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histoire

Les anciens du Red Star ressuscitent leur Étoile Rouge

Parole aux anciens qui ont porté le maillot Vert et Blanc dans les années 1960, 1970 et 1980.
Photo de l'équipe du Red Star lors de la saison 1981–1982 en division 3

VICE et le Red Star se sont associés pour vous faire vivre de l’intérieur la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen. Nous serons présents sur les terrains et dans les vestiaires, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, parole aux anciens.


Ils sont des passagers furtifs ou des membres historiques de l’institution Red Star. Des joueurs, venus d’horizons multiples, qui ont porté les couleurs du club audonien. Plusieurs anciens (années 1960–1970–1980) ont accepté de partager les souvenirs de leurs aventures. Des épisodes qui les ont marqués et continuent à tisser, depuis des années, la particularité des Vert et Blanc. « Amis », « discipline », « respect »… Ils ressuscitent leur Étoile rouge.

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Le surnom

Depuis le soleil de Guyane, où le mercure tutoie les 30 degrés, Jean-Gilles Assard se souvient : deux belles saisons (de 1981 à 1983) à porter les couleurs du Red Star, couronnées d’une montée en division 2. Plusieurs moments lui restent en mémoire : la manière dont il a été reçu à Saint-Ouen, la confiance de Georges Eo, l'entraîneur de l'époque… Et son surnom, surtout. Il raconte : « Au Red Star, beaucoup de supporters m’appelaient par mon surnom, “Jaja”. Ça venait du Brésilien Jairzinho qui avait signé à l’OM. On avait la même gouffa afro ! C’est drôle parce que beaucoup ne savaient pas que je m’appelais Jean-Gilles Assard quand je suis parti. Pourtant, le doublette Assard-Massard [Christian Massard, l’autre attaquant, ndlr] devant, ça sonnait bien… »

L'arbitrage

L’homme en jaune (ou en noir) est aujourd’hui au cœur de tous les débats. C’était déjà le cas il y a plus de 50 ans. Marcel Dantheny, portier du Red Star de 1963 à 1967, se rappelle du retour du club dans l’élite en 1965 : « C’était la folie à Saint-Ouen, on avait des grands joueurs et c'est ce qu'il faut quand on joue à Paris, ou en Île-de-France. Si vous n’avez pas une très très bonne équipe, les arbitres ne vous avantagent pas comme en province. À Paris, ils étaient notés, des gars de la Fédé étaient là et ils devaient être impartiaux. En province, les arbitres de touche étaient du coin et avaient souvent le bras droit paralysé si tu vois ce que je veux dire… »

Marcel Dantheny pendant un Red Star-Montpellier lors de la saison 1964–1965. Photo DR

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La défense en ligne

Un an plus tard, en 1966, les Audoniens redescendent en Division 2. Une « connerie » pour Dantheny, après un bon début de saison. La faute à une défense en ligne un peu trop audacieuse… « On jouait le hors-jeu mais ça ne marchait pas, le jeu n’était pas aussi évolué pour que cette tactique fonctionne. On prenait but sur but. L’entraîneur voulait un "football de progrès", on appelait ça comme ça. On jouait bien au foot, on s’amusait mais on perdait toujours. Entre le gardien et le dernier défenseur vous aviez 40 mètres. C’était une idiotie, on n’avait pas l’équipe pour descendre. »

La diva Combin

Parmi les grands noms qu’ont côtoyés ces anciens du Red Star, il en est un qui ressort un peu plus souvent : Nestor Combin. L’ancien milieu de terrain Jean-Jacques Amorfini (1973–1978, puis 1981 à 1985), désormais vice-président de l’UNFP, se rappelle de ses débuts dans le groupe pro avec « La Foudre », le surnom donné à l’attaquant d’origine argentine : « Nestor s’est retrouvé avec nous, la réserve, pendant trois ou quatre matchs. C’était un grand seigneur, une diva. Si je le compare avec ceux d’aujourd’hui, c’est un peu comme un Neymar ou un Ibrahimovic. » En atteste un déplacement à Toulon où l’international français inscrit un triplé au stade de Bon Rencontre avant de traverser la ville en rockstar. « Il avait un magasin là-bas et voulait y organiser un cocktail après le match. Les joueurs vont vers le bus et moi il me dit : “On va y aller à pied”. Sur le chemin, j'avais l'impression que j’étais avec un président de la République. »

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Les supporters

Guy Garrigues lors d’une rencontre Toulon-Red Star en 1973–1974. Photo DR

Ailier puis défenseur dans les années 1970, Guy Garrigues a surtout été capitaine du Red Star. Deuxième joueur le plus capé de l’histoire du club (251 matchs en huit ans), celui qui vient « d’un petit patelin de l’Aveyron » n’oubliera jamais cette relation avec les supporters de l’Étoile Rouge. « Au stade, il n’y avait pas d’entrée réservée aux joueurs. On garait nos voitures au milieu de celles des fans car eux ne se garaient pas au stade. On prenait le temps de discuter et puis si ça c’était mal passé ils nous le faisaient savoir. Mais jamais un mot plus haut que l’autre ! Pourtant c’était difficile de jouer à Bauer, avec beaucoup de supporters adverses quand on jouait contre des clubs bretons ou Marseille. Mais on avait un noyau fidèle. » Quelques années plus tard, c’est Claude Chazottes (1976–1982) qui prendra le brassard de capitaine. International olympique lors des Jeux de Montréal en 1976, avec un certain Michel Platini, lui aussi retisse le fil : « À l’époque les femmes et les joueurs se rendaient à la buvette quand le match était fini. On restait une heure avec les supporters à boire des coups, c’était une vraie famille. »

Les deps à l'arrache

L’organisation des déplacements pour les rencontres à l’extérieur était sans commune mesure avec les mécaniques rodées des clubs professionnels d'aujourd'hui. « C’était le folklore, résume parfaitement Marcel Dantheny. On était allés jouer à Marseille un dimanche. Le samedi soir on prenait un train de nuit, avec des couchettes six places. Une fois on est allés à Saint-Étienne en squattant le wagon-bar car il n’y avait plus de places assises ! » Gérard Laurent (1978–1983) se souvient surtout d'une blague : « C’était à Nantes, on avait gagné 1–0 et pendant le trajet retour on avait piqué le vélo d’un chef de gare. Les flics l’avaient récupéré à Angers je crois. »

Un foot encore amateur

Lorsqu’on lui demande quels joueurs l’ont marqué en tant que joueur (1975–1978) puis entraîneur-joueur (1980–1985) du Red Star, Georges Eo marque un temps d’arrêt. Difficile de faire un choix : le capitaine Amorfini, Séguy le milieu de terrain ou Massard l’avant-centre… Avant d’expliquer : « Ces mecs-là, c’étaient des ouvriers, ils faisaient les 3 x 8 et filaient ensuite à l’entraînement. Je ne pouvais qu’avoir du respect pour eux. C’était vraiment des amateurs. Les mecs étaient au taf et à 18h30 ils quittaient tout juste le boulot pour être à 19 heures à l’entraînement. »

Le sauvetage du club

23 mai 1978. Le club dépose le bilan. Une mésaventure qui marque tous les Audoniens et engendre de nombreux départs de joueurs. Mais grâce à quelques irréductibles, l’AS Red Star repart sur les rails quelques mois plus tard en division d’honneur. « Jean-Claude Bras [président du club de 1978 à 2001, ndlr] a rencontré un supporter qui avait plus de 80 ans, Monsieur Ricard, qui lui a dit “ne laisse pas tomber le club, fais quelque chose”, se rappelle Gérard Laurent. Il a décidé de devenir président et m’a demandé de venir. On est devenus président-joueur et secrétaire-joueur. J’avais 25 ans, le jour j’étais dans un bureau à faire signer les 450 licenciés et le soir je m’entraînais. Ma femme a passé trois semaines avec moi pour faire redémarrer le club. On repartait de zéro, juste avec les jeunes. Puis en quatre ans on est passé de la DH à la D2. Chaque année, on faisait revenir des anciens. » Claude Chazottes faisait aussi partie de la mission : « J’ai eu la chance dans ma petite carrière d’avoir quelques événements extraordinaires comme les Jeux Olympiques mais sur le plan humain, c’était une aventure sans pareille. »

Un grand merci à Gilles Saillant pour les photos.