Cet article a été initialement publié sur VICE Pays-Bas.
On sait tous que la vie des autres n’est pas aussi géniale qu’elle semble l’être sur les réseaux sociaux. Pourtant, il peut être difficile de s’en souvenir quand on fait défiler les Stories sur Instagram. On voit les gens s’amuser et, de fait, on se sent seul et isolé.
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En particulier dans les villes – là où la majorité de la population vit aujourd’hui –, ce sentiment de solitude peut être aggravé par le fait que nous sommes entourés de millions de personnes qui semblent passer du bon temps pendant que nous, nous sommes seuls à la maison, avachis devant Netflix.
Les recherches montrent que la solitude est un problème de santé mentale plus nocif pour la santé publique que le tabagisme et l’obésité. Le gouvernement britannique a récemment nommé un ministre de la solitude pour aider à résoudre ce problème qui touche environ 9 millions de Britanniques, jeunes et moins jeunes. Sortir d’un cycle de solitude peut être difficile, car moins vous avez d’interactions avec les gens, plus vous avez le sentiment d’être la seule personne au monde à se sentir seule. Beaucoup de campagnes politiques militent en faveur d’un débat plus ouvert sur la question de la solitude.
VICE s’est entretenu avec cinq étudiants internationaux qui ont quitté leurs amis et leur famille pour venir s’installer à Amsterdam et commencer ce qu’ils espéraient être un chapitre palpitant de leur vie. Au lieu de cela, ils ont eu beaucoup plus de mal à créer des liens que prévu, et la solitude affecte tous les aspects de leur vie.
Nguyen, 24 ans, originaire du Vietnam, étudiante en technologies linguistiques
« J’ai peut-être regardé trop de films américains quand j’étais plus jeune, mais j’attendais beaucoup de la vie universitaire. Malheureusement, la réalité n’est pas aussi excitante que je l’avais espéré. Quand je ne travaille pas, je regarde des dessins animés – j’ai commencé à regarder des dessins animés depuis que je me suis installée ici. Je passe tellement de temps seule. J’ai même passé mon anniversaire à regarder des dessins animés toute la journée.
« Mon premier mois à Amsterdam n’était pas si terrible que ça, j’étais occupée, tout était nouveau et excitant – mais les choses ont vite changé : j’ai raté beaucoup de mes examens initiaux parce que je n’étais pas habituée au système. En plus de tout cela, j’essayais de me faire une nouvelle vie dans une nouvelle ville, sans personne à qui me confier lorsque je me sentais stressée et seule. C’était vraiment la pire période de ma vie – je m’enfermais dans ma chambre pour pleurer et je me disais que si je mourais ici, personne ne le saurait. C’est horrible.
« Je pense que je me sens mal à Amsterdam parce que je suis constamment entourée de gens qui s’amusent dans cette ville si immense et vibrante. Quand j’entends des gens parler des fêtes auxquelles ils vont aller, je me demande pourquoi ma vie ici n’est pas aussi excitante que la leur. »
Irina, 23 ans, originaire de Russie, étudiante en histoire européenne
« J’ai déménagé à Amsterdam pour être avec mon copain, même si je ne connaissais personne d’autre et que je n’avais pas de boulot. Pendant les premiers mois, mon petit ami partait travailler pendant que moi je restais à la maison sans rien faire. Je n’essayais pas de parler avec qui que ce soit parce que j’avais peur que mon anglais ne soit pas assez bon et que je finisse par me foutre la honte.
« J’ai vite commencé à me sentir perdue. J’ai essayé de m’occuper en faisant du baby-sitting pour une famille russe, mais c’était un cauchemar – le gosse était incontrôlable. Je devais me faire des amis. J’ai donc postulé à l’université et j’ai été acceptée. Mais même là, j’avais du mal à parler aux gens. Et bien sûr, ça n’a fait qu’empirer quand mon copain a rompu avec moi. Même après quelques mois, j’étais dévastée, je pouvais à peine manger ou sortir de mon appartement. C’était une période effrayante.
« Dans cette ville, la plupart des gens font ce qui leur plaît. Si vous ne vous intégrez pas à un groupe en particulier, vous finissez par vous retrouver seul, et il est évidemment beaucoup plus facile de se faire des amis si vous parlez néerlandais, ce qui n’est pas mon cas.
« Je pense que c’est important d’en parler ouvertement car il y a beaucoup de personnes isolées dans les grandes villes qui pensent être les seules à l’être. Ça peut peut-être les motiver à se bouger. »
Mario*, 27 ans, originaire d’Italie, employé dans un cabinet d’architecture
« Tous mes amis en Italie sont jaloux de ma nouvelle vie à Amsterdam. Ils s’imaginent que tout est génial parce que j’ai un bon travail, que je parle bien l’anglais et que je vis dans une grande ville. Ça semble incroyable de l’extérieur, mais ce n’est pas vraiment le cas.
« La plupart des gens attendent le week-end avec impatience. Moi, c’est tout le contraire, j’attends le lundi avec impatience pour pouvoir discuter avec mes collègues. Je me sens mal le vendredi parce que je me dis que je vais encore passer le week-end seul. Quand je m’aventure dehors, c’est presque toujours pour la forme – je vais dans un bar, je prends un café, puis je rentre à la maison et je me sens seule. C’est la même chose tous les week-ends.
« Les humains sont des animaux sociaux qui ont besoin des autres pour survivre. Je suis un peu comme cet animal – je ne sais plus comment il s’appelle, mais il ressemble à un mouton – qui est capable de mourir de solitude. Je sais bien que je ne vais pas littéralement mourir de solitude, mais la vie n’a pas beaucoup de sens quand on se sent seul. »
Maria*, 31 ans, originaire d’Inde, maître de conférences
« Ce n’est pas la première fois que je vis à l’étranger – j’ai étudié à Leicester pendant six ans, mais ici, c’est comme être plongé dans un monde complètement différent. Je ne connaissais personne en arrivant, et je ne savais pas grand-chose de la culture hollandaise. C’était plus facile de faire des rencontres quand j’étais étudiante en Angleterre et qu’on avait tout le temps qu’on voulait pour faire des rencontres – là, tous mes collègues ont une famille.
« La plupart du temps, j’ai juste envie d’être au boulot pour voir des gens. J’avais hâte que les vacances de Noël finissent, je ne savais pas quoi faire. J’étais enfermée dans mon appartement, mon colocataire était rentré en Espagne, si bien que j’étais toute seule.
« La solitude me donne le sentiment d’être inutile, comme si je ne pouvais rien accomplir, comme si je ne faisais pas partie de la société. J’ai le sentiment d’être la seule à être isolée. Je sais que ce n’est pas le cas, mais c’est le sentiment que j’ai. »
Ioana, 20 ans, originaire de Roumanie, stagiaire dans la mode
« J’ai commencé à me sentir seule dès mon arrivée à Amsterdam. Je suis venue pour travailler en tant que stagiaire dans une entreprise de mode. Quand vous vous trouvez dans une nouvelle grande ville sans amis, ça peut être vraiment difficile… C’est sympa de parler à mes amis sur Skype, mais quand l’appel se termine, ils retournent à leurs occupations, alors que moi, je suis coincée dans ce cercle vicieux.
« Chaque jour de la semaine est le même : je travaille de 9 heures à 17 heures, puis je rentre chez moi pour regarder la télé. Je vais parfois à l’épicerie, mais sans amis je n’ai pas vraiment d’autres options de sorties. Je me sens anxieuse et impuissante, c’est un cercle vicieux – je me sens faible parce que je ne fais rien, et parce que je ne fais rien, je me sens faible – mes amis sont loin et ils ont leurs propres trucs à faire. Ils ne savent pas vraiment que je suis aussi seule dans cette ville.
« Le pire moment de solitude est dans les transports. Je regarde les gens avec leurs familles et leurs amis et j’aimerais être comme eux. Avoir quelque chose à faire, quelqu’un à voir. Leur bonheur renforce encore plus mon sentiment de solitude. »
*Ces noms ont été changés afin de préserver l’anonymat des intervenants.