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Montage : Thibault Hollebecq / Source : Getty
Santé

Le parcours éprouvant des malades de la variole du singe en France

« On répète que c'est bénin mais on oublie de dire combien c'est douloureux comme maladie. »
Thibault Hollebecq
Paris, FR

Maxime* a eu plusieurs partenaires sexuels ce mois-ci. Il insiste sur le fait qu’aucun d’eux ne semblait malade ou n’avait de boutons. Début juin, de toute façon, l’existence du Monkeypox, autrement appelé « variole du singe », n’est encore qu’une lointaine chimère dans l’esprit de tous. Le discours autour de la maladie ne ressemble qu’à « une pâle copie de l’arrivée du Covid - en moins grave ».

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Juste après la Marche des Fiertés du 25 juin à Paris, Maxime commence à avoir des suées et à se sentir « un peu faible ». Il se sent inhabituellement chaud et pense immédiatement à cette maladie. Il essaye de se souvenir où il aurait pu la choper, avec qui, mais sans trouver. Il en parle à ses amis pendant l’apéro, légèrement inquiet. Tout le monde se moque de lui. Au pire, c’est la 652e du vague du Covid-19 entend-il de la bouche des blasés. Finalement, le groupe lance quelques recherches sur un téléphone.

À ce moment-là, il y a peu d’informations précises disponibles sur cette maladie. Ce qui ressort le plus souvent, ce serait l’apparition de cloques sur le corps. Des réactions cutanées qui se situeraient principalement dans la zone anale, mais pourraient aussi apparaitre partout ailleurs. Ses copains se re-moquent de sa parano, Maxime n’a effectivement pas de « pustules » : ça ne doit pas être ça. L’apéro se transforme en soirée, Maxime picole pas mal et n’y pense plus trop. 

Le lendemain, il se réveille tardivement et se sent dans un état lamentable, quasiment incapable de bouger. Il met ça sur le dos de la soirée arrosée de la veille mais se dit que ça ne ressemble pas trop à ses habituelles gueules-de-bois. La nuit suivante, il dort 12 heures d’affilée. Ça ne lui arrive jamais.
Pourtant, il se sent encore plus crevé que la veille. Il se met à re-flipper, se lève puis se rassoit immédiatement dans son canap. Il sent tout de suite qu’il va être incapable d’aller bosser.

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On lui enjoint d’aller aux urgences alors même qu’il a lu plus tôt sur internet qu’en cas de suspicion de maladie contagieuse, il est conseillé de les éviter.

Là, le mal de ventre commence, la diarrhée aussi. Viennent ensuite de fortes migraines, incessantes. Il essaye de se recoucher et se rend compte qu’il a des courbatures partout et un mal de dos atroce. Il passe sa journée au lit, fiévreux, à se tordre de douleur. Le lendemain, il voit une petite tâche rouge dans la paume de sa main. Même si c’est un minuscule bouton, il confie à VICE que c’est à ce moment précis qu’il a commencé à paniquer.

Maxime part à nouveau à la recherche d’info sur le web. Il en trouve sur le site Sexosafe et tombe sur des études en anglais qu’il tente de traduire tant bien que mal. Ça ne le rassure bien évidement pas. Il essaie d’appeler des hôpitaux parisiens dont Saint-Louis ou Bichat. Personne ne répond. Il appelle alors le 15 et tombe « sur quelqu’un d’odieux. Vraiment odieux. » On lui enjoint d’aller aux urgences alors même qu’il a lu plus tôt sur internet qu’en cas de suspicion de maladie contagieuse, il est conseillé de les éviter pour ne pas risquer de contaminer des lieux déjà saturées.

Il finit par joindre le service infectiologie de Bichat. On lui dit de venir le lendemain avant midi. Encore une soirée à attendre, à souffrir et à s’inquiéter sans réponse.

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Il y arrive tôt le lendemain matin, malgré la fièvre et les douleurs qui lui tordent le bide. Sur place, on lui annonce qu’il n’a rien a faire là, qu’il aurait dû aller à Saint-Louis et non à Bichat, que personne ne lui a jamais dit de venir ici. Retour à la case départ. À force d’insister, il obtient des excuses de la part de son interlocuteur qui lui avait dit de venir. Mais pas de diagnostic ni de prise en charge. Ils sont déjà complets et ne peuvent plus prendre d’autre patients supplémentaires. Maxime dénombre au moins cinq patients venus pour la même raison que lui.

L’hôpital Saint-Louis finit par lui répondre que, côté infectiologie, ils n’ont plus de place avant trois jours. On lui dégotte en bout de course un rendez-vous en dermatologie. Là, on l’accueille enfin avec tact et écoute. « Ils ont vraiment été adorables », insiste Maxime. Il y subit des prélèvements buccaux, annaux (hyper douloureux) et de son bouton. Le médecin ne peut lui affirmer que c’est bien la maladie qu’il soupçonne. Il va encore devoir attendre trois jours avant d’avoir ses résultats, un lundi matin. Il est effectivement positif à la variole du singe.

S’ensuit une nouvelle semaine de passages fiévreux et de crise de larmes en allant aux toilettes tellement la douleur est insoutenable. Maxime n’a pour seule prescription que du Doliprane et un isolement de 21 jours. Il évoque aussi l’angoisse mentale de devoir à nouveau endurer un confinement personnel après en avoir fait l’expérience pendant des mois à cause Covid. C’est quelque chose que peu de gens voudraient revivre. Et encore moins en étant seul à le subir.

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Aujourd’hui, il attend toujours, une semaine après ses résultats et près de trois semaines après le début des premiers symptômes, un appel de l’Agence Régionale de Santé, qui devait lui demander de tracer ses cas-contacts potentiels. Sa fièvre s’est arrêtée. Il a lui-même prévenu les personnes avec qui il avait eu des rapports sexuels de son état. Personne ne semblait l’avoir contracté. Mais il continue de vivre avec l’énorme inquiétude de l’avoir potentiellement transmis à quelqu’un d’autre, sachant aujourd’hui combien cette maladie peut être douloureuse.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS s’est dit « préoccupé par l'ampleur et la propagation du virus dans le monde »

Quand il a questionné les médecins sur l’opacité qui entoure la variole du singe, ils lui ont répondu, sans énervement mais dépités, que « les leçons du Covid n’avaient malheureusement pas été retenues » soulignant que le manque de personnel actuel n’améliorait pas la situation. Ils ont aussi ajouté que, comme cette maladie touche majoritairement des hommes ayant des rapports avec d’autres hommes (HSH), il existe une peur de stigmatiser une partie de la population en communiquant mal dessus. 

Rappelons quand-même que l’OMS ne classe pas cette maladie dans les MST. Il est possible de la contracter par d’autres moyens, par exemple en ayant un contact prolongé avec une personne atteinte, en long face-à-face par les gouttelettes de salive, le partage de linge (vêtements, draps, serviettes…), d'ustensile de toilette (brosses à dents, rasoirs…), vaisselle, sextoy ou seringue.

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Comme Maxime, ils sont nombreux à avoir été confronté à ce parcours du combattant, certains renonçant même à aller au bout du dépistage. Cela n’a pas empêché le nombre de cas recensés a fortement augmenté ces derniers jour, passant à près de 500 cas détectés rien qu’en Île-de-France au 7 juillet.

Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS s’est dit « préoccupé par l'ampleur et la propagation du virus dans le monde », ajoutant qu'en raison du manque de tests, de nombreux cas n'étaient probablement pas signalés et de préciser « 80% des cas enregistrés se trouvent en Europe. » Une réunion d’urgence de l’OMS est prévue la semaine du 18 juillet.

« Depuis le début on nous dit que c’est bénin, et c’est surement vrai, mais on oublie de que c’est très douloureux comme maladie »

Jonathan*, une autre personne contactée par VICE, nous a aussi confié sa crainte et sa colère face au manque d’informations sur cette maladie. Comme Maxime, il n’a qu’un seul bouton qui le fait atrocement souffrir. Il a depuis décidé d’écrire sur son compte Instagram ce qu’il vit à la fois pour que les gens en sachent un peu plus sur cette maladie mais aussi pour chasser la honte de l’avoir choppé en ayant des rapports sexuels et ainsi libérer la parole.

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On peut y lire notamment : « Depuis le début on nous dit que c’est bénin, et c’est surement vrai, mais on oublie de que c’est très douloureux comme maladie ». Il raconte aussi son passage à l’hôpital, ce patient qui attendait son tour, incapable de s’assoir à cause de la douleur et pleurant d’angoisse, cet autre dont ils entendaient les hurlements alors qu’il se faisait ausculter des boutons au niveau de la zone anale, suppliant les médecins d’arrêter à plusieurs reprises.

Jonathan a même du revenir consulter une deuxième fois, 24 heures après son diagnostic, parce que son état s’était un peu dégradé et que son œdème ne dégonflait pas du tout. Si l’antibiotique ne fait pas vite effet, on lui a aussi dit qu’il allait peut-être devoir porter une sonde. Cette idée le terrorise. Son copains, après avoir harcelé plusieurs centres de vaccination et fait le pied de grue devant l’un d’eux, a enfin pu se faire vacciner. Ça ne les empêche pas de devoir faire chambre à part le temps que Jonathan aille mieux.

Même son de cloche chez Tony*, un ami de Maxime. Après la Pride, il a eu plusieurs rapports non protégés, puisque sous Prep. Son colocataire a été déclaré par la suite positif à la variole du singe. Il est depuis quelques jours en surveillance à l’hôpital. La douleur était devenue trop insupportable, il n’arrivait plus à s’alimenter. Tony a commencé à avoir peur. Après des tonnes de coups de fils et des jours d’angoisse, il a finalement réussi à trouver un rendez-vous vaccinal. Il devait partir en vacances avec ses parents et ne pouvait pas imaginer une seule seconde devoir leur dire qu’il ne pouvait pas à cause d’une maladie comme celle-là.

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Jonathan, lui, a raconté dans la salle d’attente à un autre malade qu’il dit aux gens qu’il a « un problème aux reins, tu verras les gens posent pas de questions. » Pour Jonathan, le fait que son cas soit un peu atypique pour les médecins, et même s’il sait très bien qu’il n’y a pas de morts en Europe, lui fait nous dire « j’espère ne pas être le premier ».

Ce vendredi 8 juillet, après des semaines d’interpellation des pouvoirs publiques par plusieurs association LGBTQ+ et le corps médical, la Haute Autorité de Santé (H.A.S.) a annoncé recommander une vaccination préventive pour toutes les personnes à risque en raison du nombre de cas qui évolue rapidement. Jusqu’alors, elle préconisait de ne vacciner que les personnes ayant eu contact avec un malade. Mais la stigmatisation de cette maladie associée de façon raccourcie aux rapports sexuels rendrait le traçage des contacts difficile selon la H.A.S.

Pour plus d’information sur le monkeypox ou variole du singe, sa transmission, ses symptômes, rendez-vous sur le site de Sexosafe.

*Les prénoms ont été changés pour respecter l’anonymat des personnes qui ont accepté de témoigner.

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