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Thomas Fabius et ses problèmes de jeu, une timeline

3 millions d'euros par ci, 13 millions d'euros par là : le fils du ministre aime beaucoup trop les casinos.

Thomas Fabius et un pote. Image via.

Thomas Fabius est né il y a presque 33 ans. Sur Wikipédia, il est catégorisé en tant qu'« homme d'affaires français ». Sa biographie indique que, comme vous le savez sans doute, son géniteur s'appelle Laurent Fabius, « homme d'État et homme politique français » selon le même site, par ailleurs actuellement ministre des Affaires étrangères et autrefois premier ministre de Mitterrand. C'est pourquoi, quand j'ai lu un peu partout que ledit Thomas avait laissé une ardoise de quelque trois millions et demi de dollars sur les tables à roulettes de Vegas, j'ai tenté d'imaginer le long frisson qui a dû parcourir son système nerveux.

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De fait, ce sale coup lui a valu un mandat d'arrêt US couvrant tout le territoire continental sur la gueule. L'info est sortie la semaine dernière sur Le Point et a été relayée et enrichie par presque toute la presse française, britannique et américaine. Le côté positif, c'est que cette semaine entre le scandale « Air Cocaïne » et le fils Fabius, la France a gagné du terrain sur le champ de la visibilité médiatique internationale. Le côté négatif, c'est que je m'apprête ici à revenir sur toutes les affaires liées au jeu dans lesquelles fut impliqué Thomas Fabius.

En bon fanatique du jeu, Fabius junior n'a pas effectué son hadji vers la ville sainte des casinos sans expérience. La révélation est plus ancienne et les emmerdes semblaient en effet avoir commencé dès 2009 où il est soupçonné par deux anciens entrepreneurs associés d'avoir détourné 90 000 euros de leur projet visant à développer un moyen de paiement par cartes à puce en Afrique. Cela déjà afin de rembourser des dettes de jeu. Le procès a abouti en juin 2011 et au terme d'une procédure de plaider-coupable, il est condamné à 15 000 euros d'amende pour « abus de confiance ». À l'époque Paris-Match relevait que cet épisode coïncidait avec le « virement de trois sommes disparus depuis au Casino Barrière de la ville de Montreux ». Une bucolique petite ville suisse posée aux pieds des montagnes, sur le bord du Lac Léman.

Image via.

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Probablement soulagé par sa condamnation et heureux d'ouvrir une nouvelle feuille vierge de son existence malgré son interdiction de casino sur le territoire français, Thomas est chaud. C'est au Maroc qu'il s'en va quérir de nouvelles émotions fortes et accessoirement, se foutre royalement de leur gueule. Selon des éléments de l'enquête conduite par la cellule française de lutte contre le blanchiment d'argent Tracfin, il s'en serrait allé en fourguant une fausse montre de luxe en gage. L'enquête ouverte en 2013 est révélée par Le Point, car la justice se demande comment Thomas, qui ne paie pas l'impôt sur la fortune, a bien pu s'offrir un appartement de 7 millions d'euros en plein Paris.

C'est là qu'on apprend aussi que ce parieur fou réussit quelques beaux coups. Et c'est dans les casinos de Londres qui les a gagnés, à la loyale, à coup de montagnes de jetons suivant les stratégies d'Alembert et de la Martingale et le système Fibonacci. Thomas empoche ainsi entre avril 2011 et 2012 plus de 13 millions d'euros de gains pour 5 millions de pertes et croit en sa bonne étoile. Celle-là même qu'il contemple au travers des bulles de son champagne sorti du frigo de son 280 mètres carrés fraîchement acquis.

Ce sur quoi l'on tombe lorsqu'on cherche « Thomas Fabius » sur Google. Image via Google.

L'année 2012 est donc si fantastique que son propre père retourne au gouvernement. Sa déclaration de patrimoine, rendue obligatoire pour les ministres et députés en 2013 fait de « Lolo », son sobriquet dans feu les Guignols de l'info, l'homme le mieux doté du gouvernement – et du coup, peut-être aussi le plus en règle avec le fisc.

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Remonté à bloc, confiant, Thomas a la foi et s'embarque en mai 2012 pour une virée de folie à Las Vegas. Selon les faits détaillés dans la plainte américaine et que Le Monde a pu consulter, Thomas va d'abord tenter sa chance au Palazzo, sur le Strip, qui concentre les plus luxueux hôtels et salles de jeux de la ville. Il dégaine son chéquier italien de la Banca Monte dei Paschi di Siena et dépose plus 1,6 million de dollars en trois fois. Pas trop inquiet de ce premier coup de malchance, junior pousse la porte voisine de l'Aria et se soulage sur ce maudit tapis d'un nouveau million de dollars en provenance de la Société Générale. Passé minuit, c'est au Cosmopolitan qu'il perd 900 000 euros. Fauché et déçu, vidé émotionnellement et peut-être avec une gueule de bois mémorable, il rentre alors à Paris.

C'est un an plus tard que la sinistre odeur de merde laissée quelque part dans le Nevada se fait sentir. Le 12 avril 2013, peu enclin à blaguer avec la législation sur les jeux, le procureur du Comté de Clark – dont dépend la ville de Las Vegas – engage la poursuite judiciaire qui va déboucher sur ce mandat d'arrêt. Sombre année 2013. C'est aussi cette année-là que la justice monégasque se rappelle à son bon souvenir. 700 000 euros perdus un soir de juin 2011, une broutille pour Thomas. Sauf qu'en 2013, la dette atteignait 2 millions d'euros et que l'instruction a été confiée à la justice française. « L'affaire » a même été évoquée au plus au lieu de l'État monégasque lors d'une réunion trimestrielle entre les dirigeants de la SBM (Société des Bains de Mer propriétaire des casinos), des représentants de l'État et du Conseil National.

Mais l'histoire, dont les contours demeurent obscurs, semble s'être tassée. Car, après avoir déposé 650 000 euros et indiqué aux gérants du casino « ne plus vouloir jouer », Thomas cède finalement à la tentation et explose son plafond de perte, pourtant situé à 1 million d'euros. Les juges instructeurs Le Loire et Cros demandent à la justice monégasque d'auditionner le directeur des jeux présent lors de cette soirée. Le célèbre hebdomadaire de droite Valeurs Actuelles s'est procuré le procès-verbal de cette réunion tenue le 15 octobre 2013 et apprend que les 700 000 euros ont été remboursés pour « incident de jeu » et que des sanctions ont été prises contre ceux qui avaient eu la négligence de laisser jouer ce pauvre fils de ministre. Une visite d'État entre la France et Monaco eut lieu quelques semaines plus tard.

Mais en fin de compte, cet itinéraire de parieur fou et d'accro aux jeux soufflant le chaud et le froid est somme toute assez banal – si ce n'est par les sommes engagées et la filiation de l'intéressé – et c'est sans doute cela qui est triste. Mais avoir un mandat d'arrêt US au cul n'est pas donné à tout le monde et Thomas, qui considère peut-être son nom de famille comme un avantage comparatif, va pouvoir jouer au mauvais garçon dans les soirées mondaines. Cela dit, avant que les flics américains ne viennent le chercher dans son appartement du 16e arrondissement, il faudrait que la justice fédérale américaine ne le demande. Ce qui, soit dit en passant, est peu probable. C'est son coup de maître et si le casino gagne toujours, Thomas lui, ne perd jamais.

Alexandre est sur Twitter.