sous le bistouri. Dans les demandes les plus communes, les patientes se plaignent de petites lèvres qui pendent ou d’une asymétrie, qui dans les deux cas sont pourtant très courantes. Pour les satisfaire, plus rien ne doit dépasser.

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Originaire de Nice, Inès a décidé, dès sa majorité, de se faire opérer. Elle a subi une nymphoplastie qui vise à retirer la peau des petites lèvres qui dépasse des grandes lèvres pour retrouver le sexe poupon de son enfance. « J’avais l’impression d’être sale, c’était fripé, foncé et ça dépassait. Au lit, je n’arrivais pas à écarter les jambes sans y penser une seule fois. Je refusais même certaines positions pour que mon copain voit le moins possible mon sexe », raconte-t-elle. Alors avec 4 000 euros d’économie et une idée bien claire de ce qu’elle veut, Inès rencontre un chirurgien qui accepte de l’opérer. Aujourd’hui, la jeune femme s’estime enfin satisfaite de sa vulve et se sent mieux dans sa peau.

Cette intervention, relativement simple, se déroule en général en une heure maximum sous anesthésie générale. La patiente doit ensuite éviter tout rapport sexuel pendant un mois afin de cicatriser. Cette opération, de plus en plus populaire, est chaque année en nette augmentation. Si elle permet de se débarrasser d’un complexe, comme le fait si bien la chirurgie esthétique, la nymphoplastie soulève de nombreuses questions sur les injonctions adressées au corps féminin. En effet, il est difficile aujourd’hui pour une femme d’apprécier son sexe lorsqu’il ne ressemble à rien de ce que l’on peut voir dans notre société. Très peu représenté en photographie ou en dessin, le sexe féminin est souvent caractérisé par une petite fente où rien n’est visible. Pourtant, comme pour les hommes, toutes les couleurs, formes et tailles sont possibles. Chaque vulve est différente mais les clichés ont la vie dure.

Sandra, 26 ans, a complexé sur son sexe pendant de nombreuses années après une remarque désobligeante de son compagnon. « Un jour, mon ex m’a sorti que j’avais des escalopes entre les cuisses. Ça m’a traumatisée et j’ai décidé de faire réduire mes petites lèvres. » La jeune femme regarde pour la première fois sa vulve de plus près et se compare aux modèles photos et aux actrices pornographiques où « tout est parfait ». Si elle affirme se sentir mieux depuis qu’elle a passé le cap de la chirurgie, Sandra avoue ne pas avoir retrouvé confiance en elle au lit. L’opération aide mais ce n’est pas en un coup de scalpel que tous les problèmes s’envolent.

Initialement, la nymphoplastie est destinée aux femmes concernées par l’hypertrophie, lorsqu’il y a une malformation et que les petites lèvres prennent beaucoup trop de place et empêchent de vivre correctement. On parle alors de chirurgie réparatrice et non esthétique. L’hypertrophie des petites lèvres entraîne une gêne lors de certains mouvements ou lors de la pratique de certains sports. Lorsqu’elle est pratiquée pour raison médicale, l’intervention est prise en charge, en partie, par la Sécurité sociale. C’est le cas de Mathilde qui, à ses 19 ans, a fait une nymphoplastie : « J’étais très complexée depuis mes 15 ans au moins, je ne saurais pas dire à quel âge cela a commencé. Et je ressentais un inconfort physique. » La jeune femme arrête même l’équitation à cause des douleurs que lui provoque la pression de la selle sur ses petites lèvres. C’est en se renseignant en ligne qu’elle comprend son hypertrophie. Depuis son opération, Mathilde vit une sexualité beaucoup plus épanouie avec son copain, qui ne l’avait jusque-là jamais vu nue hormis dans le noir. 

« J’ai des filles de 15 ans qui viennent avec leurs mamans »

Si cette pratique semble plébiscitée par les très jeunes femmes, les médecins affirment voir des patientes de tout âge. C’est ce que remarque le docteur chirurgien et sexologue, Sylvie Abraham, qui réalise des nymphoplasties depuis maintenant 20 ans : « J’ai des filles de 15 ans qui viennent avec leurs mamans et généralement je réponds que la croissance n’est pas terminée qu’il faut encore attendre, sauf dans le cas de malformations graves. Mais j’ai aussi des femmes qui viennent après un accouchement et qui veulent plusieurs opérations de la vulve et du vagin en même temps. Et j’ai un dernier cas de femmes plus âgées qui ont, avec le temps, des grandes lèvres qui s’atrophient et des petites qui pendent de plus en plus ». 

La praticienne remarque une hausse constante des demandes de nymphoplastie ces dernières années. En particulier durant l’été où l’on porte généralement des tenues plus courtes et des maillots de bain. Le choix d’opérer ou non se fait alors au cas par cas pour déterminer s’il s’agit d’un complexe physique ou d’un trouble mental qui ne disparaîtra pas après l’opération. « On se retrouve face à des femmes traumatisées qui éteignent la lumière au lit, refusent le sexe oral et ne se supportent plus. Ça leur plombe la vie. »

La pornographie et ses sexes où rien ne dépasse y sont pour beaucoup ainsi que la mode de l’épilation intégrale. La femme cherche de plus en plus une vulve qui ressemble à celle d’un enfant: lisse, rose où rien ne dépasse. Sara Piazza, psychologue et clinicienne a rédigé une thèse sur la nymphoplastie : « Après avoir enlevé le poil, le sexe apparaît, encore plus nu, encore plus cru et nécessite une nouvelle intervention. Il faut maintenant « enlever » de la chair. Le féminin semble entre autres se définir, comme ce qui serait « caché », « rentré à l’intérieur ». Après enquête, elle en a déduit que seulement 5% des femmes en France qui demandent une nymphoplastie ont une hypertrophie. 

« 36% des Françaises, soit 4 femmes sur 10 sont complexées par leur sexe »

En effet, ce n’est pas parce que les petites lèvres dépassent que l’on peut parler d’hypertrophie. Autrement, beaucoup de femmes auraient ce problème. Il faut que la chair extérieure fasse plus de 4 centimètres pour que la gêne soit considérée comme physique. Selon une étude, 36% des Françaises, soit 4 femmes sur 10 sont complexées par leur sexe. Des chiffres qui rejoignent de nombreux travaux de sociologues sur le fait que peu de jeunes femmes connaissent leur anatomie et la multitude de vulves différentes. En 2016, 21 femmes ont été interrogées sur leur rapport à leur sexe. Lorsque les candidates ont dû désigner le sexe idéal, elles ont toutes choisi, sans exception, celle dépourvue de poils et sans petites lèvres visibles.

Cachons ce sexe que l’on ne saurait voir semblent crier les magazines de mode et people de nos jours. Beaucoup d’articles s’amusent encore à faire des tops des pires “camel toe” de star. “Kim Kardashian aurait mieux fait de choisir un autre pantalon vu son camel toe” ou encore “Adriana Lima est tout de suite moins glamour jambes écartées et camel toe apparent” font partie de ces titres plus affreux les uns que les autres pour parler des vulves des célébrités. Ce terme issu de l’anglicisme signifie “orteil de chameau” et désigne les lèvres visibles lorsqu’une femme porte des vêtements moulants. Il est même aujourd’hui possible d’acheter des coques à mettre sous le pantalon ou la culotte pour l’éviter. Difficile d’accepter sa vulve lorsqu’on critique celles de grandes stars.

Se faire opérer pour se sentir mieux dans sa peau, c’est le but de la chirurgie esthétique et de la nymphoplastie mais seulement lorsque cette envie ne vient pas de la société mais de soi. Avoir un sexe “parfait” ne réglera pas pour autant les problèmes de sexualité comme l’a remarqué comme Sandra, pour qui la nymphoplastie n’a pas tout réglée. En plein essor depuis quelques années, ces interventions ne risquent pas de disparaître de sitôt. Que l’origine du monde ferme ses cuisses et s’épile un peu plus, il ne faudrait pas effrayer ceux qui pensent que le sexe féminin se résume à une fente et un trou. 

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