Condamnée à perpétuité, je ne sais pas si je recouvrerai un jour la liberté
Photo publiée avec la courtoisie de Shavonne Robbins.

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Condamnée à perpétuité, je ne sais pas si je recouvrerai un jour la liberté

Atteinte d'un cancer, je me dois d'aller de l'avant, même si j'ai passé une grande partie de ma vie entre quatre murs.

Cet article a été publié en collaboration avec le Marshall Project

Quand j'avais 17 ans, on m'a dit que j'allais mourir en prison.

En 1992, une condamnation pour homicide involontaire dans l'État de Pennsylvanie conduisait inévitablement à la prison à vie, sans aucune possibilité de libération conditionnelle, même pour une adolescente. J'ai aujourd'hui 41 ans et je suis l'une des sept mineures condamnées à perpétuité ayant grandi derrière les clôtures métalliques de la prison de Muncy, en Pennsylvanie.

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En 2012, la Cour Suprême a jugé que les mineurs ne pouvaient plus être condamnés à perpétuité sans avoir une possibilité de libération conditionnelle. En 2016, la même Cour a annoncé qu'il s'agissait d'une décision à effet rétroactif – décision qui pouvait toucher les 500 détenus de Pennsylvanie condamnés à la prison à vie alors qu'ils étaient encore mineurs.

Entre ces deux décisions majeures, j'ai appris que j'avais un cancer. Alors que l'espoir était de nouveau permis, je commençais à manquer de temps.

Avant ce cancer, je n'étais pas vraiment préoccupée par le fait de sortir d'ici. Ne pas trop y penser est le mieux que vous puissiez faire lorsque vous perdez votre liberté à l'âge de 16 ans. Si vous vous battez tous les jours, vous craquez. Surtout, je me sentais entièrement coupable, après avoir été impliquée dans un vol qui avait conduit à la mort d'un homme.

Un jour, il y a environ trois ans, j'ai commencé à saigner. C'était comme si mes règles ne s'arrêtaient plus.

J'ai demandé de l'aide. Ils m'ont fait une échographie. Le médecin m'a alors expliqué que j'avais dans mon utérus un fibrome de la taille d'une tête de bébé.

J'ai passé quatre jours à l'hôpital pour qu'on me fasse une hystérectomie – une ablation de l'utérus –, ce qui n'était pas si grave en soi. Le problème, c'est qu'en faisant cela, les médecins ont découvert des tissus cancéreux dans mon estomac. « Un adénocarcinome mucineux », m'ont-ils dit. Un docteur m'a expliqué qu'il devait couper une partie de mon intestin et retirer mon appendice afin de ralentir la propagation du cancer.

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Lorsque j'ai ouvert mes yeux après l'opération, il y avait deux policiers à côté de moi. Ils n'ont pas autorisé ma famille à venir me voir. D'ailleurs, ma famille n'était même pas au courant, puisque même moi je ne sais jamais à l'avance quand je vais sortir de prison pour me rendre à l'hôpital – ce que je peux comprendre. C'est la prison, après tout.

Mais qui ne voudrait pas se réveiller auprès de sa famille dans un tel moment ?

Tous les mineurs condamnés à vie doivent être à nouveau jugés au cas par cas – et nous sommes au moins 300 rien qu'à Philadelphie. Ils ont commencé par ceux qui sont enfermés depuis très longtemps. J'avais 16 ans lorsque j'ai été arrêtée et je suis enfermée depuis presque 25 ans, mais d'autres le sont depuis 30 ou 40 ans – un détenu l'est depuis plus de 60 ans.

Comme je suis malade, il est question de me faire remonter dans la liste, mais les choses traînent.

J'ai signé des documents pour que les avocats puissent accéder à mon dossier médical. J'ai rédigé plusieurs lettres, même si je ne sais pas trop pourquoi. Je sais qu'ils sont tous très occupés, mais le savoir ne chasse pas pour autant mon anxiété ou mon cancer. Dans les mauvais jours, je suis tout apathique. Dans les bons jours, je peux discuter avec mes amies en prison et leur dire : « Je suis entre les mains de Dieu – s'ils doivent me laisser sortir, ils le feront. »

Lorsque je suis retournée à la prison de Muncy à la suite de mon opération, j'avais des tas d'agrafes sur le ventre. Les autres détenues devaient m'aider pour tout et n'importe quoi, comme mettre un pantalon ou enfiler mes chaussettes.

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Les docteurs m'affirment que le traitement se passe bien, mais traiter une telle maladie en prison reste compliqué. Ils veulent que je mange plus sainement – des salades, par exemple – mais on ne peut pas avoir ces aliments par ici.

Lorsque je me rends à un rendez-vous médical, je suis menottée. Après le trajet, on m'installe à l'hôpital pour ma chimio. Je croise le regard de toutes les personnes qui sont accompagnées de leur conjoint et de leur famille. Moi, je suis là avec mes gardes.

J'aimerais que ma mère soit là. Elle vient me rendre visite tous les mois à la prison. Elle se réveille à quatre heures du matin pour prendre le bus. La plupart des matons la connaissent bien puisqu'elle vient ici depuis près de 20 ans.

Je peux voir à son visage qu'elle est épuisée. Elle travaille la nuit et doit prendre deux jours de congé pour venir me voir. Le bus coûte 35 euros, et il lui faut quatre heures pour la conduire jusqu'à la prison.

C'est pour cela que je ne lui parle pas de mes angoisses. Je ne lui demande pas de m'appeler. Je ne partage pas avec elle ma frustration, liée à cette procédure judiciaire interminable.

En fait, je préfère me concentrer sur des choses que je peux contrôler. Comme mes pieds, qui gonflent à cause du cancer.

Il n'existe pas de chaussures confortables en prison, mais l'administration est assez sympa pour me laisser en commander. J'avais vu des Nike mais un type m'a expliqué qu'elles étaient en rupture de stock. Je dois donc regarder d'autres paires et passer une nouvelle commande. Ici, tout prend six fois plus de temps qu'à l'extérieur.

Si je peux améliorer mon confort, ça me permettra de garder le moral. J'ai besoin de mes pieds pour découvrir le monde quand je serai libérée. Si un jour je sors, je n'irai pas tout de suite à la maison. Je conduirai lentement, m'arrêtant partout. Je veux faire les magasins, aller au restaurant ou chez McDonald's – peu importe, à vrai dire. J'irai m'acheter des chewing-gums. Si ma santé ne se dégrade pas, je profiterai de chaque instant.

Shavonne Robbins est actuellement incarcérée dans la prison de Muncy, en Pennsylvanie. Elle a été condamnée à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle pour sa participation à un braquage ayant abouti à la mort d'un homme en 1992. 

Lisa Riordan Seville est une journaliste indépendante.