C’est l’histoire d’un mec doué dans tout ce qu’il fait. Il y a trois ans, Andy Randriamiarisoa décide de quitter son job d’ingénieur chez GDF-Suez pour représenter Madagascar, son pays d’origine, en tant qu’athlète. Cet ancien nageur aurait pu choisir de prendre le chemin des piscines pour porter les couleurs malgaches, mais il n’est pas homme à rester dans sa zone de confort. La preuve ? Andy a tout simplement choisi de se mettre au ski, et plus particulièrement au slalom géant, pour participer aux JO d’hiver de 2018 à Pyeongchang, en Corée du Sud. D’autant plus ambitieux qu’il a découvert la discipline il y a quelques mois seulement et qu’il vit à Dijon, pas vraiment le camp de base idéal pour répéter ses gammes. Entretien sans faute de quart avec le probable seul représentant malgache aux prochains JO.
VICE Sports : Vous êtes né à Dijon. Ce n’est pas la ville qui a produit le plus de skieurs de haut niveau…
Andy Randriamiarisoa : C’est sûr, d’ailleurs, le ski, pour moi, ce n’était vraiment pas une préoccupation. J’avais fait une classe de neige à 8 ou 9 ans. Mais comme j’étais grippé, j’avais dû voir la neige la moitié du séjour… Je pratiquais plutôt le foot, le tennis, le karaté, le trampoline. Et alors que j’étais en classe de 3e, je me suis orienté vers la natation, dans un club qui s’appelle l’Alliance Dijon Natation (ADN). J’ai vite progressé, j’ai participé à des compétitions régionales et interrégionales, mais à un moment, j’ai été freiné par ma taille : je mesure 1,70 m, alors que les autres nageurs atteignaient pour la plupart 1,90 m. Pour moi, cela devenait compliqué de rivaliser. J’ai donc continué à nager, mais de manière moins soutenue. En plus, je faisais des études.
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Lesquelles ?
J’ai eu un bac S, j’ai fait la prépa math sup et math spé, avant d’intégrer une école d’ingénieur à Bordeaux. Là-bas, je continuais à nager dans un club où il y avait un Malgache qui entraînait… Et avec quelques étudiants, nous avions organisé des week-ends de ski dans les Alpes. En 2007, je suis sorti avec un diplôme d’Ingénieur télécom et j’ai intégré GDF-Suez en tant qu’informaticien. Le ski, je ne l’ai redécouvert qu’en 2012. Certains de mes collègues de boulot le pratiquaient à un bon niveau. Via le comité d’entreprise de la boîte, on a pu se rendre dans des stations des Alpes. Et là, j’ai découvert le ski grâce à de vrais passionnés. Cela m’a vite plu. C’était aussi à une période où je commençais à me poser des questions au niveau professionnel.
Vous commenciez à vous ennuyer dans votre job ?
Non. Entre 2012 et 2014, j’étais chef d’une équipe, le salaire était bon, je bossais dans une grosse boîte, mais j’avais un peu peur de pantoufler. Et je suis quelqu’un qui a besoin de challenges, de compétition. C’est ma nature. Je me suis alors vraiment mis au ski. C’était l’occasion de progresser et de prendre l’air, de m’éloigner de la pollution de Paris. J’ai alors décidé de faire une pause sur le plan professionnel. Je voulais prendre une année sabbatique. Faire le tour du monde, comme le font beaucoup de cadres, ou aller six mois vivre à la montagne, bosser en tant que saisonnier ? Bof… J’ai alors décidé de suivre une autre voie : m’entraîner pour progresser et tenter de me qualifier pour les JO d’hiver en 2018. Je regardais le slalom de clôture des jeux de Sotchi, et j’ai vu qu’il n’y avait qu’un Africain – un Zimbabwéen – à participer. J’ai donc passé une matinée à regarder comment il fallait faire pour essayer d’aller en Corée du Sud en 2018. J’ai négocié une rupture conventionnelle avec mon employeur, ce qui m’a permis de toucher le chômage pendant deux ans.
Vous avez tout de suite révélé votre projet à la fédération malgache ?
J’ai attendu un an. La première saison, je me suis installé aux Deux-Alpes. L’idée, c’était de progresser, de découvrir vraiment la montagne. J’ai intégré un groupe pour m’entraîner, quatre à cinq jours par semaine, trois à quatre heures par jour, avec en plus de la préparation physique adaptée au ski. Du renforcement musculaire, du gainage, du cardio. J’ai contacté la fédération malgache, qui était en sommeil depuis les JO d’hiver de Turin en 2006, puisqu’un skieur (Mathieu Razanakolona, ndlr), y avait participé. Son frère, Philippe, est le président de la fédération. Il m’a délivré une licence de la Fédération Internationale de Ski (FIS), me permettant de participer aux compétitions qu’elle organise.
Vous souvenez-vous de votre première course ?
Oh oui. C’était à Saint-Léger, dans les Hautes-Alpes. Et ça s’est mal passé. J’ai découvert ce qu’était vraiment le niveau international. Il y avait deux courses, j’ai chuté deux fois. La piste était une vraie patinoire. La neige était gelée et je n’étais pas préparé à ça. J’avoue que ça m’a fait drôle, mais j’ai appris grâce à cette expérience à mieux aborder certaines choses : la contrainte physique de ce genre de course, la technique, l’engagement, la préparation des skis, etc… D’ailleurs, la suite s’est globalement bien passée. Je suis encore dans les temps pour me qualifier pour les JO. A la fin des qualifications, il faut que la note globale, qui tient compte des résultats enregistrés en slalom et en slalom géant, soit inférieure à 140 points. En gros, plus la note est faible, meilleur est le résultat. Je suis parti de 300 points. Là, je suis à 200. Il y aura encore une trentaine de courses d’ici janvier 2018. C’est atteignable. Pas gagné, mais atteignable.
La saison s’est achevée le 12 avril. Un peu de glande en perspective ?
Oui, en mai avant la reprise de la saison d’été, mi-juin, je vais m’accorder une semaine de coupure totale. Ce sera canapé à Dijon ou plage. Bon, c’est parti pour être canapé à Dijon. Et ensuite, je vais partir sur les glaciers en Amérique du Sud. La progression technique se fait l’été. J’aurai aussi une coupure en septembre. Et je dois aller quelques jours à Madagascar, pour rencontrer les autorités.
Il paraît que l’Etat malgache ne vous donne pas une thune ?
Pour l’instant, il n’y a pas d’aide financière de l’Etat malgache. On va essayer d’obtenir quelque chose du Comité Olympique local. Mais il y a de la paperasse à remplir, car l’octroi de subventions dépend d’un bureau qui gère les fédérations sportives du pays. Et on peut aussi prétendre à une aide de la FIS. Pour l’instant, je me débrouille comme je peux. A l’automne dernier, j’ai bossé deux mois chez mon ancien employeur. J’ai des amis qui m’aident sur la partie sportive. J’ai dépensé la quasi-totalité de mes économies, mais comme c’est pour une passion, c’est pas grave. Je n’ai pas l’impression de perdre quoi que ce soit.
Et dans un an, que ferez-vous ? Vous aurez peut-être atteint votre objectif, mais comme vous semblez être du genre hyperactif…
(Rires) Pas hyperactif. Actif, tout simplement. J’ai besoin de défis, de challenges. L’année prochaine, c’est loin. Peut-être que je déciderai de continuer à skier pour mon plaisir et d’essayer de devenir moniteur. Ou alors m’orienter vers un de mes passions, la musique. J’ai fait plusieurs années de conservatoire. Du piano. Je n’ai pas joué depuis longtemps, mais il paraît que ça ne se perd pas. Ou d’aller travailler à l’étranger. Ou de revenir à Paris. On verra. Là, c’est le grand vide…