Le 27 octobre 1961, Betty Gail Brown, une jeune femme de 19 ans originaire du Kentucky, a été retrouvée morte dans sa voiture, étranglée par son propre soutien-gorge. Ce mystérieux meurtre est devenu le cas le plus célèbre du Kentucky.
Brown était tout ce qu’il y a de plus normal. Elle vivait à Lexington avec son père assureur Hargus Brown et sa mère au foyer Quincy Stanton Brown (la soeur de l’acteur récemment décédé Harry Dean Stanton). Elle étudiait à l’université Transylvania et était populaire sur le campus, décrite comme sympathique et attirante par ses amis. Elle n’avait aucun ennemi connu, ce qui a rendu son meurtre d’autant plus choquant.
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En 1965, un vagabond alcoolique nommé Alex Arnold a déclaré avoir commis le crime. Il a fait ses aveux alors qu’il était placé en garde à vue dans l’Oregon pour état d’ébriété sur la voie publique. Il était alors en plein sevrage et présentait des tendances suicidaires. Arnold a fini par se rétracter. Il a finalement été libéré en raison d’un vice de procédure.
Depuis, l’avocat d’Arnold, Robert G. Lawson, s’est passionné pour l’affaire. Il s’est servi de tous les dossiers et les notes qu’il a accumulés pendant des années pour écrire Who Killed Betty Gail Brown ? : Murder, Mistrial, and Mystery, paru le 24 novembre dernier aux éditions University Press of Kentucky. Le livre explore les conséquences du meurtre non résolu, soulignant la nécessité d’un examen plus approfondi des aveux obtenus par les forces de l’ordre.
J’ai discuté avec Lawson, avocat commis d’office d’Arnold et désormais professeur émérite à l’University of Kentucky College of Law, afin de savoir si l’affaire allait être, selon lui, un jour résolue.
VICE : Pourquoi avez-vous décidé d’écrire un livre sur le cas le plus célèbre du Kentucky ?
Robert G. Lawson : Cela faisait plus de 50 ans que je voulais écrire un livre sur cet événement. J’ai défendu le seul homme jamais poursuivi pour ce crime. J’ai été informé sur les faits en 1965 et suis devenu professeur de droit peu de temps après ce procès. Depuis que j’ai pris ma retraite il y a deux ans et demi, j’ai consacré tout mon temps à l’écriture de ce livre.
Quelle a été l’impact de cette affaire en 1961 ?
Elle a captivé toute la ville de Lexington, tout l’État du Kentucky. À l’époque, il n’y avait pas la télévision, pas d’Internet, donc tout se passait dans le journal. L’affaire a beaucoup fait parler à cause de la nature de l’homicide. La victime était une jolie jeune fille de 19 ans qui étudiait ici, à Lexington. Le soir du meurtre, elle est restée sur le campus pour réviser jusqu’à environ minuit, puis elle est partie et n’a jamais été vue en vie après cela. Elle a été retrouvée sur le campus, dans sa voiture, un peu après trois heures du matin. Elle avait été étranglée à mort avec son propre soutien-gorge.
Qu’est-ce qui a rendu le meurtre aussi digne d’intérêt ?
Je pense que c’était dû au caractère unique de la victime – elle n’avait rien de la victime typique d’homicide – et aux circonstances dans lesquelles elle a été assassinée. C’est ce qui a suscité l’attention pendant des semaines après l’homicide – et qui l’a ressuscitée par la suite. Les policiers ont enquêté sans relâche sur l’affaire pendant un an et deux mois, puis il y a eu une sorte d’accalmie. Ils n’avaient plus vraiment d’indices à suivre. Pendant deux ans, il n’y a pas eu grand-chose, et en 1965, Arnold a livré l’aveu qui est devenu le noyau de l’affaire. L’affaire est ressortie en 1965 et a fait l’objet de la même couverture médiatique jusqu’à la fin du procès.
C’était comment, d’être l’avocat commis d’office d’Arnold ?
C’était très intéressant parce que j’étais un très jeune avocat. J’ai travaillé sur cette affaire avec un avocat beaucoup plus âgé. J’avais 27 ans et le suspect, Arnold, en avait 33. Cet autre avocat avait la soixantaine et, à cause de cette différence d’âge, je pense qu’Arnold s’identifiait un peu plus à moi. J’ai passé beaucoup de temps avec lui pendant qu’il était en prison. J’ai fait un gros travail d’investigation. C’était vraiment intéressant et fascinant pour moi, en tant que jeune avocat, de vivre cette expérience.
Pourquoi l’affaire a-t-elle fait l’objet d’un non-lieu ?
Quatre ans ont passé entre le meurtre et les aveux. Sept des douze jurés se sont prononcés en faveur d’un acquittement et cinq d’entre eux ont voté en faveur d’une condamnation. Il a été démontré que le soir du meurtre, Arnold se trouvait à Lexington, près des lieux du crime, mais il n’y avait pas vraiment d’autre preuve.
Pourquoi avez-vous choisi d’écrire l’histoire du point de vue de la police ?
Il n’y avait pas de transcription, car à l’époque, ils ne faisaient aucuns enregistrements. Les sténographes judiciaires recueillaient tous les témoignages mais ne les convertissaient jamais en documents lisibles à moins qu’une procédure d’appel soit entamée. Et comme il n’y a jamais eu d’appel dans cette affaire, il n’y a jamais eu de transcription du procès. J’ai donc tout reconstitué à partir de mes propres souvenirs et des dossiers de la police.
J’ai passé environ deux ans et demi à écrire ce livre. J’avais conservé beaucoup de documents depuis le procès. J’ai obtenu tous les dossiers de police qui avaient été accumulés au cours des années d’enquête – près de 400 pages – ainsi que tous les dossiers judiciaires générés par le procès. J’ai aussi lu des centaines d’articles de presse parus sur l’affaire. Et, bien sûr, je me suis largement appuyé sur mes propres souvenirs des événements et du procès.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris lorsque vous avez écrit le livre ?
Étant donné que j’ai pris part à la moitié des événements historiques couverts par le livre – à savoir l’enquête et la défense de la seule personne jamais jugée pour ce crime – j’ai obtenu la plus grande partie du contenu à peu près au moment où c’est arrivé. Mes récentes recherches ont ravivé certains de mes souvenirs, mais ne m’ont pas vraiment apporté de nouvelles informations sur le meurtre et le procès. Ma surprise a été de voir que l’histoire suscitait toujours autant d’intérêt plus de 50 ans après.
Que voulez-vous que les gens retiennent de ce livre ?
Il est à espérer qu’après avoir lu le livre, les lecteurs comprendront mieux la nécessité de faire preuve de prudence en jugeant la culpabilité d’une personne qui a confessé un crime important.
Pensez-vous que ce meurtre sera un jour résolu ?
Je ne pense pas. L’enquête a été plus approfondie que pour n’importe quel autre meurtre jamais commis à Lexington. L’enquête a commencé avec pas moins de 25 détectives et policiers qui travaillaient jour et nuit pour trouver des preuves. Cela a duré deux ou trois ans, mais ils n’ont jamais trouvé de solution. L’enquête a été rouverte quand l’homme que j’ai aidé a avoué, et elle a terminé comme elle avait commencé – sans aucun indice sur le motif de l’assassinat ou l’identité du tueur. Le meurtre a eu lieu il y a 56 ans maintenant, et l’affaire est toujours dissimulée dans l’obscurité. Je ne pense pas que cela va changer dans les années à venir.
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