Muso Kuso Emanuel Ricci
Toutes les photos sont d'Emanuel Ricci
Culture

Le designer belge préféré de vos rappeurs préférés vit la grande vie à LA

On a parlé lean, casquettes incrustées de diamants et de comment (bien) se saper quand on en a pas les moyens.
Matéo Vigné
Brussels, BE

En général, dans la vie, il y en a qui deviennent riches et d’autres qui meurent en essayant. Cette phrase est empruntée à 50 Cent mais Emanuel Ricci aurait aussi pu vous la sortir tranquille. En tous cas, ça s’applique parfaitement à lui. En gros, l’ancien assistant de Young Thug serait aujourd’hui considéré comme un visionnaire dans le milieu du rap US. 

VICE avait fait connaissance avec le créateur belge en 2018 quand il faisait des aller-retours pour proposer ses services à tout un gratin américain qui pesait déjà lourd dans l’estomac. Là, on a pris de ses nouvelles pour savoir si son aventure américaine avec sa marque Muso Kuso se passait comme il l’espérait et pour comprendre un peu mieux cet environnement où fame, thunes et rap sont maîtres.

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VICE : Ça fait un bail, t’en es où maintenant ?
Emanuel Ricci :
Tout va bien, j’ai déménagé à Downtown LA il y a six mois. Depuis que je suis là, je bosse sur des collaborations. C’est un peu le futur. J’ai accès à des grosses têtes qui te font percer. Je suis tout le temps avec Future, Young Thug et toute la troupe. Je commence à bosser avec Runtz – après Cookies, c’est la plus grosse marque de weed au monde. J’ai une autre collab avec 40oz Van qui est installé ici depuis longtemps, il fait des soirées, des sapes, des concepts. Il est fort sur les casquettes. On va faire la première casquette au monde avec un diamant dessus, je sais pas si tu vois. Je vais aussi sortir ma propre collection de casquettes si tout va bien.

« Je suis une inspiration en studio. Je sais comment aider les rappeurs, je sais comment ils fonctionnent. »

Pourquoi LA ?
C’est la ville où il faut être. Tout le monde vient à LA. Les gens de Miami viennent à LA, les gens de New York viennent à LA… C’est Hollywood frère. T’as tous les studios d’enregistrement, tous les producteurs, les artistes... Il y a tout ici. Et tout le monde. C’est une grosse plaque tournante.

Ça va, ça te manque pas trop Bruxelles ? 
Ici ça bouge beaucoup plus fort qu’en Europe. Il y a plein de gens en Amérique, il y a un gros pouvoir d’achat. Les gens en Amérique peuvent pas rentrer chez eux sans avoir acheté un truc, c’est la consommation à gogo. Donc si t’as un bon produit et que t’arrives à convaincre que ce que tu fais c’est lourd, tu peux péter et devenir multimilliardaire.

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Le boss, occupé

Merci pour le conseil. Qu’est-ce qui a changé pour toi depuis notre dernière conversation il y a trois ans ?
En fait, avant je faisais juste quelques pièces de vêtements. Aujourd'hui, je me suis amélioré : je produis mes propres prototypes, mes propres collections, je produis tout seul sans avoir besoin de X ou Y. Et comment tu pètes dans cette industrie ? Les contacts. Il y a trois ans, j’en avais un peu moins. Là, j’ai des mecs qui me chauffent, qui m’invitent en studio. Avec Metro Boomin par exemple, on commence à être potes – avant c’était juste une « connaissance ». Son album qui va sortir, je le connais déjà par cœur, en exclusivité, et je peux vous dire qu’il va choquer le monde. Aujourd’hui, je vais en studio, on se pose, il me présente à tout le monde en mode « Voilà c’est lui qui fait les sacs ». C’est surtout du relationnel. Il faut gamble à fond avec eux. C’est comme partout, il faut être sur place tout le temps et adopter le lifestyle. Au début, je pensais qu’en faisant des aller-retours ça allait suffire mais pas du tout. Si t’es pas là, t’es pas là ; et il y a quelqu’un d’autre qui va prendre ta place.

« Malheureusement, et je dois vraiment le dire, les mecs se sont loupés sur moi en Belgique. Les gens savaient ce que je faisais mais n’ont pas su l’exploiter. »

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C’est quoi les derniers must have niveau sapes ?
Ce qui me fait bien kiffer c’est quand je vois que Kanye West drop des vêtements avec GAP et qu’il réinvente un peu les bases du hoodie, des t-shirts – c’est des basiques mais qui sont retravaillés. J’ai bien aimé ce que Balenciaga a fait récemment avec Fortnite ou les Simpsons. C’est novateur. J’aime bien ce que Virgil a fait avec Louis Vuitton en référence à Christo. J’aime bien Gallery Dept., on a annoncé que la marque allait arrêter ses activités mais c’était lourd. La mode c’est comme une histoire, il y a des moments, des passages. Chaque marque qui est forte, elle a quelques mois, quelques années pour raconter sa propre histoire.

Sinon t’as un conseil fashion pour les gens fauchés histoire de pas lâcher trois smics à la caisse ?
Ce que je faisais quand j’avais pas les moyens, c’est que je m’achetais des vêtements basiques chez Zara ou H&M et après j’achetais des grosses pièces en friperie. Par exemple, je trouvais un cargo de style nouveau à 30 ou 40 balles et j’allais le faire matcher avec une bombers jacket qui datait de vingt ans en friperie avec une coupe oversize. Faut faire des mélanges. Aujourd’hui, tout ce qui est à la mode c’est ce qui était in il y a vingt ans. Après je m’achetais des petits patchs, je les collais sur mes vestes, je faisais du bricolage. Il y a toujours moyen de se débrouiller. Pour moi, c’est interdit de dire « J’ai pas d’argent, je peux pas m’habiller ».

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Ça perce

Sinon, à ce qu’il paraît tu développes le côté musical là.
Une chose qu’il faut savoir c’est que les artistes m’ont toujours kiffé. Depuis que j’ai commencé en Belgique avec Hamza ou ici avec Lil Keed, les mecs me kiffent. Je sais ce que les artistes veulent côté sapes, lean, weed, artistique. Je suis une inspiration en studio. Je sais comment aider les rappeurs, je sais comment ils fonctionnent. Avec les années, j’arrive à aider les artistes en studio et ils aiment pas quand je suis pas là. C’est comme ça que je me suis retrouvé à être assistant de Young Thug. Il y a quelques mois, mon pote CashMoneyAP m’a dit que je devais faire ce métier qui consiste à créer des ponts entre les gens. Rapprocher les rappeurs avec les producteurs en gros. J’ai toujours fait ça ici, j’ai fait ça avec Ikaz Boi quand il est venu aux States. Je suis un plug en quelque sorte. J'arrive à créer cette relation et mettre les gens à l’aise. L’ambition ? Être une sorte de DJ Khaled en rassemblant du beau monde pour faire de la bonne musique. Parfois les artistes européens arrivent et ils sont dépaysés ou ils ne savent pas comment s’y prendre. Moi j’arrive à créer ce pont, il y a beaucoup de gens qui m’appellent le pont, « THE BRIDGE ». Ça ferait un bon nom d’artiste ça en vrai, « THE BRIDGE ». 

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« Quand je fais un pop-up à Bruxelles, je fais 25 000 € en 48 heures. Je suis le seul à faire ça. »

T’as gardé des contacts en Belgique à part avec nous ?
Je suis en contact avec tout le monde frère. Frenetik, c’est la famille. Les Hamza et les Damso c’est la famille aussi, mais je bosse un peu moins avec eux en ce moment. Malheureusement, et je dois vraiment le dire, les mecs se sont loupés sur moi en Belgique. Les gens savaient ce que je faisais mais n’ont pas su l’exploiter. Dans mon téléphone, j’ai le numéro de tout le monde, le manager de Drake, d’Akon, de son frère qui est le manager de Kanye West… J’ai un don pour faire ça et j’ai une marque qui est « cool ». Quand je donne mes vêtements en studio, les gens aiment. T’as même des artistes qui citent Muso Kuso dans leurs morceaux

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Dernière collab avec That's A Awful Lot Of Cough Syrup

Tu parles beaucoup de suivre ses rêves, de l’influence américaine, mais tu te dis jamais que la course à ce type de succès ça mène aussi à un certain individualisme bof bof ?
Je pense que tout est possible. J’ai commencé ma marque avec zéro balles. J’ai trouvé un investisseur qui, de base, devait investir 8 000 €. Il a fini par investir plus de 200 000 €. Avec ça, j’ai fait le tour du monde. Deux fois. Quand je fais un pop-up à Bruxelles, je fais 25 000 € en 48 heures. Je suis le seul à faire ça. J’ai su créer une économie autour de moi qui peut me permettre d’aller où je veux. Il faut capter que la vie aux States c’est autre chose, on peut pas comparer ou analyser avec un point de vue européen. Mon loyer c’est 2 700 € par mois, tu vois ce que je veux dire. Tout est plus cher du coup faut faire plus d’argent. Faut repenser les choses : le territoire est plus grand, il y a plus de monde, du coup tu peux faire plus de ventes. Los Angeles, c’est une ville qui permet d’avoir un reflet sur le monde entier. Tu vas placer une pièce sur un artiste, sur un·e influencer, sur un·e acteur·ice et ton produit sera vu dans à travers le globe.

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On peut te souhaiter quoi pour la suite ?
Faire que des produits innovants et plein de collaborations. Là par exemple avec Desto et sa marqueThat’s An Awful Lot Of Cough Syrup, une marque de lean, j’ai sorti un sac-banane dans lequel tu peux mettre ta bouteille de sirop et ta cup qui va avec, le tout dans un seul objet. Quand les gens voient ça, ils adorent, ils en veulent plus et se disent que c’est innovant. Ma démarche elle est honnête, elle est ambitieuse, elle est hustler. Ce qu’on peut me souhaiter ? C’est que ça continue comme ça et même plus. Dans six mois, si tout se passe bien, je peux vous faire rentrer dans les studios avec Young Thug et Future, on fait une émission ensemble si vous voulez comme ça vous montrez à tout le monde ce que c’est la vie à Los Angeles. Et j’espère que d’ici là je serais directeur artistique ou quelque chose comme ça.

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